Silence on viole...
Ce sujet tabou existe derrière les barreaux, comme elle existe dans la société. Dans les maisons d’arrêts, leur nombre est minime. Dans ces enceintes le temps est consacré à la préparation du procès. S’il ne reste pas longtemps à l’intérieur, il n’a pas le temps d’altérer ses sens, s’il est un hétérosexuel, dit normal. Les visites au parloir sans dispositif de séparation permettent même à leurs corps défendant d’avoir un équilibre presque stable avec des relations sexuelles avec leur partenaire. En général la famille est encore là, le stress du procès fait oublier la libido.
Le problème se retrouve dans les établissements de longues peines. Apres le procès si la personne a pris une lourde sanction, doucement sa famille ne viendra plus le voir le temps le coupera du monde extérieur. Un jour il rencontrera en cellule un hétérosexuel comme lui qui en peine d’amour, ils se feront des gentillesses. Ces douceurs deviendront des caresses et comme hors du temps et de toute civilisation. Malgré eux à leur corps défendant et impatients se feront l’amour, et abandonnés de tous, ils retrouveront l’affection qui leur manquait.
Ces amours existent, se vivent dans la clandestinité, mon frère Hubert, journaliste me disait « En prison il vaut mieux être homosexuel qu’hétérosexuel. Il est vrai que pour eux à l’intérieur ils sont logés, nourris, soignés, peuvent vivre leur histoire d’amour sans problème de manque » Il n’a pas tout à fait tort mais ce n’est pas systématique. Cette proximité permet à ces gens de mieux vivre leurs sexualités contrairement aux hétérosexuels.
Le plus terrible et difficilement contrôlable se sont les viols en prison. Un détenu pour assouvir ses bas instincts est prêt à éclater le cul d’un détenu moins fort lui. Il peut lui faire subir les pires outrages, ramasser ou lécher sa merde. Il le tiendra en respect menaçant sa famille, son intégrité s'il en parlait au surveillant ou à son foyer. Dans notre quotidien de nous les gardiens, c'est difficilement repérable. La personne est tellement terrorisée. Elle est sous le syndrome de Stockholm, elle se comportera de façon relativement normale face au personnel comme à ses proches.
C'est la nuit que des cris terribles déchirants à la limite du tolérable sont entendus. L'architecture des murs ne nous permet jamais de repérer la geôle et de faire stopper ces supplices. Le bourreau le sait bien et stop toujours avant notre intervention ce qui rend ces cas, rares, difficile à résoudre.
Dans les vieilles prisons la nuit est un moment lugubre pour tout le monde. Les détenus se retrouvent pendant plus de 12 heures ou seul ou à plusieurs dans 3 mètres sur 3 mètres face à leur claustration et à leurs peines. Alors pour exister et se prouver qu'ils respirent, ils poussent des cris qui éventrent la nuit. Ils s'hèlent à gorges déployées. Ils épandent des litanies, des suppliques inutiles à d'autres, à l'autre bout de la détention qui leurs répliquent avec des mots aussi inutiles qu'ontologiques pour eux. Pendant ce temps là des codétenus se font violenter et déchirer leur fondement au vu et au su de tout le monde.
La seule parade en maison d'arrêt est d'essayer d'examiner au mieux le profil des individus avant de les mettre ensembles. Ils ne restent plus qu’à les inviter à avoir des préservatifs en cellule si l’irréparable arrive. Aujourd'hui c'est très difficile d'empêcher ce genre de dérive dans ce monde clos. Les victimes ne peuvent pas ou ne veulent pas en parler aux assistants sociaux. Ils se trouvent dans le même cas que les personnes victimes d'incestes ou de viols à l'extérieur. La honte et la peur les envahies, la pression du persécuteur est tellement forte qu'ils ont même peur pour leur famille.
La seule solution consisterait, lors de leur audience arrivant, d'avoir des entretiens longs avec nos CSP le personnel socio-éducatif ainsi qu'avec le neuropsychiatre. Ces personnes pourraient évaluer au plus juste les risques. Ils les préviendraient en les mettant seul en cellule. Le problème c'est que pour six cents détenus le nombre de fonctionnaire et du personnel médical est insuffisant.
Comme dehors la loi du silence l'emporte sur la peur et la terreur. J'ai vécu dans le cadre de mon métier une tentative de viol de la part d'un de mes collègues. Je tiens à raconter cela car il y a un avant et après. Lorsque le mot viol est prononcé, il ne résonne plus de la même façon.
C'était au début des hospitalisations de mon épouse, je me trouvais seul chez moi, les trois filles reparties dans la famille. Je croyais avoir un camarade pour me soutenir dans cette épreuve. En guise de soutient, je me suis retrouvé face à un monstre.
Ce soir là j'étais seul. Je lui ai proposé de venir discuter autour d'un verre. Il est venu mais semblait avoir déjà usé de breuvage euphorisant. Je l'ai fait rentrer, nous avons discuté de la vie et autres banalités, à un moment il m'a dit :
"Baisses ! La lumière et le son de la télévision" D'une inflexion sec.
