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Accueil du site > Tribune Libre > Shanghai est-elle menacée d’affaissement ?

Shanghai est-elle menacée d’affaissement ?

Silence dans les rangs !

Chaque fois que l’on pose la question de l’affaissement du sol (土地沉陷) de Shànghǎi (上海), les regards se glacent, des gestes de la main éludent aussitôt la question.

Nul commentaire ne saurait être toléré car l’enjeu est de taille.

Dans son splendide envol, l’avenir de cette ville qui rassemble une richesse toujours croissante ne saurait souffrir la moindre critique.

A Shanghai, l’avalanche de milliards est tellement démesurée que la moindre rumeur, juste une incidente, fait dévisser des indices abstraits.

Au moindre coup de froid, des milliards s’évaporent à l’image des aléas de la bourse de Shanghai.

Cependant le silence suggère bien davantage le trouble que l’acceptation d’un problème.

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Shangai Pudong Skyline (CC BY-SA 3.0)
Photo par ASDFGH http://en.wikipedia.org/wiki/User:ASDFGH

Le cas de México

Ayant longtemps vécu à México, ville de 20 millions d’habitants, j’apprécie les débats intenses et jamais clos sur les glissements de terrain du bassin endoréique du District Fédéral. Cependant ces échanges démocratiques ne sont pas sans conséquences.

“ A México, l’existence même de ce débat a fait perdre à la ville près de 100 milliards d’actifs depuis 1990 selon une évaluation basse ” se plaint un prometteur. A l’inverse, la municipalité de gauche s’en félicite : « La menace géologique tire le foncier vers bas, ce dernier se maintient à l’écart des spéculations ».

Fissures sur le sol de Shanghai

A Shanghai, il n’existe pas de débat sur la question. Quelques brèves tout au plus au ton retenu, de surcroît, au contenu contrôlé.

Toutefois, l’information s’est légèrement emballée avec la découverte à la mi-février 2012 d’une longue fissure dans une rue au pied de l’emblématique Shànghǎi zhōngxīn (上海中心, 632 mètres), en voie de construction alors, dépassant la Shànghǎi huánqiú jīnróng zhōngxīn (上海环球金融中心, 492,5 mètres, 2008) et la jīn mào dàshà (420,5 m, 1999), toutes trois situées dans le quartier de Pǔdōng Xīn Qū (浦东新). La présence de ces tours légitime des inquiétudes quant à l'impact environnemental, notamment, en rapport avec l'affaissement des sols. Toutefois, les craquellements de surface sont banals sur des terrains constitués de remblais.

Rapports

Plusieurs études traitent de la problématique de l’affaissement du sol de Shanghai. Cependant, faute d’une étroite collaboration avec la société de géologie de Shanghai, aucune ne fait vraiment autorité.

Ainsi selon un rapport établi par l'Université du Colorado, le delta du Chángjiāng (长江/長江) serait doublement affecté par l'affaissement du sol et de la montée du niveau de la mer. Reposant sur l’analyse de photos prises par satellite, selon ce rapport, la région serait sérieusement menacée.

Pour rappel, le delta recouvre une surface totale de près de 38,500 sq mi pour une population évaluée à 100 millions d’habitants dont 80 millions établis en zone urbaine. Ainsi la problématique de Shanghai est inséparable de celle de la région. S’étendant sur une superficie de 6340 Km2, la municipalité autonome héberge 24 millions d’habitants.

Démenti officiel

Cette analyse est contestée par la Municipalité, notamment, par la Société de géologie de Shanghai.

Sans rejeter l’idée que le sol du Shanghai s’affaisse dans la zone deltaïque, elle récuse la perspective que la région soit dangereusement menacée.

La Société de géologie de Shanghai s’appuie sur des données obtenues à partir de 220 GPS et 37 systèmes de contrôle des sols. D’après cet organisme, cette méthode serait plus précise que des photos prises par satellite.

Dans ce cadre, un contrôle particulier est réalisé sur les tunnels du métro et de la localisation des futures lignes.

Cependant ces données ne font l’objet ni de débat contradictoire ni d’examens complémentaires. Très liée à la Municipalité, la Société de géologie ne peut délibérément rapporter des informations exactes car comme il a été précisé plus haut, les enjeux financiers sont trop importants.

Toutefois la société de géologie se fend d’un chiffre. Elle mesure le tassement du sol de Shanghai à hauteur de 7 millimètres par an. Elle préconise de ramener ce chiffre à 5 mm par an.

