Sécurité Routière : l’inquiétant silence des candidats
Les victimes de la route et leurs famille attendent, en silence, un signe d’intérêt dans candidats à la présidentielle pour leur cause.
Chaque jour, la route continue à tuer, et à mutiler.
Plus exactement, les comportements de ceux qui se trouvent aux commandes des véhicules et qui les conduisent.
Qu’on le veuille ou non, le bilan de l’insécurité routière est digne du bilan des guerres connues par ailleurs. Quiconque côtoie les services hospitaliers, les centres de rééducation, les familles des victimes ne peut que se résoudre au fait que cette hécatombe serait le prix d’une fatalité insurmontable, ou le prix à payer pour détenir une industrie automobile florissante.
L’histoire politique récente a démontré que seule la volonté politique de premier ordre pouvait faire changer les comportements et alléger le poids de l’insécurité routière.
Entre 2002 et 2007, le Président Chirac a su, à force d’une volonté inébranlable, mettre en place une politique très volontaire et aussi – et surtout – une mobilisation de l’ensemble de la société civile.
Grâce à une mobilisation générale allant du gouvernement aux média, en passant par le système judiciaire et associatif, le défi a été temporairement relevé : mourir sur la route, à cause de la vitesse excessive, de l’alcool, des stupéfiants, et plus généralement de la bêtise, n’était plus acceptable.
Cette mobilisation a payé : plus de 40.000 vies ont été épargnées depuis le 14 juillet 2002, date à laquelle Jacques Chirac a décrété la sécurité routière au rang de grande cause nationale.
Aucun esprit intègre, suffisamment éclairé sur le sujet, ne pourrait nier le poids du renforcement des contrôles dans l’infléchissement sans précédent de la courbe de la violence routière. La route ne pouvait plus être le seul espace de la société où la violation de la loi était acceptable.
Tout cela aurait-il été vain ?
La même objectivité impose aujourd’hui de reconnaitre que le cercle vertueux qu’a connu cette cause s’essouffle : les derniers bilans de la Sécurité Routière sont mauvais, le nombre victimes stagne quand il n’augmente pas. Le constat est identique dans les centres de rééducation que je côtoie quotidiennement : le nombre de nouveaux entrants repart à la hausse.
Les détracteurs de la lutte contre l’insécurité routière organisés sous forme de quasi-syndicats, dont la démagogie n’a d’égal que leur omniprésence dans les médias, usent habilement des résultats actuels pour affirmer que la politique menée est inefficace, pire qu’elle serait contre-productive.
Le débat est ouvert et fort logique dans un système démocratique.
Ce qui m’inquiète davantage, c’est l’absence quasiment totale de la sécurité routière dans le discours de l’ensemble des candidats à la présidentielle.
Aucun d’eux n’a réellement exprimé son point de vue sur le sujet et ce qu’il entendait faire pour permettre à la courbe de la mortalité de repartir à la baisse. Pas une phrase dans un discours, pas un mot pour les victimes de la route qui, pour celles qui n’ont pas perdu la vie, votent encore.
Rien hormis une série de réponses très succinctes au questionnaire d’un magazine de motards. Preuve du désintérêt calamiteux des candidats pour le sujet, François Fillon n’a même pris la peine d’y répondre. Marine Le Pen dénonce un système inéquitable, Benoît Hamon annonce sa volonté de relancer la machine sans dire comment, Emmanuel Macron fait de même tandis que Nicolas Dupont Aignan reprend sa rengaine électoraliste de système de racket organisé…
A la vérité, la sécurité routière ne les intéresse pas.
Leur silence, aussi déplorable qu’il soit, est avant tout inquiétant.
Il traduit leur désintérêt pour la question et laisse à penser que, quel que soit le futur président de la République, la sécurité routière ne serait qu’un dossier secondaire de l’action publique. Or, seule une action interministérielle coordonnée et dynamique permettrait d’arriver à l’ambitieux objectif des 2000 tués.
Pourtant tant serait à faire : refonte de l’éducation routière, renforcement de la lutte contre l’alcool et les stupéfiants au volant, lutte contre la conduite sans permis, réflexion autour de l’essor des nouvelles technologies dans les véhicules, amélioration du traitement judiciaire des infractions routières…
Mais sans volonté, la France est condamnée à renouer avant son statut de mauvais élève européen.
Les récents chiffres publiés par la Commission européenne ne laissent d’ailleurs aucun doute : la France évolue à contre-pied de la tendance générale affichée par nos voisins. Par rapport à la moyenne européenne, qui est de 50 tués par millions d’habitants, la France détient un taux de mortalité de 54, du même niveau que celui de l’Italie et légèrement inférieur à celui de la Belgique.
Tous ceux qui croyaient avoir gagné contre l’indifférence ne peuvent d’observer, pétrifiés, les Français continuer de s’entretuer dans une indifférence quasi parfaite.
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