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Septembre noir de 1970 : la Jordanie réagit avec détermination face à la menace palestinienne

En septembre 1970, le royaume hachémite de Jordanie, indépendant depuis 1946, est le théâtre d'un conflit armé tragique et complexe qui marquera à jamais son histoire : les événements connus sous le nom de "Septembre noir". Ce terme désigne une série de violences et de répressions qui opposent l'armée jordanienne aux groupes armés palestiniens, principalement l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par Yasser Arafat. Ce conflit est le résultat d'une confluence de facteurs historiques, politiques et sociaux, où le roi Hussein, qui a accédé au trône jordanien en 1952, joue un rôle central et déterminant.

La complexité du contexte historique et politique 

À la fin des années 1960, la Jordanie abrite une très importante population palestinienne, qui représente près de la moitié de ses habitants. Après la guerre des Six Jours en 1967, qui a vu la défaite des pays arabes face à l’État Israël, de nombreux Palestiniens se réfugient en Jordanie. L'OLP, dont le leader charismatique est Yasser Arafat,
gagne en influence et en pouvoir, utilisant le territoire jordanien comme base pour mener de guérilla opérations contre Israël. Cette situation crée des tensions croissantes entre le gouvernement jordanien et les factions armées palestiniennes, qui commencent à contester l'autorité et la légitimité du roi Hussein.

Le souverain hachémite, descendant de Hachim ibn Abd Manaf, arrière-grand-père du prophète islamique Muhammad, conscient du risque important que représente cette montée en puissance des groupes armés palestiniens, cherche à maintenir l'unité de son pays tout en préservant la stabilité régionale.

En effet, la Jordanie est menacée non seulement par les actions des Palestiniens, mais aussi par les ambitions expansionnistes de certains pays arabes qui soutiennent ces derniers. Les tensions atteignent leur paroxysme en septembre 1970, lorsque des détournements d'avion par des membres de l'OLP et de violents affrontements armés éclatent dans tout le pays.

Les événements de Septembre noir

Le 6 septembre 1970, un groupe de fedayins palestiniens détourne plusieurs avions de ligne, dont certains d'entre eux se poseront sur la piste d'atterrissage de fortune de Dawson Field en Jordanie, qui était jadis utilisée par une base britannique de la RAF. Ces actes terroristes marquent le début d'une escalade de la violence.

En réponse, le roi Hussein, qui voit sa souveraineté menacée et sa légitimité contestée, ordonne alors une répression militaire contre les factions armées palestiniennes, craignant que l’OLP de Yasser Arafat ne cherche à établir un État indépendant au sein de son propre pays. Ce qui commence comme une opération ciblée se transforme rapidement en une guerre civile ouverte. Les forces jordaniennes, bien entraînées et équipées,
lancent une offensive contre les camps de réfugiés palestiniens, notamment à Amman et dans la vallée du Jourdain.

Les combats font rage pendant plusieurs semaines, entraînant des milliers de morts, tant parmi les Palestiniens que parmi les forces jordaniennes. Les images de la répression, diffusées dans le monde entier, suscitent une indignation croissante et des appels à la solidarité avec le peuple palestinien. Cependant, la Jordanie, sous la direction de son souverain, considère cette action comme une nécessité pour préserver l'intégrité de son pays et éviter un effondrement total de son unité nationale.

Le soutien symbolique et mitigé des pays arabes

Les événements de Septembre noir ne passent pas inaperçus dans le monde arabe. Plusieurs pays, dont la Syrie et l'Égypte, expriment leur soutien aux Palestiniens et critiquent sévèrement la répression jordanienne.

La Syrie, en particulier, tente d'intervenir militairement en faveur des Palestiniens, mais le roi Hussein, déterminé à défendre la souveraineté de son pays, mobilise ses forces militaires pour faire obstacle à toute ingérence étrangère. Les forces armées syriennes, devant une telle démonstration de force, renoncent à leur projet et font demi-tour.

Ce soutien des pays arabes, bien que symbolique, souligne la complexité de la situation et les rivalités internes au sein du monde arabe et sur la façon de soutenir les aspirations des Palestiniens à disposer d’un État souverain, reconnu par la communauté internationale.

Les conséquences du conflit armé

Les conséquences des événements de Septembre noir sont profondes et durables. Le souverain jordanien réussit à rétablir le contrôle sur son pays, mais à un coût humain et politique élevé. Les Palestiniens, quant à eux, sont contraints de se réorganiser et de se déplacer vers d'autres pays, notamment le Liban, où ils continueront leur lutte pour l'autodétermination. Ce déplacement massif de populations contribue à la déstabilisation du Liban et à l'émergence de conflits ultérieurs qui déstabiliseront considérablement cette région du monde pendant de très nombreuses décennies.

Le bilan humain est considérable : 4 000 tués et 10 000 blessés, selon les Jordaniens, et jusqu'à 10 000 morts, en majorité des civils, selon les Palestiniens. Aujourd’hui encore, les historiens sont divisés sur cette question. 

