Socialisme sabbatique

Interdit de toute forme d’expédition noctambule par des cervicales aussi rigides que la ligne politique d’un syndicaliste agricole du Larzac, j’étais sur le point d’allumer ma XBox 360 pour, au choix, remporter une quarante-troisième coupe du monde ou faire une douzième fois main basse sur Liberty City, quand le gazouillis suivant est apparu à mon écran en provenance de Koz :

123 contre - 54 pour... Le message est assez clair, non ? A chacun, au PS ou non, d’en tirer les conséquences http://snurl.com/7etci

Ainsi intimé par ce commandement sans appel, je me suis résigné à reposer ma manette pour noyer mon chagrin dans l’actualité socialiste. Allons-y.

Après un mois d’épisodes psychotiques, le conseil national du Parti socialiste, issu des motions A (Bertrand Delanoë), C (Benoît Hamon) et D (Martine Aubry), a accouché d’un beau texte d’orientation pour 2008-2011 (PDF). Les mauvais esprits remarqueront que la période couverte s’arrête précisément un an avant la prochaine élection présidentielle : s’engager sur un programme de gouvernement ? et puis quoi encore ?

Certes, les rédacteurs de cette "feuille de route" — qui ont peut-être manqué de temps pour se relire, vu le nombre de fautes d’orthographe, de grammaire et de conjugaison — ont pris soin de ranger leurs réflexions en quatre parties (propositions économiques, sociales et écologiques ; projet de société et libertés publiques ; Europe ; avenir du parti). Mais ce plan, au demeurant assez mal respecté par ses propres auteurs, me semble, à la lecture, assez artificiel.

Je ne saurais toucher aux propositions visant à faire "renaître le Parti socialiste". En revanche, c’est avec une certaine fierté que je vous présente mes catégories de remplacement, histoire d’instiller un brin d’ordre juste dans cette oeuvre brillante mais un peu brouillonne :

1. Dépenses supplémentaires, chiffrées et budgétées (non, je déconne)

• Revalorisation des petites retraites et de l’allocation de rentrée scolaire (mais comment... ah, OK, c’est pas pour les mêmes personnes)
• Accroissement significatif des dépenses en faveur de la recherche (Nespresso pour tous les départements au CNRS !)
• Création d’un service public de la petite enfance (exactement ce dont on a besoin quand on a perdu son job à cause de la crise)
• Création d’une sécurité sociale professionnelle (ça c’est pas gentil pour la sécu...)
• Réduction de la TVA sur les produits de première nécessité (liste établie par décret en Conseil d’État)

2. Nouvelles réglementations (pour faire "face aux dérèglements de l’hyper capitalisme financier")

• Augmentation significative du SMIC (excellente idée pour s’éloigner définitivement de la barre des deux millions de chômeurs)
• Plafonnement des loyers (de toute façon, les propriétaires peuvent pas quitter le pays, eux)
• Renforcer considérablement la régulation financière (c’est pourtant simple de résoudre une crise économique)
• Contrôle des licenciements (pas mal ça comme idée, vous l’avez piquée où ?)
• Suppression des franchises médicales (là, j’ai hésité entre plusieurs catégories)
• Règle des "trois tiers bâtis" : logements sociaux, logements intermédiaires, logements libres (et le tiers payant dans tout ça ?)
• Élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu (deuxième grosse hésitation)

3. Serpents de mer socialistes ("SMS" pour les djeuns)

• Péréquation des dotations et des impôts locaux (vous avez qu’à chercher sur Google, tiens)
• Ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels (sauf ceux liés à l’hyper capitalisme financier — il faut bien être cohérent)
• Droit de vote des étrangers aux élections locales (idem)
• Défense de la sectorisation des établissements scolaires (troisième grosse hésitation)
• Refonder la politique agricole commune (quatrième... ça commence à faire beaucoup d’hésitations, mais j’assume totalement)
• Intégrer croissance et emploi dans les objectifs de la Banque centrale européenne (contribution de Nicolas S., 53 ans, Paris 8ème)
• Faire entendre une voix forte contre l’unilatéralisme américain (tiens-toi bien, Barack !)
• Solidarité internationale et en priorité vers le Sud (probablement un geste envers Ségolène Royal)

4. Promesses purement déclaratives (voiture-balai)

• Réaffirmation de la primauté du CDI (centre d’information et de documentation ? collège des ingénieurs ?)
• Défense et extension des services publics : Poste, SNCF, Hôpital (mais non, pas la série télé, enfin...)
• Atteindre progressivement la moitié d’une classe d’âge diplômée du supérieur (progressivement hein, pas brusquement)
• Refaire passer l’économie réelle avant la finance (démerdez-vous avec ça)
• Mise en place d’un pôle financier public (si quelqu’un a une idée de ce que ça veut dire, merci de me contacter)
• Consolider le système de retraites par répartition (proposition extrêmement facile à appliquer, puisqu’il suffit de ne rien faire)
• Grande politique culturelle (ils ont déjà prévu un poste pour Jack Lang, quelle attention)
• Grands projets industriels ("petits projets industriels", ça fait moins bien, forcément)
• Grande réforme fiscale (on voit les choses en grand au PS)
• Politique d’immigration humaine et digne de la France (en même temps, une politique d’immigration animale...)
• Politique de sécurité alliant fermeté et justice (vous en avez d’autres comme ça ?)
• Droit de finir sa vie dans la dignité (cf. pôle financier public)
• Création d’un impôt européen sur le bénéfice des sociétés (vu qu’elles roulent sur l’or en ce moment)

Vous noterez que je n’ai pour ainsi dire pas touché à l’énoncé des divers éléments. Voilà qui devrait aider le nouveau porte-parole du parti à y retrouver ses petits.

Le premier à deviner dans quelle catégorie de départ se trouvait chaque proposition (sans tricher, hein) remportera un abonnement d’un an à l’Hebdo des socialistes — ou à l’Humanité, au choix.