Si j’avais été français...
Hier, on a vandalisé ma petite Citroën deux chevaux pour la troisième fois en moins d’un an...
Le vol n’était pas le motif, il n’y a rien à voler, mais le seul plaisir de détruire... Un couteau et une déchirure dans la capote... Wow... J’imagine que ça me donne le droit de parler d’insécurité ou du moins d’incivisme.
Insécurité, incivisme, violences... Ces thèmes récurrents de Jean-Marie Le Pen et de Nicolas Sarkozy qui ont poussé près de vingt millions d’électeurs à voter extrême droite et droite extrême en France ce dimanche.
J’imagine que dans ces vingt millions d’électeurs, il y en a une grosse partie qui a vécu des faits d’incivisme similaire aux miens. En plus grave, en moins grave... Entre le « neuf trois » et le « zéro quatre » il y a de la marge... Mais lorsque cela vous arrive, on est submergé par la colère, et surtout par le besoin de réagir... Et voter, c’est déjà une première réaction... Alors, aurais-je moi aussi déposé dans l’urne un petit papier aux couleurs des discours sur l’eugénisme, sur l’identité nationale, sur la « karsherisation » des délinquants ? Aurais-je été de ces « improbables consciences » si j’avais été français ?
Quelques jours avant ma mésaventure, je promenais mes deux chiens en laisse le long d’un chemin de terre. Et comme tout bon chien en promenade, Prostie, ma golden retriever, participe au renouveau du compost des terrains qu’elle explore. J’entends une moto qui passe sur la route. Au bruit de moteur, je devine que le pilote fait demi-tour. Je me retourne, la moto fonce sur moi. Pleins gaz... Le pilote est un policier obèse, moustachu et il semble prendre pas mal de plaisir avec son nouveau jouet offert par la mairie de droite de Sisteron, une splendide Trial tout terrain. Le cowboy s’arrête à mon niveau. Il m’interpelle poliment mais avec ce regard que tous les pandores ont lorsqu’ils viennent de prendre sur le fait un délinquant notoire.
« Votre chien a fait ses besoins ? Vous avez ramassé ? C’est obligatoire sur le territoire de la commune... » S’ensuit un discours moralisateur sur l’irresponsabilité des propriétaires des chiens. Avec toujours le même ton hautain et agressif. Comme je me répands en plates excuses, il ne peut pas poursuivre plus longtemps son exercice de flic. Je vois que ça le contrarie et il s’en va, en frôlant dans sa pétarade mon petit chien...
J’aurais pu lui faire remarquer que contrairement à la majorité (la totalité) de mes voisins, je tenais mes chiens en laisse et que j’étais sur un terrain en friche et pas au centre-ville et donc que son intervention me paraissait un peu démesurée. Mais j’avais compris que l’enjeu n’était pas là. Ce n’est pas l’application à la lettre de la loi communale qui avait poussé l’intervention de ce fonctionnaire mais plutôt son désir de dégager son fiel sur une personne vis-à-vis de qui il ne risquait rien, protégé par mes soixante kilos plumes et son uniforme béni par le ministère de l’Intérieur.
Petite anecdote d’un citoyen, rien de plus... Mais qui m’amène à me poser des questions. Que se serait-il passé si j’avais eu le visage à m’appeler Mouloud ou Rachid ? M’aurait-il tutoyé d’office ? M’aurait-il demandé mes papiers et également (la loi le lui autorise) les certificats de vaccination des chiens ? Que se serait-il passé si je ne les avais pas eus ?
Nous avons droit à la télé à une tonne de reportages vantant les mérites de la police (Vis ma vie de flic, flic et beurette, Envoyé spécial flic, etc.) mais curieusement aucun reportage sur tous les dérapages (légaux ?), insolences et autres abus de pouvoir dont les policiers sont capables. Serait-ce seulement à moi que ce genre d’anecdote est arrivé ? Les médias me laissent en plan, la déchirure de la capote de ma voiture a l’air d’être partagée par des millions de concitoyens, mais mon humiliation injustifiée par un flic a l’air de ne m’appartenir qu’à moi... Et je ne sais pas lequel de ces deux événements m’a le plus contrarié...
J’en reviens aux deux principaux compères politiques d’extrême droite dont l’un est bien parti pour être le nouveau président des Français... L’un et l’autre promettent plus de police, plus de prisons, plus de dépistages des délinquants avec des mots qui font froid dans le dos.
Aujourd’hui, j’ai peur que l’on casse à nouveau ma voiture... Mais je n’ai pas peur d’être arrêté arbitrairement (A l’analyse de votre carte vitale, vos gènes relèvent de la pathologie de la délinquance niveau trois, monsieur...) par des flics moustachus qui viendraient frapper à ma porte une fois la nuit tombée. Et si je dois choisir entre les deux, je préfère qu’on casse ma deuche...
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