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Accueil du site > Tribune Libre > Siéyès, we can !

Siéyès, we can !

« Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. » Ces paroles fameuses reprennent tout leur sens aujourd’hui où l’on voit que le Citoyen est relégué au simple rang d’électeur d’une politique spectacle où il n’a jamais son mot à dire. Si l’abbé Siéyès a pu faire sa révolution et insuffler l’âme de la Révolution française et si, de l’autre côté de l’Atlantique, le « Yes we can ! » d’Obama a pu résonner, c’est que nous pourrions nous écrier aussi en votant le dimanche 7 juin : « Siéyès, we can  ! »



Qu’est-ce qui nous interdit de déclarer en votant le dimanche 7 juin : "Siéyès, we can  !" ? Et bien peut-être notre mauvaise conscience de citoyens ! Car qu’avons-nous fait de cet acquis de la Révolution obtenu au prix du sang d’hommes et de femmes - et même d’enfants  ! - qui nous ont légué le concept de Citoyen. Nous avons une dette envers eux et en particulier envers l’abbé Siéyès, l’auteur du pamphlet "Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?"

Dimanche 7 juin se présente une occasion de nous acquitter en partie de notre dette en nous rendant aux urnes pour rappeler à ceux qui nous gouvernent sans notre avis - et même souvent contre notre avis - que le pouvoir réside dans la Nation qui appartient aux citoyens.

Sieyès fut le premier à théoriser la souveraineté nationale : la souveraineté appartient à la Nation, constituée par le tiers état, représenté par des parlementaires réunis en assemblée nationale. Voici l’extrait célèbre de son pamphlet "Qu’est-ce que le tiers état ?". 

"Le plan de cet écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire :

1 Qu’est-ce que le tiers état ? Tout.
2 Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.
3 Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose.

On verra si les réponses sont justes. Nous examinerons ensuite les moyens que l’on a essayés, et ceux que l’on doit prendre, afin que le tiers état devienne, en effet, quelque chose. Ainsi nous dirons :

4° Ce que les ministres ont tenté, et ce que les privilégiés eux-mêmes proposent en sa faveur.
5° Ce qu’on aurait dû faire.
6° Enfin, ce qui reste à faire au tiers pour prendre la place qui lui est due
."



On voit que ces mots qui furent écrits avant la Révolution gardent toute leur actualité et que les questions posées restent les mêmes. Je dirai qu’elles se posent avec plus d’acuité encore aujourd’hui puisque le chemin parcouru n’est pas à la hauteur des exigences de Siéyès et des révolutionnaires.

Bayrou s’est directement inspiré de Siéyès pour écrire son livre "Au nom du tiers état". Dans cet ouvrage d’avant la Présidentielle de 2007, il consacre une longue préface à la nécessité de changement de régime, parce qu’il constate un fossé de plus en plus profond chaque jour entre le pays réel et le pouvoir légal. Si changement de régime il y a eu avec Sarkozy, c’est en termes de vitesse qu’il faut l’entendre et non sur un plan institutionnel, la réforme passée venant conforter le régime en place.

On trouve dans ce livre ces mots que je trouve très justes et qui sont fondés sur des siècles de pensée et de pratique démocratiques : "Partout où le citoyen est respecté, où la transparence est imposée, où les règles sont strictes, le droit appliqué, où les gouvernants ne peuvent pas faire n’importe quoi, la société progresse plus vite, elle est plus prospère, plus juste, plus inventive. La démocratie n’est pas le fruit du développement, elle en est la condition, le moteur."

Il nous revient aujourd’hui de redonner sa force originelle à l’idée de citoyen. J’affirme que ce n’est pas d’un ministère de l’identité nationale dont nous avons besoin mais d’un ministère du Citoyen !
 
 

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14 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 20 mai 2009 11:22

    Say « Yes, we can ! »


    • logan 20 mai 2009 11:29

      Bonjour, un régime basé sur la souveraineté nationale et non pas sur la souveraineté du peuple est une aristocratie et non pas une démocratie. Je pense donc que vous vous méprennez en prônant ce model.


      • Voltaire Voltaire 20 mai 2009 12:53

        La nation est ici assimilée à son peuple (c’est biens d’ailleurs ce que représente le tiers-état), ne soyez-pas de mauvaise fois !

        Au risque de paraitre pour un « restaurateur », il me semble que rarement les ensignements philosophiques du siècle des lumière n’auront été d’une telle actualité. Souhaitons simplement que la conclusion ne soit pas un éternellement recommencement : une révolution brutale ne me plairait pas plus que cela.


      • La Taverne des Poètes 20 mai 2009 13:09

        Tout-à-fait d’accord. D’ailleurs, je prévois une troisième piqûre de rappel avec un autre personnage clé de la Révolution.


