Si nous n’y prenons pas garde, le XXIe siècle sera pathétique ou ne sera pas
Dans les dictionnaires, on trouve à pathétisme la définition suivante : « caractère de ce qui est pathétique. » Certains ouvrages ajoutent même : « qui inspire l’émotion ou la pitié ».
La difficulté à trouver une définition valable pour ce terme réside dans le fait qu’il est désormais presque toujours employé au second degré, dans un contexte ironique.
Qualifier quelque chose ou quelqu’un de « pathétique » ne revient plus à dire qu’il suscite une vive émotion douloureuse ; bien au contraire, cela signifie que cette chose ou cette personne n’incite qu’au mépris et à l’indifférence. Dans ce cas, en sémantique comme dans bien d’autres domaines, la vérité est directement confrontée à son contraire.
Il nous faut donc trouver une nouvelle définition pour qualifier le pathétisme (et tout ce qui est pathétique), donnant à ce mot un sens qui réconcilierait ses deux significations opposées.
La définition que je vous propose est simple, le pathétisme (les puristes de la sémantique préféreront sans doute le terme « néopathétisme ») regroupe l’ensemble des comportements individuels et collectifs qui poussent la médiocrité à un tel point qu’elle en devient remarquable, cette définition ayant l’avantage de s’appliquer à des attitudes qui suscitent à la fois le mépris et la pitié.
Quelques exemples :
L’un des hommes les plus puissants de la planète viole une femme de chambre et affirme l’avoir séduite.
Ce même homme qui, quand il participe à des orgies, prétend qu’il ne cherche pas à savoir si les filles sont rémunérées ou non.
Un président, après cinq ans au pouvoir, refait les mêmes promesses démagogiques que celles qu’il n’a pas tenues pendant son mandat.
Une première dame qui pose devant « plus belle la vie » avec son nourrisson pour séduire les ménagères de moins de cinquante ans.
De tels comportements suscitent à la fois mépris et pitié de la part des observateurs extérieurs.
Attention cependant, si le néopathétisme est particulièrement remarquable chez nos élites, on le trouve partout ; le petit chef de rayon qui terrorise ses employés, le secrétaire qui vole des stylos à son bureau, l’agent de police qui laisse systématiquement repartir les blondes à forte poitrine sans les verbaliser, pour peu qu’elles lui fassent un sourire ou un clin d’œil, l’écrivain qui célèbre le jour où le nombre de ses followers sur Twitter a dépassé le nombre des personnes qu’il suivait (respectivement quinze pour treize). Tout le monde peut se retrouver un jour dans le clan des néopathétiques.
Alors que faire ?
Bien sûr, nous pouvons nous indigner chaque fois que nous sommes confrontés au phénomène, mais cela suffira-t-il ? Je ne le crois pas.
Puisque le néopathétisme est issu du décalage entre nos aspirations quotidiennes et le pouvoir qui nous est conféré dans le cadre de nos activités, il nous est facile, sur le plan individuel, de nous demander si le bénéfice que nous tirons de chacune de nos actions est justifié, et de faire profile bas chaque fois qu’il ne l’est pas. Mais que faire des autres ? Que faire lorsque nous évoluons dans un système qui profite aux plus mesquins, aux escrocs sûrs de leur bon droit, aux imposteurs professionnels ? Personnellement, je ne vois que deux options, le sabotage ou la fuite.
Puisqu’on ne réforme pas un système pacifiquement, et de l’intérieur, il nous faut agir à la marge, ou agir violemment. Agir à la marge, c’est sortir du système pour ensuite en dénoncer les dérives, agir violemment, c’est gifler ce petit chef qui se croit tellement supérieur (accessoirement, après votre licenciement, vous pourrez continuer votre combat en agissant à la marge.)
Bref, pour lutter contre le néopathétisme qui nous assaille, la recette est simple : ne pas faire de compromis et ne pas se compromettre.
Bon courage à tous.
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