Sigmund Freud, premier de cordée…
Ayant cerné un facteur quantitatif susceptible de stationner dans le psychisme et d’y causer différents troubles plus ou moins permanents, alors qu’il peut également, par le biais d’une « conversion », affecter telle ou telle partie du corps, Sigmund Freud semble, d’ores et déjà, situer l’origine de cette énergie en quête de débouchés dans ce qu’il n’appelle encore qu’une « continence »…

Nous avons également constaté sa grande réticence à sacrifier au discours alors dominant, et tout spécialement en France, sur le rôle d’une éventuelle « dégénérescence nerveuse ». Mais il en existe également une version quelque peu amortie, dont il tient également à se séparer. C’est ce que nous allons voir maintenant, à travers les réflexions que lui inspire le cas d’Emmy von N…
« Les aboulies que présente notre malade (troubles de la volonté, difficultés de travail), permettent, moins encore que les phobies, de penser que les stigmates psychiques émanent d’une capacité d’agir diminuée. » (page 940 du PDF)
Selon ce qui est alors répandu en France dans les milieux de la psychiatrie et de l’Université, la dégénérescence – une catégorie qui a toutes les allures d’une discrimination de nature sociale (la Commune de Paris est passée par là) – se traduirait tout particulièrement par une diminution sensible de la capacité d’agir… Elle favoriserait une prise de pouvoir par des éléments irrationnels désormais plus ou moins incontrôlables…
Pour sa part, le médecin viennois considère que ce n’est pas la « capacité d’agir » qui serait, en tant que telle, affectée, que ce soit en conséquence d’une dégénérescence ou pas… Mais il reste prudent, et se réfère tout d’abord à un article que nous avons déjà eu l’occasion d’étudier précédemment lorsque nous avions évoqué ses rapports avec Jean-Martin Charcot :
« Peut-être pourrai-je rappeler ici un petit travail dans lequel j’ai essayé de donner une explication psychologique des paralysies hystériques. J’y arrivais à la conclusion que ces paralysies résidaient dans l’impossibilité d’intégrer dans de nouvelles associations un groupe des représentations, celui par exemple d’une extrémité. » (Idem, page 941)
Ainsi, en admettant que la représentation de la main ne puisse plus être associée à celle de l’avant-bras, ce qui commande celui-ci ne la commandera plus elle-même. Mais il ne s’agit pas seulement d’un phénomène liant deux représentations. En effet, il y faut l’intervention d’un traumatisme associé à la paralysie de la main, c’est-à-dire la survenue de l’élément quantitatif :
« Cette inaccessibilité associative provient cependant du fait que la représentation du muscle paralysé se trouve incluse dans le souvenir du traumatisme, souvenir auquel est resté accroché un affect non liquidé. » (Idem, page 941)
Quant au facteur quantitatif, nous en retrouvons ici la racine :
« D’après des exemples tirés de la vie quotidienne, je montrais qu’un émoi non liquidé, en investissant une représentation, entraînait chaque fois une certaine inaccessibilité associative rendant impossibles de nouveaux investissements. » (Idem, page 941)
Ce qui paraît valoir pour les paralysies hystériques a-t-il quelques chances de valoir également dans les troubles de la volonté ou dans les difficultés au travail qu’en France on range si facilement sous les effets d’une diminution, en quelque sorte congénitale, de la capacité d’agir ? Ici, Sigmund Freud a nettement l’impression d’avoir franchi une étape importante, et ceci grâce à Emmy :
« Je n’ai pas réussi jusqu’à ce jour à démontrer par une analyse hypnotique la justesse de mes hypothèses d’alors en ce qui concerne la paralysie motrice, mais l’analyse de Mme v. N… peut me servir à prouver que ce mécanisme est bien celui de certaines aboulies. » (Idem, page 941)
D’une part, en ce qui concerne le facteur quantitatif…
« Chez elle, les affects pénibles suscités par des incidents traumatisants n’ont pas été liquidés, par exemple la mauvaise humeur, le chagrin (de la mort de son mari), la rancune (à cause des persécutions de la famille), le dégoût (des repas avalés par contrainte), la peur (de tant d’incidents effrayants), etc. » (Idem, page 941)
Contrairement à ce que nous avions vu pour les phobies, ici Freud ne fait aucune allusion à la question de la « continence » subie par sa patiente… Il s’en tient à ce qu’il a vraiment pu prendre en compte dans son traitement, celui-ci faisant l’objet du second point de son explication des processus sous-jacents :
« L’activité mnémonique est chez elle très poussée et fait resurgir, dans la conscience, bribes par bribes, tantôt spontanément, tantôt par l’effet d’une excitation nouvelle et ravivante […] les traumatismes avec l’état affectif qui les accompagnait. » (Idem, pages 941-942)
C’est-à-dire que le facteur quantitatif est peu à peu liquidé… tout au moins momentanément :
« Ma thérapeutique s’adapta à l’allure de cette activité mnémonique et chercha, jour après jour, à dissiper et à liquider tout ce que la journée avait ramené à la surface, jusqu’à ce que la réserve accessible des souvenirs morbides parût épuisée. » (Idem, page 942)
Autrement dit : Sigmund Freud a atteint le sommet de la pente… Reste à savoir s’il ne va pas très vite la dévaler en sens inverse… Question : que valent donc ses rares points d’appui ?
NB. Pour comprendre dans quel contexte politique de fond se situe ce travail inscrit dans la problématique générale de l'amour courtois...
https://freudlacanpsy.wordpress.com/a-propos/
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