Sexualité : n’aurions-nous ni moteur ni gouvernail ?
Les sociologues, et dans une certaine mesure les psychologues, observent les humains comme des bateaux à la dérive. Comme s’il suivaient le courant sans moteur ni gouvernail. Il est vrai on ne leur demande pas de faire de la morale, c’est-à-dire d’établir des règles dans les relations en fonction d’un bien ou un mal.
Couple : de la prison...
Ils ont pour objectif de comprendre un comportement plus que de le valider ou le justifier. Parfois certains sortent de ce cadre et se donnent le droit ou l’autorité de définir ce qui est bon ou non. C’est le cas d’un sociologue américain parlant de l’infidélité masculine. Le sujet est traité par ailleurs sur le blog d’Etienne Dumont. C’est un autre aspect qui m’intéresse ici.
Ce sociologue, Eric Anderson, justifie et encourage l’infidélité masculine comme un moyen de vivre mieux son couple. Pendant longtemps les romains prônaient déjà les relations extraconjugales, pour les femmes comme pour les hommes. Il faut dire que pour eux le couple n’avait pas la valeur affective qu’on lui donne aujourd’hui.
Le thème de la fidélité est passionnant et jamais totalement clos. Entre la liberté de l’individu de mener sa vie comme il l’entend, les études qui affirment que la fidélité est bonne pour la tête, la crainte d’être quitté-e et la morale religieuse, le champ de discussion est vaste.
Ce qui m’étonne ici c’est la position de juge du sociologue : l’infidélité masculine serait une bonne chose. Non pas pour la reproduction de l’espèce ou à cause de l’asymétrie fondamentale des sexes : le mâle serait appelé à disperser sa semence alors que la femelle concentre la reproduction sur un embryon unique. Non. Tromper serait continuer à garder de l’affection pour sa compagne et ne pas la mépriser.
Anderson va jusqu’à parler du couple comme générateur « d'incarcération sociale et sexuelle susceptible de développer des frustrations, des colères, voire du mépris envers sa partenaire officielle. »
Et c’est là où quelque chose cloche. Les frustrations et donc le mépris envers sa compagne sont présentés comme des sentiments inévitables et normaux. Comme si l’individu n’était qu’un bateau sans moteur ni gouvernail, poussé de manière inexorable par des courants qui font de lui une marionnette.
... au libre choix
C’est faire fi de la notion de morale. Non pas d’une morale de jugement l’autre, mais de choix de vie. Les femmes dans leur grande majorité n’aiment guère partager. Elles le disent. Elles ont leurs raisons. Elle vivent cela comme une perte de valeur personnelle et un irrespect. Et elles veulent pouvoir compter sur l’homme.
Si l’homme accepte et fait ce choix, il est maître à bord. Prétendre qu’il finira frustré et méprisant envers sa partenaire c’est lui dénier cette maîtrise. La morale, dans ce sens, sert à rester maître de sa vie autant que possible.
Or le sociologue en question valide quant à lui le fait que nous sommes comme des bateaux sans moteur ni gouvernail. Etre frustré et mépriser l’autre serait l'inévitable logique. Et tromper serait la solution. Il soutient donc l’infidélité masculine.
Ainsi, de simple analyste, le sociologue s’érige en poseur de valeurs et décide d’une nouvelle morale.
C’est non seulement abusif mais générateur de confusion. On ne peut mettre au même plan un constat de comportement subissant les courants, et un choix de principes destinés à guider ledit comportement. Cela ne signifie pas que la fidélité est le seul mode relationnel. Certains couplent s’autorisent mutuellement à d’autres relations. Ils le choisissent, c’est leur vie. Il n’est même pas question de tromper puisque c’est le contrat.
Le sociologue ne parle que de l’infidélité masculine mais les principes de comportement sont valables pour les deux partenaires. Dans un contrat de fidélité le respect des engagements est important, comme dans n’importe quel contrat. C’est un choix. C’est à cela que sert la morale : à décider par nous-même de notre comportement. Elle nous aide à trancher entre ce qui fera du bien et nous permettra d’être clairs envers nous-même et les autres, et ce qui blessera et nous laissera dans l’opacité. C’est une question de choix personnel. Notion que le sociologue semble avoir évacuée.
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