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Séisme de L’Aquila. Je ne peux pas t’assurer de te rassurer

Le 31 mars 2009, des experts italiens des tremblements de terre se réunissent à L’Aquila. Des secousses répétées inquiètent les habitants. Les sismographes donne des séquences de faible magnitude ils en concluent qu’elles ne sont pas annonciatrices d’événement de plus grande envergure. Une semaine plus tard, hélas, un tremblement de terre de magnitude 6,2 détruit le centre-ville de L’Aquila. Le 22 octobre 2012, les sept experts ont été condamnés à six ans de prison ferme pour homicide par imprudence pour les plus de 300 morts qu’a fait le séisme. Ce jugement est historique en venant sanctionner des experts qui se sont trompés dans leurs prévisions, on n’avait jamais vu ça. Ce jugement pose un problème de la croyance en la prédominance de homme sur la nature, un retour vers la mégalomanie.

Le besoin de sécurisation a toujours accompagné l’humain, c’est faire face à l’incertitude le l’existence devant l’incompréhension de certains événements et l’appréciation des risques qu’emporte de vivre lorsque l’on acquiert la conscience de la mort.

Rien de bien nouveau, sauf que l’on a parfois l’impression que notre société découvre qu’elle mourra. Cela n’emporte pas de se protéger pour prolonger son existence, mais suggère de devoir non seulement apprécier les faits reconnus dangereux mais de remonter jusqu'à leurs causalités.

C’est cela que nous faisons partiellement suivant les risques ciblés et pour ce faire nous avons développé tout un arsenal de sciences analytiques des phénomènes grâce aux développements technologiques.

Or la technologie est le résultat de la réflexion humaine et ne peut de ce seul fait détenir un quelconque absolu. Ces interprétations doivent être appréciées avec un taux d’incertitudes ou d’erreurs que l’expérience de celles passées nous permet toujours de limiter tant que faire ce peu.

Ce que je décris en quelques lignes est une constante comportementale humaine de toutes les époques, c’est une invariance d’échelle qui varie seulement dans ses objets. Cela se comprend d’autant plus facilement que nous savons que notre cerveau qui traduit toutes nos émotions n’a pas évolué, c’est seulement que nous connaissons mieux son fonctionnement et nous réajustons nos raisonnements à la mesure des savoirs que nous apprenons.

C’est ainsi que nous pouvons observer qu’historiquement nous avons glissé du droit des us et coutume vers un droit divin avec ses ordalies et aujourd’hui un droit dit positif qui n’a pas effacé des comportements conventionnels issus des deux précédents.

Il y a donc une évolution technique et non psychique et nous nous retrouvons avec une nuance étroite entre être rassuré et être assuré. Ne pas la saisir c’est à coup sûr tomber dans l’obscurantisme généré par la recherche de l’infaillibilité. Nous ne pouvons pas dire que sur ce sujet nous soyons ignorants, pourtant l’obscurantisme est le compagnon de notre existence.

Aujourd’hui encore certains prient, croisent les doigts, invoquent des axiomes tel, jamais deux sans trois, il n’y a pas de fumée sans feux, autant d’éléments qui démontrent la fracture intellectuelle entre le monde de la science, et celui de la superstition qui vient combler l’ignorance.

Nous avons donc une évolution vers l’humanisme qui s’accompagne d’une recherche d’absolue en se voulant rassurée sur tout, sachant donc avec certitude ce que sera demain. Or cela porte un nom c’est le déterminisme et tout aujourd’hui tend vers cela, encouragé par un savoir technologique producteur de biens et d’espérances d’infaillibilités.

Pour en arriver à cela nous avons fait une répartition des tâches par la sélection de l’enseignement et développé des spécialités pour s’assurer de disposer d’un maximum de chance de disposer de la bonne réponse. Sauf que tous les spécialistes de quelques disciplines que ce soit ne peuvent pas nous assurer que nous ne mourrons pas, c’est pourtant cela que nous leur demandons et que de tous les temps les hommes ont demandé à leurs semblables ou à des dieux religieux ou païens.

Être assuré demande donc d’accepter la dangerosité de l’existence, non comme une fatalité mais comme le déroulement de nos propres actes qui se situent sur une planète que nous modifions et sur laquelle nous nous installons avec toutes nos constructions et créations physiques (les biens) ou psychique (les idéaux) qui sont toutes des facteurs de risques potentiels par la distorsions de leurs usages (les bruits pour les scientifiques) qui se produira inévitablement car ce sont d’eux que surgira notre futur. L’inverse signifierait la stabilité, ce que dément toute l’histoire humaine.

Devant les risques l’homme a développé l’usage de la punition avec de bonnes ou mauvaises raisons, preuve s’il en était d’une impuissance pour un être qui voudrait tout maitriser est être rassuré.

Nous avons donc vu se développer ces derniers 50 ans l’offre de certitude sur la base des capacités technologiques et des performances de nos machines intelligentes, nous avons vendu l’hédonisme et proposons presque la vie éternelle, tient comme nos ancêtres qui la recherchaient dans leurs dieux.