Je n'ai pas compris cette façon brusque de s'adresser à moi. Je me rassois sur le divan. Il a posé sa main sur le haut de ma cuisse. A ce moment j'ai commencé à être effrayé. Il faut dire que ce piètre hominien devait faire pas loin du quintal, pour un mètre soixante quinze. Pour couronner le tout il était un assidu des salles de musculation. Donc lorsque j'ai voulu lui enlever cette maudite main, il m'a envoyé une claque. Dans des situations comme celle ci tout s'effondre. Il n'y a plus de « S'il me fait ça, je lui donne un coup de pied dans les parties génitales » Non ! A cette seconde je suis terrorisé. La frayeur s’empare de tout mon être. J’ai très peur. Je panique, le reste de clairvoyance c'est pour repousser le plus longtemps possible les attaques. J’espère ne pas me faire exploser mon intimité, pas habituée à ce genre d'introspection.
Je me suis levé en me dirigeant vers le buffet espérant trouver une quelconque arme, couteau, bombe lacrymogène. J’essayais de détourner l'attention qu'il pouvait me porter, quand d'un ton sec et sans équivoque il m'a dit :
"Reviens immédiatement qu'est ce que tu va chercher là-bas !"
J'avais le sentiment qu'il avait lu dans mes pensées. Je suis retourné vers le sofa la tête basse comme un animal qui va à l'équarrissage. Je lui ai dit pourtant tu es bien un hétérosexuel ? Il a répondu "Je suis bisexuel" Je me suis encore plus recroquevillé dans ce canapé pas assez profond pour me faire disparaître du cauchemar dans lequel j'étais. La panique est encore montée d'un cran.
Il m'a demandé d'allumer des bougies et d'éteindre les lumières. Comme un gourou préparant un sacrifice humain, mais le sacrifié c'était moi. Il a posé sa main despotique sur ma verge par-dessus mon Jean. Je l'ai enlevé. Alors avec des éclairs de folies qui brillaient dans ces yeux, il m'a envoyé de violents coups de poing et a tenté de m'étrangler.
Dans ce moment je ne me senti plus rien, perdu au milieu d’un océan qui allait m’engloutir. Je me suis préparé au sacrifice. L'instinct de survie est plus fort que la raison et tant pis si après on se sent un enculé toute sa vie, souillé. Il me restera toujours on fond de moi, la reproduction de cette verge qui m’aura perforé à jamais. Cette image ne partira de mon corps qu'à ma mort, avec mon déshonneur, ma peur. Il faut surtout garder au fond de soi ce terrible secret. Certaines personnes se suppriment ne supportant plus ce fardeau.
Apres m'avoir frappé avec toute cette bestialité il me dit :
" Va te foutre à poil dans la chambre et vite je vais t'enculer ça va te faire du bien"
Je ne l'ai pas fait. J'ai encore reçu des coups et quelques claques. Ce soir là, je devais avoir un ange qui veillait sur moi. A aucun moment je n'ai eu à immoler les parties intimes de mon anatomie. Au prix de multiples mots, atermoiements, j'ai pu le conduire à la porte que j'ai fermée à triples tours. Ensuite j'ai installé une corde à la fenêtre de la chambre à l'opposé de la porte d'entrée de peur qu'il ne l'enfonce et m’enfonce son pieu dans mes chaires, cela pouvait me permettre de m'enfuir.
Si je raconte cela, c'est pour faire comprendre qu'il est facile de parler de viol avec de grandes doctrines souvent fumeuses, mais tellement éloigné de ce qui est vécu sur l'instant :
" Moi il me touche, je l’assassine ou il pose une main sur une partie de mon corps, je lui envoie un coup de pieds dans les "couilles" Il se lamentera d'en avoir eu.
Il faut leur pardonner ce sont des souffreteux. Le seul "hic" De toutes ces allégations, dans ces situations où nous sommes le martyre, nous perdons plus de la moitié de nos capacités à réfléchir. Il y a la peur, l’effroi qui paralyse, ensuite il n'y a plus rien pour se rattraper. On s’accroche à la vie, tant pis pour cette chaire qu'un malade va fourrager jusqu'aux entrailles, pour rassasier des bas et abjects instincts.
Il faut avoir vécu ces moments pour les comprendre. Les ayant subit presque dans ma chaire. Je pense savoir ce que peut ressentir une femme soumise aux mains et au sexe d'une brute que rien n'arrêtera dans sa détermination. Plus on se débattra, plus on excitera la violence, ni la sauvagerie ni la mort ne le fera se calmer. Il y en même qui continue sur le cadavre fraîchement trépassé.
Il y a des mortifications qui sont si dures que les mots n'existent pas et des souffrances si fortes que les hommes ne pourront jamais comprendre. Pourquoi les humains sont-ils si indulgents avec ces crimes ? Peut-être, ont-ils peur que de vieux démons se réveillent.
Si j'ai mis un peu de ma vie personnelle, c'est pour faire comprendre aux caïds de bistrot que devant un tel acte nous avons peur, nous perdons tout nos moyens. Seul l'instinct de survie commande. Même si après la plaie se referme le trou du cul reprend sa forme initiale. Jusqu'à notre mort il y aura toujours un énorme trou que nous aura défoncé notre vie, et si la douleur morale est trop forte on se suicide. Le viole existe en prison s'est pour ça qu'il fait être encore plus vigilant pour éviter aux victimes d'avoir une double peine.
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