      • logan 20 mai 2009 16:07

        Il ne suffit pas de superposer nation et peuple pour rendre un système aristocratique démocratique ...
        Un système basé sur la souveraineté nationale est aristocratique et restera aristocratique peu importe le sens que vous donnez aux mots ...

        Une démocratie ne peut être basée que sur la souveraineté du peuple, c’est dire sur la supériorité de la volonté générale du peuple sur toute volonté particulière.
        Dans une démocratie, c’est la volonté générale du peuple qui s’applique. Dans une démocratie, un représentant représente la volonté de ses électeurs, dans une démocratie c’est aux électeurs de juger en leur âme et conscience de quel est l’intérêt général et des décisions à prendre, dans une démocratie leurs représentants ne font qu’executer leur volonté.

        Dans un système aristocratique fondé sur la souveraineté nationale, c’est la volonté de soit disant représentants de la nation qui s’applique et qui usurpe la volonté générale des citoyens qui est tout simplement niée ou reléguée au seul choix de qui est le plus compétent pour les diriger ...


      • La Taverne des Poètes 20 mai 2009 16:15

        « la supériorité de la volonté générale du peuple sur toute volonté particulière ». En ce cas vous devez être satisfait avec la suprématie de la volonté générale qui s’est exprimée aux urnes en faveur de Sarkozy.


      • logan 20 mai 2009 17:56

        Sarkozy a été élu selon la volonté générale, et ainsi Sarkozy est légitime à exercer le rôle exécutif de président de la république, le gouvernement est légitime à soumettre des projets de lois au parlement et correspondant à son programme.

        Mais l’action du gouvernement et de sarkozy ne relève pas de la volonté générale, à l’image de la loi Hadopi, qui est un projet qui n’a jamais été soumis à l’approbation des français, pas plus que l’intégration au commandement de l’Otan
        Leur action est issue de volontés particulières, et tout cela c’est grâce à la supercherie de la représentation nationale.

        La souveraineté du peuple c’est la suprématie de la volonté générale sur toute volonté particulière.
        La souveraineté nationale c’est la suprématie de volontés particulières sur la volonté générale.

        Concernant la révolution on ne peut pas nier l’apport de l’abbé Siéyès évidemment, mais l’apport de la notion de souveraineté nationale n’est franchement pas à encensé il est au contraire à dénoncer car c’est ce qui est responsable aujourd’hui de bon nombre des calamités qui nous affligent.


      • William7 20 mai 2009 14:45

        http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/alp0029.htm#fin%20nota

        Au contraire, le projet de Sieyès est de faire correspondre l’hégémonie sociale montante de la bourgeoisie avec le pouvoir politique : seul le Tiers peut s’auto-administrer, mais nous l’avons vu au sein du Tiers seule une fraction éclairée, les « classes les plus disponibles », est capable de représenter les besoins de la société et par conséquent de former la volonté de la Nation. Donner au pays une constitution formelle en accord avec sa constitution matérielle qui voit la montée du pouvoir de la bourgeoisie implique d’édicter des normes de participation et de mettre en place des mécanismes d’exclusion. Le résultat, nous le connaissons : une distinction entre des droits politiques qui contribuent à la formation et au maintien de la société politique et des droits civils dont doivent jouir tous les membres de la société qu’on peut dire « civile ». Cette distinction s’accomplit à travers celle entre citoyen actif et citoyen passif.

        (...)

        Il est alors difficile de nier que la constitution du gouvernement représentatif de Sieyès soit la superstructure de la société commerçante du premier essor capitaliste : les salariés exploités par le capital sont exclus par le régime représentatif à tel point qu’on peut se demander si le projet de ce régime n’est pas de doubler l’exploitation économique d’une impuissance politique


        • La Taverne des Poètes 20 mai 2009 15:00

          Suite et fin de mes écrits révolutionnaires : envoyé !

          J’ai laissé traîner deux fautes de frappe vers le milieu mais, quand même, le texte frappe fort ! Enfin, je n’en dis pas plus : suspense...


          • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 20 mai 2009 18:29

            Dès qu’on parle de « peuple », de « nation », d’« etat », et surtout dès qu’on parle au nom de ces entités indéfinies, on viole les idéaux des Lumières qui eux, parlaient de « citoyens », d’« individus ».

            Vouloir que l’Etat s’occupe de tout, c’est abandonner le pouvoir à une aristocratie (hauts fonctionnaires, experts-intellectuels auto-proclamés). L’état n’est là que pour protéger la liberté, la sureté et la propriété des citoyens, et cela en traitant les individus de façon égale. La démocratie, ce n’est pas le pouvoir de la majorité imposé à une minorité. La démocratie, c’est la subsidiarité : Tout le pouvoir est entre les mains de chaque individu qui doit pouvoir faire tout ce que bon lui semble, dans la limite qu’il ne gène pas les autres à exercer ce même droit.

