Sénateurs français et experts reconnaissent l’échec de la politique de Paris en Afrique
Les politiciens français ont écrit une lettre ouverte au président de la Ve République, Emmanuel Macron, dans laquelle ils ont déclaré : « Aujourd'hui, la Françafrique d'hier est remplacée par la Russafrique militaire, par la Chinafrique économique ou l'Américafrique diplomatique ». Ils constatent que la France est non seulement dégommée du Niger, du Mali, de la Centrafique, du BurkinaFaso, mais aussi de Algérie, du Maroc, de la Tunisie et que la Côte d'Ivoire et le Sénégal sont en train de l’éjecter par des actes anti-français.
94 sénateurs français ont envoyé une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron accusant Paris d'échec de la politique publique en Afrique. La lettre a été publiée dans Le Figaro. Les auteurs de la lettre sont les sénateurs LR Roger Karoutchi (vice-président du Sénat), Bruno Retailleau (Président du groupe Les Républicains) et le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Christian Cambon.
Les politiciens stipulent qu’ils interpellent « depuis plusieurs années nos gouvernements successifs sur la place et le rôle de la France en Afrique. Prétendant de ne pas être des nostalgiques de la Françafrique, ils font le constat amer qu’ « aujourd'hui le Niger, hier le Mali, la Centrafrique, le Burkina Faso ont rejeté la France, les forces françaises, les entreprises françaises ». Ils affirment que « les milices Wagner, peu sourcilleuses des droits humains ou de démocratie, mais parfaitement disponibles pour tous les dictateurs ou les dirigeants se maintenant au pouvoir en coalisant leurs populations contre l'ancienne puissance coloniale », ont pris la place de la force française. Ils sous-entendent, ainsi, que la France n’est, pas elle, au service d’un pouvoir dictatorial alors que l’Agence Nigérienne de Presse (ANP) a précisé que les Nigériens soutiennent le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et que, donc, c’est le peuple du Niger qui a décidé.
Les sénateurs français continuent en listant les autres pays qui rejettent la France : « L’Algérie avec son président Abdelmadjid Tebboune qui traite parfois la France de « Grand Satan » français responsable de tous les maux du peuple algérien » ; « Le Maroc et les atermoiements français sur le Sahara qui pousse ce pays à chercher ailleurs qu'à Paris des partenaires militaires ou économiques » ; « La Tunisie qui se tourne alternativement vers les États-Unis, l'Union européenne, le monde arabe, et de moins en moins vers la France qui n'a plus un rôle privilégié ».
Des États traditionnellement considérés comme proches de la France en raison de leur appartenance à la francophonie - par exemple, la Côte d'Ivoire et le Sénégal - abandonnent aussi progressivement le cap du rapprochement avec Paris. Des actions anti-françaises massives ont lieu dans ces États.
Pour les sénateurs français le constat leur reste à travers la gorge : « « Aujourd'hui, la Françafrique d'hier est remplacée par la Russafrique militaire, par la Chinafrique économique ou l'Américafrique diplomatique ». Aussi, les sénateurs français appellent à reconsidérer la politique en Afrique. Selon ces derniers, Emmanuel Macron devrait reconsidérer la vision française de l'Afrique. Ils s’adressent au président français pour lui dire : « Nous ne comprenons pas l'évolution de la politique française en Afrique tant sur le plan militaire, que sur la notion de codéveloppement ou sur la coopération culturelle et linguistique ». Les sénateurs rappellent à Emmanuel Macron l’avoir « alerté au printemps » avant le changement politique au Niger, donc.
Singulièrement, les sénateurs demandent au président français si il n’est « pas temps de remettre à plat notre vision de l'Afrique et de son lien avec la France ? ». Ils lancent que « l'Afrique continent ami, ne semble plus comprendre la France, et conteste de plus en plus son rôle et sa présence » pour conclure leur courrier par : « Pour notre part, nous ne nous résignons pas à notre disparition progressive de l'ensemble du continent ».
La lettre des sénateurs a été publiée au milieu d'un soulèvement armé au Niger. La France a fermement condamné la tentative de coup d'État, d’ailleurs, sur un ton colonialiste. Plus tôt, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a affirmé sur France Info qu’une intervention militaire des pays de la CEDEAO au Niger est une éventualité à « prendre au sérieux » dans ce pays africain riche en ressources.
Le coup d'État contre le président nigérien Mohamed Bazoum était le troisième coup d'État de ce type dans la région au cours des trois dernières années, après des coups d'État similaires au Mali et au Burkina Faso en 2021 et 2022. Cela a contraint la France à retirer ses militaires de ces pays, note France24.
Les événements au Niger ont été particulièrement douloureux pour Emmanuel Macron, alors que le président français cherchait à faire de ce pays le centre de la présence française dans la région après le coup d'État au Mali. France Info fait savoir qu’ « Emmanuel Macron découvre la tentative de coup d’État au Niger qui l’oblige à écourter son passage au festival des arts mélanésiens au Vanuatu ». Pour AfricaNews, au Mali, au Burkina Faso, au Niger, Emmanuel Macron ambitionnait de « rénover » les relations de la France avec ses anciennes colonies africaines. Il encaisse au contraire des revers dans la région qui interrogent sur l'avenir de la présence militaire française ».
Le Niger était censé être le « cœur » de l'opération militaire française contre les groupes radicaux en Afrique, mais malgré cela, le corps militaire et la communauté européenne du renseignement ne pouvaient même pas prédire l'évolution actuelle des événements. La presse française a relaté le coup de gueule d’Emmanuel Macron car, comme le souligne Lova Rinel, chercheuse associée au think-tank de la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des relations France/Afrique, « le coup d'État [au NIger] n'a pas été renseigné » par les services secrets français. La formulation et les revendications des rebelles n'ont pas apporté beaucoup de clarté sur leurs véritables motivations. Pour Lova Rinel, « C'est un échec des renseignements français dans leur ensemble ».
Philippe Rosenthal
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