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Sombritude européenne

Le projet d’Europe forte du Président Macron intervient dans un contexte difficile, tant les intérêts sont dispersés, et le soutien des Français à leur Président mesuré.

Les États-Unis veulent une UE faible, étendue à la Turquie. Ils veulent une UE malléable soumise aux lois extraterritoriales US, ainsi qu’une OTAN forte, financée par ses membres et bénéficiaires, poursuivant son extension. Une OTAN dirigée par les États-Unis, d’abord contre la Russie. Enfin, ils veulent poser et résoudre l’équation UE = OTAN.

Les Chinois veulent une UE grande ouverte pour y vendre leur quincaillerie et leur production high tech, et y acheter un maxi d’actifs au fur et à mesure de la désindustrialisation et de l’appauvrissement relatif des pays européens.

Les Russes veulent une Europe des nations, ils veulent dialoguer avec chaque nation séparément dans un rapport de forces qui leur serait favorable. Ils disposent encore de quelques réserves de gaz et de pétrole et comptent en profiter pour se consolider et réussir enfin à vendre dans le monde quelques produits conçus et « made in Russia ». Ils ne veulent pas d’OTAN à leur frontière.

Les Allemands redressent la tête après 70 ans d’occupation américaine (avec droit de regard et de veto sur le régime politique allemand). Leur puissance industrielle leur en donne les moyens. Les rapports USA/Allemagne se tendent. La taxe de 20 milliards infligée à VW n’a pas pour seule cause un logiciel moteur trafiqué. L’UE fonctionne à leur avantage, alors pourquoi en changer. Reste la question cruciale pour eux de l’immigration/natalité.

Macron veut une UE forte, contre l’avis des pays d’Europe du Nord et de l’Est qui se satisfont de leur situation de protégés/pilotés par le grand frère américain. Qui plus est, ce projet d’Europe forte de Macron se fonde sur une idéologie « progressiste » à vocation totalitaire qui ne fait pas l’unanimité en France, loin de là. L’Allemagne en décidera, selon les options que la France lui soumettra pour sa défense.

La synthèse de toutes ces velléités conduit à l’ensemble vide. Mais il subsistera, quoi qu’il arrive, quelque chose (mais quoi ?) qui se nommera toujours l’Europe.

Les Français, voyant leur industrie fondre comme neige au soleil, sont un peu perdus et inquiets quant à l’avenir de leurs enfants et de leur retraite. Ils doutent des bienfaits de l’UE mais redoutent sa dissolution. La classe moyenne a pris un train fantôme lent et tortueux qui la rapproche sournoisement du SMIC (la mondialisation « heureuse »). Les plus riches et leurs enfants, relativement heureux (sans guillemets), se dispersent à travers le monde.

Les immigrés français des 50 dernières années et leur descendance vont bientôt faire entendre, par l’effet du nombre, leurs revendications politiques/culturelles/religieuses, peu compatibles avec la Doxa libérale/libertaire de l’élite européiste. Les minorités s’agitent dans une concurrence revendicative et victimaire effrénée, à qui sera la plus brimée, stigmatisée, maltraitée, soutenues en cela par le juridique qui voit là l’opportunité d’accroître son pouvoir corporatiste.

Les Français se contentent pour le moment de changer de président tous les 5 ans, en attendant mieux (ou pire). Ce contexte est peu favorable à une inflexion forte du projet européen. L’État de droit, de bonne qualité, subsiste tant bien que mal, mais la démocratie - plus ou moins pilotée par le juridique - devient un peu virtuelle. Le brouillard est épais.

Reste pour le Système l’option de la guerre, si les affaires tournent mal (révoltes massives, crashs bancaires …). L’Europe serait, comme toujours, au centre d’un conflit d’envergure. Ce devrait se limiter à la guerre civile, car le Système n’ignore pas qu’une attaque nucléaire massive sur la Russie ne resterait pas sans réponse, malgré les efforts américains pour créer en Europe une configuration de première frappe sans réplique.

Le Système n’est pas encore prêt pour la fin du monde. La petite mort, si inévitable, avec l’espoir de se refaire, oui. La grande, non.

L’Europe forte n’est pas pour demain. Mais Ségolène revient. Bravitude contre sombritude.


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19 réactions à cet article    


  • Samy Levrai samy Levrai 20 novembre 2018 16:12

    Et si on commençait par analyser ce qu’est l’UE , qui l’a créée, pourquoi elle est telle qu’elle est ? 


    • Fanny 21 novembre 2018 15:12

      @samy Levrai

      Ça partait d’un bon sentiment, l’Europe. La guerre, ça fait avancer le schmilblick, ça excite les esprits géniaux (l’Europe en était pleine à craquer), mais ça fait aussi des morts, beaucoup trop de morts.

      Marre de ces wagons de morts. Alors on a décidé en Europe de se reposer un peu, de faire ami/ami, copain/copain. Et l’on a trouvé un oncle outre atlantique qui avait la recette pour ça : il avait nettoyé tout ce qui gênait (les Indiens …), avait un Dieu solide, une armée et une constitution en béton, une façon de se battre sans s’entre tuer (le business). Qui plus est, il était originaire d’Europe. Banco : on a copié en prenant chez lui un crédit longue durée (le modèle n’était pas gratuit, fallait payer des royalties).