            Pour faciliter certaine démarche (se protéger) les individus doivent être libres de s’associer et de mandater des élus de ces associations pour les représenter.

            Mais ces élus ne sont que des mandataires.

            Or, actuellement, ce sont les individus qui sont au service de l’Etat, et non l’inverse : Quand 53% du PIB est confisqué par l’état, on passe du status de citoyen à celui d’esclave !

            Et dire qu’on entend de plus en plus de gens réclamer encore plus d’intervention de l’Etat ! (hopitaux, universités, énergie, distribution du courrier, transport, média ...) Et le plus drôle, c’est que ce sont souvent les mêmes qui ralent parce que l’Etat, représenté par le président et ses ministres, en fait trop !!!

            Il est grand temps de retrouver les idéaux qui ont fait la révolution de 1789. Les idéaux de liberté et de responsabilité.


            • William7 20 mai 2009 20:38

              De la Commune, il faut retenir selon Marx qu’elle est « une reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale ». Elle correspond à l’auto-émancipation des producteurs , et a dû se donner les moyens politiques de contrôle des institutions par la multitude de producteurs associés. C’est pourquoi les Communards ont mis en place un système de représentation fondé sur le suffrage universel et le principe de révocabilité des mandataires et leur responsabilité devant leurs mandants. On peut y voir la critique en acte de tout ce que le libéral Sieyès a voulu instituer. Bien plus, la Constitution communale devait permettre de recréer l’unité de la nation par fédération de communes


            • Georges Yang 20 mai 2009 20:28

              L’abbé Sieyès est un grand oublié de l’Histoire. La preuve, le peu de réactions que votre article, pourtant de qualité, a entraîné. J’en suis gêné par le succès de mon papier du jour.

              Juste une précision, cependant, la révolution américaine a eu lieu avant la française….


              • La Taverne des Poètes 21 mai 2009 09:20

                Si les choses continuent, ça va péter ! smiley


              • werther_original werther_original 20 mai 2009 22:39

                comment le gouvernement pourrait être autrement que les hommes qui le composent.
                Le gouvernement n’est jamais que l’agrandissement des penchants humains.

                Mais voila , se confronter à sa propre nature , C’est indélicat.

                l’homme de bien est l’homme qui impose sa volonté philosophique à sa nature transgressive et belliqueuse.

                De meme le gouvernement de bien serait le gouvernement qui imposerait sa volonte philosophique à sa nature transgressive et belliqueuse.

                Par philosophie, j’entends la recherche de la vérité et le rejet de l’opinion.

                Qu’est ce que la démocratie sinon le regne tyrannique de l’opinion ?

                Les défenseurs de la démocratie me disent qu’une société avec des aristocrates serait injuste.

                Ou est la justice dans la démocratie ?

                Les défenseurs de la démocratie croient qu’en appliquant ce système , ils auront eux-mêmes plus de pouvoir , plus d’emprise sur la vie de leur pays,que de leur choix la politique du pays se souciera. Mais quel sophisme.
                Il suffit d’ouvrir les yeux pour balayer cette idée. Intrinsèquement , vous n’aurez pas plus de pouvoir ; ou si vous préférez , vous aurez du pouvoir dans le rapport de votre choix sur les millions d’autre choix. 1 sur 60 millions.

                On m’objectera que le peuple a une volonté commune de justice , de liberté.
                La aussi quel sophisme qui , d’un revers de manche, peut être balayé.
                Les notions de justice et de liberté sont des principes fédérateurs. Tout le monde veut plus de justice , plus de liberté, plus de bonheur. Il y a une sorte d’imaginaire qui voudrait que l’idée de justice , de liberté , de bonheur soit la même pour tout le monde. On s’accorde sur les mots , mais les idées derrières peuvent être diametralement opposés selon les individus.

                On me dira , regardez votre aristocratie, regardez si ce qui se passe aujourd’hui est le « bien »
                Nous ne sommes pas en aristocratie , nous sommes en république , en démocratie représentative. De la émergent tous les problèmes. Ce sont les plus mauvais qui peuvent réussir dans une démocratie.

                Croyez vous vraiment qu’un staline aurait pu émerger si le tsar avait été toujours au pouvoir ?
                Croyez vous qu’hitler aurait pu accéder au pouvoir sans l’aval de la démocratie ?

                Reflechissez . Le pouvoir du peuple n’est pas votre pouvoir et n’est pas forcément pour vous.

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