Ségo se souvient de la pénibilité
Il était temps ! Dans son face-à-face avec Nicolas Sarkozy, la candidate de la défense des valeurs humaines en contrepoids aux valeurs boursières a enfin lâché le mot bien connu de millions de salariés : « Pénibilité ».
Oh non, pas la pénibilité de son interlocuteur mais, plus ennuyeux pour ce dernier, la pénibilité du travail. Même si le coureur du tour présidentiel n’a pas eu à changer de braquet au moment où Mère Courage lui lançait le gros mot "pénibilité" à la figure, le chantre du "travailler plus pour gagner plus" a tout de même transpiré quelques secondes.
Comment, en effet, travailler plus quand, déjà, on "n’en peut plus" ? Comment travailler au-delà de l’âge légal de la retraite quand on sait qu’au mieux, on en profitera quelques années avant de casser sa pipe, usé jusqu’à la moelle par la "valeur travail" ? Quand, de toutes façons, les salariés démolis deviennent des seniors au chômage à peine cinquante ans sonnés ?
La "pénibilité" ? Père Boulot-dodo n’a pas grad-chose à en dire. D’ailleurs, selon lui et parole de face-à-face "Présidentielle 2007", elle est déjà prise en compte. Ah bon ?!
Alors, si Royal s’emmêle joyeusement les pédales sur la part de l’énergie nucléaire dans la production de l’électricité française ou sur la possibilité de construire d’un coup de baguette magique une génération de centrales supérieure à celle de l’EPR finlandais, Sarkozy, de son côté, ferait bien de réviser ses tablettes sociales.
Certes, la négociation entre partenaires sociaux sur la prise en compte, la prévention et la réparation de la pénibilité au travail est en cours mais, depuis février 2005 alors que, craché juré par le Medef, elle allait démarrer en avril de l’année... 2004 ! Cette négociation est en effet inscrite dans l’article 12 de la loi sur les retraites de 2003. Mais comme la pénibilité peut attendre et conduire jusqu’au suicide sans émouvoir le Medef et son meilleur porte-parole politique, la fameuse négociation n’a en fait jamais réellement démarré. Voilà une des plus grosses couleuvres que les centrales syndicales ont eu à avaler ces dernières années. Pas plus tard qu’au mois d’avril 2007, ces dernières entonnaient à nouveau le cocorico syndical d’un énième redémarrage des négociations. Résultat : trois ans après les promesses patronales, les syndicalistes sont toujours priés de patienter.
Les salariés en train de perdre leur vie à la gagner, idem. Selon l’enquête Sumer (Surveillance médicale des risques), qui porte sur 56 000 salariés interrogés par 1 800 médecins du travail entre 2002 et 2003, 27 % d’entre eux travaillent debout en permanence, 13 % se coltinent des charges lourdes, 18 % ont l’appareil auditif soumis quotidiennement à plus de 85 décibels, 37% inhalent des produits chimiques et, enfin, un sur dix est susceptible de contracter, opération chirurgicale et handiap à la clé, un trouble musculo- squelletique dû aux gestes répétitifs et à l’intensification du travail.
Alors, non, la pénibilité au travail, le gouvernement sortant n’a jamais rappelé à l’ordre son bras droit patronal pour qu’il se dépêche de la négocier. Pour qu’en prime, il commence à gager ses profits sur d’autres paramètres que la capacité d’usure des salariés. Ca, les patrons des pays émergents savent encore mieux faire et possèdent des légions de travailleurs à jeter.
Alors, oui, il reste quelques jours pour vraiment faire campagne en se rappelant au bon souvenir de ceux qui travaillent, se lèvent tôt et se couchent crevés.
Muriel Bastien
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