Ségolène Royal : un objet sacrificiel ?
Après avoir reçu de plein fouet le tweet assassin de la Madame Ben Ali française (Vava Trierweiler), et bien que les sondages lui soient très défavorables, Ségolène Royal veut encore y croire à La Rochelle. Non élue elle perdrait la possibilité d’être présidente de l’Assemblée Nationale.
Comme femme politique ses grandes ambitions sont freinées pour la troisième fois (après les échecs à la présidentielle et au secrétariat du PS). Certes elle reste présidente de région. Mais c’est un peu loin de Paris et des sunlights. Que se passe-t-il avec cette femme autrefois tant aimée et aujourd’hui régulièrement désavouée ? Y a-t-il quelque chose de particulier à comprendre dans son personnage ou son itinéraire ?
Elle a publiquement associé sa vie privée et son engagement politique. On se souvient des images avec sa fille qui venait de naître en 1992. Cela procédait probablement d’une volonté d’unification du privé et du politique. Une élue est aussi et d’abord une humaine. La mise en scène de la famille n’est pas exceptionnelle.
Ségolène a ensuite été utilisée par son parti. Elle avait une forte aura, faisait vibrer les militants et les sondages lui ont à un moment promis une carrière exceptionnelle. Mais comment gérer cela avec un compagnon qui, discrètement, attendait son tour et voyait la possible victoire de sa compagne comme un frein à sa propre ambition ? Qui n’a pas vraiment soutenu la candidate pendant la campagne ? Et où puiser la force de la victoire quand ce même compagnon vit une double vie et que sa vie sentimentale et familiale s’écroule ?
Mais elle devait présenter une image parfaite pour être élue. A-t-elle été conseillée par les éléphants du parti, qui voyaient en elle la No 1 des sondages et la sauveuse du PS après le traumatisme de 2002, avant de voir l’humaine ? A-t-elle été mise en avant au mépris de son vécu douloureux ? Elle qui se voulait libre, sa vie a été sacrifiée au profit d’une hypothétique victoire de la gauche en 2007. Mais elle l’a aussi voulu. Son ambition a gonflé. Elle voulait sauver la gauche et la France. En avait-elle les compétences ? Difficile d’en juger alors qu’elle n’y a pas accédé.
Je ne le pense pas.
D’une part elle fonctionnait de manière très, trop émotionnelle. On adhérait à elle, pas à un programme. C’est dangereux en politique. Ceux qui l’ont réussi, comme De Gaulle à l’époque, avaient une stature et une solidité personnelle hors du commun. Cela ne semble pas être son cas, et la fragilisation de sa vie sentimentale ne peut être mise de côté dans les raisons de son échec.
Elle était également trop clivée, pas assez consensuelle à l’intérieur même de son parti. Elle s’est fait des ennemis qu’elle n’a pas su neutraliser. Son militantisme féministe ne l’a pas servie non plus. Quelqu’un aurait dû lui dire que cela divisait l’électorat. Voter pour une candidate solide au bon programme, c’eût été possible. Mais voter parce que c’était une femme introduisait une discrimination et une division dans les esprits. Et l’on sentait qu’en démolissant son père elle réglait des comptes avec les hommes.
Et puis ses sorties comme la bravitude, ses attitudes parfois décalées, son style passionaria auraient eu plus de succès en Amérique du sud, où l’on élit sans problème des femmes à la présidence.
Elle s’est isolée de ceux qui devaient la soutenir, croyant qu’en s’offrant en sacrifice à la nation elle allait faire voter les coeurs plus que les têtes. On a entendu de manière subliminale, dans cette attitude sacrificielle, un discours d’ego qui ne collait pas avec l’humanisme auquel elle prétendait. Il y avait en elle à la fois la complexité de sa personnalité et les contradictions idéologiques du parti socialiste (par exemple entre la revendication d’une plus grande liberté et l’écho d’un collectivisme contraire à cette liberté, ou sur l’autorité. Contradictions que Hollande porte toujours, d’ailleurs). Le message a été brouillé.
Aujourd’hui son parti est prêt à lui offrir un lot de consolation : la Présidence de l’Assemblée nationale. Pour cela elle doit être élue à La Rochelle. Où elle a été parachutée contre le candidat légitime du PS, Olivier Falorni, qui était déjà en place : Conseiller régional et adjoint au maire. Il a donc été évincé. Sur une raison étrange : la parité ! Il fallait une femme, ainsi en a décidé le PS, au nom d’une alternance paritaire. Ce qui montre bien que cette idéologie rigide de la parité ne colle pas à la réalité du terrain et qu’elle entraînera dans l’avenir de nombreux autres échecs. Car Falorni ne s’est pas désisté et est entré en campagne en dissident du PS. Les cadors du parti avaient-ils imaginé un tel scénario ? Encore une fois Ségolène - ou son staff de campagne - n’a pas su plaider sa cause. Trop sûre d’elle ? Trop autoritaire ? Objet de l’idéologie paritaire ?
Elle doit aujourd’hui faire face à des sondages désastreux pour elle, à l’échec de la primaire de 2011, à l’échec de sa candidature au secrétariat du PS, à la dérive autoritaire et assassine de Vava, au soutien vénéneux de celle qui lui a pris le secrétariat du parti. Encore une fois elle n’a pas su rallier à sa cause. Son échec lui est donc imputable. Mais elle a aussi été instrumentalisée, comme elle l’est aujourd’hui par Fanfreluche Trierweiler, qui est prête à l’envoyer aux enfers pour être seule maîtresse à bord dans la vie du président.
Ségolène Royal, objet de sacrifice. Ayant cru pouvoir faire expier les batailles d’ego du parti en s’offrant sur l’autel de la présidentielle. Portant les espoirs passés, tentant de transformer les déceptions en rédemption, et ce moins au travers d’un programme qu’au travers de sa propre personne. Utilisée même dans le rejet. Portée aux nues et trahie comme peu l’ont été.
Je n’aurais jamais voté pour madame Royal. Mais son parcours freiné, et la rage dont elle peut être l’objet autant que la dévotion, ainsi que sa manière de tenir debout contre l'adversité me font saluer en elle une bête politique hors du commun. Cela même si elle est largement la cause de ses échecs.
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