Une situation ancienne et connue

Selon les archives de la ville, le tassement de Shanghai est connu depuis longtemps. Construite à l'embouchure du fleuve huángpŭ jiāng sur un sol sédimentaire chahuté et boueux, cette situation est constatée dès 1921. Depuis le début du siècle jusque dans les années 70, les nombreuses usines alors présentes dans le delta exploitaient à outrance la nappe, laissant à terme des poches d'air, contribuant mécaniquement à l'enfoncement des sols.

En presque cent ans, la ville aurait perdu entre 2 et 3 mètres de hauteur. Un indicateur en témoigne. Sur les bords du sūzhōu hé, la surface de l’eau est souvent au-dessus de celle des quais. Jouant de prudence, les archives précisent que la situation serait sous contrôle depuis 1965.

Le poids des tours

Shanghai compte peu ou prou 1 000 tours de plus de 100 mètres. Garant d’une croissance sans limite, la construction de gratte ciels ne ralentit toujours pas.

Selon le Bureau de la planification de la ville de Shanghai, le tiers des affaissements dans le centre-ville serait provoqué par ces immeubles.

Le Bureau municipal de protection de l'environnement a confié à l'Institut de recherche des sciences environnementales de Shanghai une étude sur l'impact de la Shànghǎi huánqiú jīnróng zhōngxīn, construite en 2008. Toutefois, à l’exception d’un bref communiqué de presse, cette étude n’a jamais été rendue publique.

Néanmoins l'affirmation selon laquelle l'affaissement serait dû aux tours géantes est hasardeuse car celles-ci, arrimées à de solides piliers, reposent sur des couches géologiques profondes.

Pompage exacerbé de l’eau souterraine

Toutefois les mesures de la société de Géologie négligent l’invraisemblable pompage dans les réserves d’eau souterraines présente et à venir comme en témoigne, par exemple, la présence de 250 golfs dans l’aire de Shanghai.

A l’évidence, la forte pression démographique induit forcément un plus fort prélèvement de l'eau.

Avec les activités humaines allant se multipliant, la subsidence de l'écorce terrestre est devenue une réalité incontestable. En géologie, La subsidence est un affaissement lent de la lithosphère entraînant un dépôt progressif de sédiments sous une profondeur d'eau constante. En Chine, la cause principale de subsidence est le pompage de l'eau des nappes ce qui réduit la porosité de roches. La subsidence est particulière significative en amont du Chángjiāng (5 mètres) principalement à cause de l'exploitation ancienne des aquifères souterrains.

Selon Zhang Weiran, professeur à Tóngjì Dàxué, le sol de Shanghai est une véritable éponge. Ce dernier a quantifié économiquement les conséquences du phénomène en s’appuyant, notamment, sur la récurrence des inondations.

L’enjeu de l'exploitation de l'eau souterraine

Selon la société de géologie de Shanghai, cette situation peut être freinée, notamment, par le contrôle de l'exploitation de l'eau souterraine, le réajustement des couches de nappes d'eau souterraine à exploiter, le développement du recyclage de l'eau souterraine, etc.

Sur le chemin des typhons (tái fēng)

Un fait est acquis. Selon un rythme à en débattre, Shanghai s’enfonce doucement dans la terre. Ville côtière située sur le chemin des typhons, quels seraient les conséquences d’un tel événement ? Plusieurs fois, des alertes au typhon ont eu lieu à Shanghai mais jamais la ville ne s’est trouvée dans l’œil du cyclone. Toutefois, selon l’hypothèse où le niveau de la mer continuerait à s'élever au rythme actuel et dans l’hypothèse de la déferlante d’un typhon, les digues existantes à Shanghai sont notoirement insuffisantes.


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22 réactions à cet article    


  • Batman3Robin Batman3Robin 4 février 2014 20:11

    Si on fait un trou depuis Shanghai en passant par le centre de la Terre, on arrive finalement à Rio de Janeiro, non ?!

    .
    Imaginez si un trou apparait pendant la finale de la coupe du foot là, certains seraient capables de mettre ça sur le dos d’Anelka, non ?!

    • L'enfoiré L’enfoiré 6 février 2014 21:56

      Jules Verne avec son Voyage au centre de la Terre devrait pouvoir répondre..


    • wesson wesson 4 février 2014 20:32

      Bonjour l’auteur,

      Shanghai s’effondrerait ???

      meuuuh non !


      • kalagan75 6 février 2014 13:27

        excellent !
        il suffit de jeter un oeil sur les fondations ... et tous leurs immeubles d’habitation sont fabriqués de la sorte .


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 6 février 2014 18:51

        Oui ,les fondations font peur ...Et en plus en bordure de fleuve ! smiley
        Mais bon ,je pourrais raconter l’histoire de murs porteurs en béton coulés à moins 15 degrés ,dans un immeuble de Val d’Isère ,zone sismique ...Un mois après coulage on pouvait y faire des saignées avec un simple marteau ,sans forcer . smileySi un jour ça tremble fort là haut ...