Cette recherche naturelle est un risque majeur pour notre humanité, si l’humanisme dont nous faisons preuve pour essayer de remonter aux sources de nos maux et s’assurer d’en limiter aux maximum les incidences faute de pouvoir se rassurer qu’ils disparaîtront à tout jamais, (car soit la planète ou nous les générons), devient la recherche de l’homme parfait (inutile de commenter).

Comme il ne peut exister, nous le concevrons à la mesure de notre obscurantisme actuel qui pense que la science lui en donne les moyens pour répondre au différentiel que génère la fracture intellectuel actuelle, entre ceux qui regardent le monde avec leurs seuls sens et ceux qui se servent des multiplicateurs technologiques pour regarder un monde infiniment grand ou infiniment petit. 

 D'autre part, à vouloir entrer dans « l’infaibilité » pour se rassurer, avec l’aide de la technologie en répondant au souci d’éliminer radicalement la dangerosité qui accompagne toute existence, nous allons construire un monde déshumanisé. Nous sommes entrés dans cette perspective et nous y ajustons notre droit positif, qui passe ainsi d’un droit factuel vers un droit superstitieux.

La dangerosité est une appréciation individuelle et suggestive chacun de nous en avons une mesure, il se comprend facilement que nous n’allons pas pouvoir disposer d’un droit qui punit toutes les actions que chacun trouve dangereuses. C’est pourtant ce qu’il est demandé à la justice et aux politiques, il suffit d’écouter dans toutes les discutions, les médias et les discours politiciens qui l’instrumentalise.

L’humanisme juridique auquel nous avons ouvert la voie ne peut s’affranchir de la "factualité", ni lui, ni un autre, ils seront donc toujours imparfait, et si nos spécialistes doivent répondre de l’aptitude à exercer leurs disciplines, ils ne peuvent être puni pour le seul besoin d’hommes qui veulent être rassuré.

S’il est normal de se tourner vers ceux que nous instruisons pour qu’ils sachent et découvrent, il faut savoir que tout ce que nous concevons trouve un point ou tout s’effondre. Cette incertitude et le moteur du progrès et de l’évolution et a un prix en vie humaine, le réduire est un objectif, et n’est que cela. Il devient assez fou qu’un tribunal punisse des scientifiques parce qu’ils ont rassuré une population, il est fou également de voir les populations rendre responsable les politiques de faits naturels qui dépassent leurs capacités à agir, nous en avons vécu maints exemples, il est inadmissible que les hommes n’aient pas conscience d’être des acteurs agissants de tous les maux dont ils se plaignent.

Par contre il est normal qu’ils soient toujours à la recherche du Père et ont du mal à comprendre qu’ils ne trouvent qu’Eux

La peur séculière humaine est devenue un instrument de gestion des populations, il y a donc rien d’anormal de voir ce type de jugement se développer. L’évolution des seuils de risques acceptables a fortement diminué, en même temps que note activité les accroît, ce différentiel demande du savoir et du discernement, or nous réclamons de la certitude, c'est-à-dire comme l’homme des premières sépultures, ne pas mourir. Et si nous punissons ceux qui par leur activité professionnelle prolongent notre existence parce qu’ils ne sont pas des dieux, nous ne tarderons pas à élever des bucher autres que médiatiques. La dangerosité génère la peur qui engendre l’intolérance

Ce fait est symptomatique de l’évolution de notre société de surveillance qui définit de plus en plus un droit de la dangerosité qui emporte de définir un ennemi et qui « s’obscurantise » malgré les découvertes scientifiques sur la cognition en se cherchant toujours un responsable, boucs émissaires à ses maux au-delà de ses seules responsabilités d’acteurs agissant.


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5 réactions à cet article    


  • ddacoudre ddacoudre 27 octobre 2012 00:09

    bonjour Démosthéne.

    je n’ai lu que les comptes rendus et non le jugement, j’émets une opinion sur une situation qui dénote une évolution des seuils du risque dans nos sociétés. cela ma rappelé l’affaire de la météo qui a généré aujourd’hui les couleurs de notre carte météorologique en fonction des risques, ils ouvrent le parapluie puisque nous ne savons plus regarder le ciel pour savoir s’il pleut.
    cordialement.ddacoudre.over-blog.com .


  • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 26 octobre 2012 21:47

    Vous y êtes... presque.
    Ce verdict est plutôt et fort probablement le résultat d’un lobbying efficace : les assureurs l’ont échappé belle. L’affaire passe de la catastrophe naturelle au droit civil. TVB.


  • ddacoudre ddacoudre 27 octobre 2012 00:12

    bonjour scheizer

    c’est ce que semble confirmer oréga dans son commentaire.

    cordialement.ddacoudre.over-blog.com.


  • appoline appoline 27 octobre 2012 11:33

    Je trouve cette démarche ahurissante : trouver un responsable en cas de séisme. Il faut faire très attention car ester risque de décourager les plus volontaires. Les sismologues prennent des risques pour évaluer une situation et si en plus, les sinistrés peuvent les traîner devant les tribunaux, leur travail en pâtira. 


    N’oublions pas qu’en France certainement spécialités médicales sont en berne à cause de ce type de comportement : l’appât du gain, après la douleur bien sûr

    • Jimmy le Toucan 27 octobre 2012 15:42

      En tôle, l’arrogance pseudo scientifique

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