Sur le plan international, l’issue du conflit armé de Septembre noir renforce la perception de la Jordanie comme un bastion de stabilité face à l'extrémisme et à la violence. Le roi Hussein, bien que critiqué pour ses méthodes radicales mais nécessaires, est également salué pour sa capacité à maintenir l'ordre dans un contexte régional hautement chaotique.

Les événements tragiques de Septembre noir en Jordanie en 1970 marquent véritablement un tournant majeur dans l'histoire du Moyen-Orient. Ils illustrent parfaitement les tensions complexes entre les aspirations palestiniennes et les réalités politiques jordaniennes. Le monarque hachémite, en prenant des mesures drastiques et efficaces pour préserver la souveraineté de son pays, a agi dans un contexte où la survie de l'État jordanien était en jeu.

Le roi Hussein, qui s’est éteint en 1999, a souvent été perçu, à juste titre, comme un modéré dans le monde arabe, cherchant à établir des relations équilibrées et durables avec l'Occident et à promouvoir la stabilité dans la région. Il a également joué un rôle déterminant dans les efforts de paix au Moyen-Orient, soutenant les négociations entre Israël et les Palestiniens, dans les années 1990.

 


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4 réactions à cet article    


  • Matlemat Matlemat 24 octobre 15:38

     La preuve qu’il n’est pas si facile pour un peuple expulsé de se réintégrer même dans les pays proches.


    • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 24 octobre 15:45

      @Matlemat
      Le Liban en est un exemple encore plus flagrant. 


    • Étirév 24 octobre 15:44

      Rappel du contexte : En 1967 toute la stabilité du Système Monétaire International basé sur les accords de Bretton Woods allait être vivement secouée en raison, en grande partie, de l’importante dévaluation de la Livre Sterling qui faisait suite à l’effondrement de l’économie britannique lié à « l’histoire secrète du pétrole ». Rappelons qu’en 1967, le président de la République Française déclarait : « La guerre du Vietnam et celle du Proche-Orient sont étroitement liées ». On sait aujourd’hui que la guerre des Six Jours fut largement une guerre du pétrole. On sait moins que la guerre du Viêt-Nam en est une autre. Dans son ouvrage « La guerre secrète du pétrole », Jacques Bergier rappelle que : « Malgré les liens privilégiés qui les unissent, les Britanniques ont toujours été de dangereux rivaux pour les États-Unis. Les grands « Maîtres du pétrole » des deux pays (Standard Oil « Chevron-Mobil-Exxon », Texaco, Gulf, Royal Dutch–Shell, British Petroleum, etc.) se sont, de tout temps, livrés une guerre acharnée. »
      Dans la foulée de l’effondrement de l’économie britannique, allait également commencer la lente agonie du Dollar avec la désastreuse guerre du Vietnam.
      Suite : En 1971, les USA n’ayant plus suffisamment d’or pour garantir l’intégralité des dollars en or, survient la fin de la convertibilité or du dollar. Aussi, à partir de cette date, le dollar américain, en tant que monnaie mondiale sera désormais adossé au pétrole ainsi qu’à la seule force de l’économie américaine (via son dynamisme économique intérieure). Concrètement, à partir de ce moment-là, la valeur du dollar ne repose quasiment plus que sur la force brute des USA, c’est-à-dire leur capacité à faire militairement et monétairement respecter leur hégémonie dans les pays tiers.
      Au niveau international, il résulte de cette situation la substitution de la notion d’« ordre juridique » par un retour à la « loi du plus fort ».
      Le début des années 1970 sera aussi le début d’une grande dérégulation financière. Alors surviendra la « fabrication artificielle des actifs », ainsi que la captation des réserves monétaires des pays tiers, c’est-à-dire les pays dits « alliés », les membres de l’U.E., etc., véritables « colonies » financières. On comprend alors, en partie, le pourquoi de la mise en place, en France, de la loi du 3 janvier 1973, dite « loi Pompidou-Giscard-Rothschild » (et aggravée depuis par l’article 123 du TFUE, Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne), qui modifie les statuts de la Banque de France et donne le coup d’envoi d’une dette qui augmentera incessamment et vampirisera toutes les richesses nationales produites.
      Blog


      • AmonBra AmonBra 26 octobre 09:07

        @ l’auteur

        Y compris par ce sujet, vous ne faites que confirmer que la spoliation territoriale du Peuple palestinien par la terreur, au profit de l’inique et prétendu « droit à l’existence » d’un état d’apartheid ! Est aussi indirectement, par la déstabilisation de la région, la cause première des flots de sang et de larmes imprégnant, à présent plus que jamais, la terre du proche orient depuis plus de 70 ans et dont la résistance palestinienne sonné, ne vous déplaise, fatidiquement le glas le 7 octobre 2023. . .

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