      • paul 4 février 2014 20:56

        C’est pas là-bas que Cahuzac a planqué des sous ? il n’ a vraiment pas de chance lui !


        • Batman3Robin Batman3Robin 4 février 2014 22:32

          Bien vu Paul, c’est bien à cause de tout cet argent planqué dans les coffres que la ville s’enfonce !

          Les Cariocas vont être riches !

        • paul 5 février 2014 20:56

          Plus sérieusement , causes de l’affaissement : pompages excessifs d’eau, mais surtout depuis quelques années, la construction de tours , environ 8000 (!) dont la tour de Shanghai terminée cette année : 632 m de haut (3ème mondial), 127 étages .

          La pression immobilière -au sens propre- est incompatible avec la mauvaise qualité géotechnique du sous sol (argile et eau) .
          Les intérêts financiers, dans ce paradis bancaire et fiscal, ne sont pas étrangers aux dérogations avec les bonnes pratiques du génie civil ....


        • kéké02360 4 février 2014 22:45

          cherche volontaires pour un projet plus humain d’écovillage ici :

          http://www.ecovillage-projet.fr/ 


          • Mowgli 5 février 2014 05:52

            Interessant. Une comparaison avec Venise, SVP, quand vous en aurez le loisir ?


            • L'enfoiré L’enfoiré 6 février 2014 22:07

              Avec la tour de Pise, peut-être, aussi.

              L’Aqua alta à Venise... oui.
              Mais au moins, à Venise, les maisons ne sont pas hautes.
              Shanghai, à l’origine port modeste et village de tisserands, ne semblait pas promise à pareil essor cosmopolite. 

            • ricoxy ricoxy 5 février 2014 10:24

              Un nouveau syndrome chinois ?

              Au fait, merci pour les caractères chinois. Mais pourquoi avoir signaler Chángjiāng (长江 / 長江), avec les caractères ancien et moderne pour 長 (long), mais pas pour 浦东新 ? 东 ==> 東 (est). Mais ce n’est qu’un détail...


              • Mr Mimose Mr Mimose 6 février 2014 18:32

                Il y a eu aussi le trou de Bâle, à un moment donné !


              • bourne 5 février 2014 14:51

                bah.... avec des immeubles de plus de 100 mètres, ils ont de la marge. Ils s’équiperont de gondoles...


                • L'enfoiré L’enfoiré 6 février 2014 13:45

                  Retournons dans le passé avec cette chanson.

                  Traduite en mandarin, je ne sais pas ce que cela donnerait. smiley

                • L'enfoiré L’enfoiré 5 février 2014 17:45
                  Shanghai est la ville la plus peuplée de Chine (en population urbaine). Elle constitue l’une des plus grandes mégapoles du monde avec plus de 23,5 millions d’habitants (2012). situé dans un vaste delta, formé par l’embouchure du fleuve Yangzi Jiang qui se jette dans la mer de Chine orientale. Les basses terres qui se trouvent des deux côtés du fleuve sont composées de lœss d’alluvions, qui est formé par les sédiments du Yangzi.

                  C’est dire que des précautions doivent être prises sur le poids des bâtiments que l’on construit sur les berges.
                  Ce n’est d’ailleurs pas très différent de New-York. 



                    • L'enfoiré L’enfoiré 6 février 2014 12:24

                      Merci pour les liens.

                      J’en ai parlé à un ex-copain, en Chine, ex-rédacteur Avox qui m’a répondu « Dorénavant garde tes précieuses informations pour toi et partage les avec tes certitudes. »

                      Amusant et sympa, non ? smiley

                    • chapoutier 6 février 2014 09:37
                      Shanghai s’enfonce ! et alors ?

                      • LE CHAT LE CHAT 6 février 2014 14:58

                        si un immeuble tombe , on aura un Domino Day ! smiley


                        • Gérard Luçon Gérard Luçon 6 février 2014 17:22

                          il me semble que cet article n’a pas de « chute » ....


                          • baldis30 16 mars 2014 09:13

                            Le problème du pompage des nappes profondes n’est pas nouveau. Je tire directement de mes souvenirs sans consulter ma documentation datant d’environ 20 ans sur le sujet en évoquant quelques cas. Shangaï est un cas parmi d’autres, l’un des plus intéressant car il a, selon moi, eu des répercussions ultérieures sur les dégâts causés par un séisme est celui de Niigata au Japon : la subsidence a atteint deux mètres .. alors on a réinjecté de l’eau ......

                            District de Cheschire en Angleterre, l’une des plus importantes en surface ... , Houston au Texas ( mais oui Houston !).

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