Si les hommes prenaient soin des femmes, nous n’aurions pas à voter
« Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l'arène publique ? Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains de femmes sont faites pour être baisées, baisées dévotement quand ce sont celles des mères, amoureusement quand ce sont celles des femmes et des fiancées : ... Séduire et être mère, c'est pour cela qu'est faite la femme ».
Alexandre Bérard, vice-président du Sénat de 1919 à 1923 : Celui qui aime trop les femmes pour leur demander de voter.
Si notre république des lumières a été parmi les derniers pays à accorder le droit de vote aux femmes (1) c’est pour une raison très simple : les vieux rad-soc anti-cléricaux craignaient qu’elles votent pour les curés dans une France encore rurale où la déchristianisation touchait moins les femmes (dont peu étaient salariées).
C’était une erreur de jugement à une époque où les études sociologiques étaient rares et les sondages inconnus. Depuis, on sait que les femmes votent grosso-modo comme leurs maris, à moins que ça ne soit le contraire.
Mais qu’en est-il ailleurs en ce qui concerne les modalités de vote de chaque sexe ?
En Équateur, les hommes et les femmes votent séparément. L'année dernière, le pays a fait la une des journaux lorsqu'il a été décidé de permettre aux personnes transgenres de choisir la file d’attente masculine ou féminine en fonction du sexe auquel elles s'identifiaient (les personnes). Diane Rodriguez, une femme transgenre, avait fait part du soulagement que lui procurait le fait de pouvoir voter sans subir la pression et les quolibets des garçons quand elle devait aller dans la file correspondant à sa carte d’identité.
Au Vatican, la seule élection organisée est celle où les cardinaux votent pour un nouveau pape . Les femmes ne peuvent toujours pas être cardinales. Il s'agit donc d'un électorat exclusivement masculin et, même si on rencontre beaucoup de robes, cet état est à notre connaissance le dernier où les femmes ne votent pas. Il faut dire pour être juste que la majorité des quelque 800 résidents de la Cité du Vatican, y compris la plupart des hommes, sont exclus de ce vote.
L'Arabie Saoudite est le dernier pays (chronologiquement) à avoir accordé le droit de vote aux femmes en même temps que leur éligibilité (en principe). En 2015, elles ont eu le droit de participer aux élections municipales. Bien que cela ait représenté un progrès significatif pour les femmes saoudiennes, un système de tutelle masculine rend difficile en pratique le vote des femmes. Les Saoudiennes ne peuvent pas se rendre seules aux urnes, même si en juin 2018, elles ont eu accès au permis de conduire).
Mais c’est au Pakistan que la participation des femmes aux élections est l'une des plus faibles au monde. Les statistiques des élections au Pakistan en 2013 ont montré que le taux de participation des femmes électrices était inférieur à 10% dans près de 800 bureaux de vote. Dans certaines régions, le taux de participation des femmes ne dépassait pas 3%. Bien que les femmes pakistanaises aient obtenu le droit de vote en 1956, les dirigeants communautaires et religieux de certaines des régions les plus conservatrices du pays empêchent les femmes de voter.
Des tracts ont été distribués lors des élections de 2013, enjoignant aux hommes de ne pas autoriser lesfemmes de la famille à voter. Ces pratiques ont recommencé lors des élections locales de 2015.
Au Kenya, un rapport de la Ligue des Droits de l’Homme publié en 2017 a dénoncé la violence sexiste à l'égard des femmes lors des élections dans le pays cette même année. Ces incidents étaient le reflet d'une augmentation de la violence à l'égard des femmes d’une manière générale. Un récent rapport des Nations Unies montre que les femmes sont de plus en plus victimes de viols à caractère politique et d'autres formes de violence sexuelle, les empêchant de participer librement aux élections.
En Chine, en 2017, plus de 2 000 délégués ont participé au 19e Congrès du Parti Communiste chinois afin de planifier une stratégie sur cinq ans. Ces puissants délégués avaient été élus mais seuls les membres du parti avaient pu voter, et 74% de ses membres sont des hommes.
73 ans après l’accès des femmes françaises aux vote, des progrès ont été accomplis dans le monde entier. La majorité des lois sexistes qui empêchaient les femmes de voter ont été abrogées. Cependant, d'importants obstacles pratiques ou culturels empêchent encore la participation électorale des femmes.
De nombreuses initiatives internationales, notamment le programme des Nations Unies sur la participation des femmes à la vie politique, sont axées sur l'élimination des obstacles afin que les femmes puissent voter. Ces obstacles sont complexes et reflètent les structures de la société elle-même. Ils concernent entre autres l'analphabétisme (près des deux tiers des adultes analphabètes du monde sont des femmes) et la garde des enfants qui empêche de fait les femmes de quitter leur foyer.
Il reste encore beaucoup à faire avant que chaque femme puisse avoir son mot à dire sur la façon dont son pays est dirigé, pour autant que l’avis de leur compagnon soit réellement pris en compte.
- - alors que l’ancien régime leur avait accordé un droit de vote restreint pour les élections consulaires depuis le12ème siècle dans certaines régions et pour les États généraux depuis le 14ème siècle jusqu'en 1789.
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