      Et l’on arrive aujourd’hui au terme du remboursement du crédit. Certes un peu épuisés, hagards, ne sachant plus trop qui nous sommes : copier n’est pas gagner. D’autant qu’entre temps, l’oncle en question a fermé la banque qui avait financé notre crédit et en a ouvert une autre en direction de l’Asie. Et puis, l’oncle en question a lui-même de gros problèmes de santé. Il a moins de disponibilité pour nous aider.

      Alors que faire ? On est à poil en Europe. Il n’y a plus d’oncle à pomper. Personne ne nous fera de cadeau. Faut inventer, imaginer un avenir sans recommencer à s’entre tuer. Notre jeunesse devrait s’y atteler. En est-elle capable, avec tous ces hormones et pesticides qu’on lui a injectés, avec tout ce qu’on lui a mis dans le crâne et qui s’est révélé être un peu avarié, en lui faisant croire qu’on a toujours un oncle pour voler à notre secours et nous protéger ? Sacré challenge -)

       


    • Clark Kent NEMO 20 novembre 2018 18:01

      Vous avez raison de puiser dans les pensées des grands philosophes tels que Ségolène dont je vous livre un tweet daté du 8 décembre 2015 :

      « L’égalité homme/femme est une condition indispensable à la réussite de la lutte contre le dérèglement climatique. »

      Ca décoiffe, non ?


      • Fanny 20 novembre 2018 19:14

        @NEMO

        Je reconnais que ma note ironique à propos de Ségolène n’est pas bien aimable. Je ne vise pas la femme, mais la responsable politique qui a déjà visé la plus haute fonction et qui revient.

        Quel est le projet politique de Ségolène pour la France ? J’avoue que je n’en ai strictement aucune idée. Peut-être est-ce de ma faute de n’avoir su percevoir son projet ?


      • Zolko Zolko 21 novembre 2018 07:44

        @Fanny : « Quel est le projet politique de Ségolène pour la France ? »

        La dernière fois, elle avait proposé le tirage au sort. Comme Montebourg aussi. C’est donc normal que toute la nomenclatura des aparatchiks proffessionnels de la politique - et ça inclut les journalistes - lui soient tombés dessus.


      • Xenozoid 20 novembre 2018 21:28

        @Fanny

        ils vont ou les bénéfices des armes qui tue pas les amis ?


      • dr.jambon-beurre dr.jambon-beurre 20 novembre 2018 20:37

        revendications politiques/culturelles/religieuses, peu compatibles avec la Doxa libérale/libertaire de l’élite européiste

        Au contraire, c’est le but recherché. Faire pression sur les salaires, diviser pour régner, gouverner par le chaos, pour au final forcer à avoir une société multiculturelle en conflit permanent.

        Regardez ce qui fait rêver nos « chances pour la France », grosses cylindrées germaniques, bijoux tape à l’oeil, marque de vêtements. Je ne vois aucune incompatibilité avec la doxa.


        • Fanny 21 novembre 2018 11:28

          @dr.jambon-beurre

          Une question intéressante, et importante car les Français d’origine africaine, aujourd’hui environ 15% de nos concitoyens, ont une natalité plus forte que les Français dits de souche. Ils représenteront demain 20%, 30% … de nos concitoyens.

          Etant moi-même d’origine étrangère européenne (mes 2 parents sont nés à l’étranger), élevé dans une langue étrangère, je me rends compte des adhérences culturelles dont il est très difficile voire impossible de se débarrasser. Je me sens pleinement français, j’ai fait mon service militaire, mais je ne serai jamais ce qu’on appelle un Français de souche. Il restera toujours un petit quelque chose qui me rattache à un « ailleurs ».

          Et j’imagine que c’est pareil pour les Français d’origine africaine. Et ce sentiment d’adhérence culturelle à un « ailleurs » se transmet de génération en génération, et doit être plus fort quand il est souligné par une distinction sur l’apparence physique (noir, asiatique …).

          Mon impression est que la Doxa libérale/libertaire, l’idéologie de pointe de l’élite des Français de souche (idéologie en partie importée d’Europe du Nord et des USA) est peu compatible avec les cultures d’origine africaine ou d’Asie. Il y a bien sûr la dimension religieuse, avec la religion musulmane, mais pas uniquement. Il y a aussi la notion de structure familiale (au sens d’Emmanuel Todd) qui est importante, et qui diffère selon les cultures.

          Et cela me paraît plus profond que le phénomène « racailles », que l’attirance des jeunes immigrés pour les grosses cylindrées allemandes, les paillettes et le strass. Ces jeunes vont devenir adultes et retourneront vers les fondamentaux de ce qu’ils sont, et se souviendront forcément d’où ils viennent : l’immense continent africain.

          C’est pourquoi j’ai l’impression que l’idéologie libérale/libertaire de notre élite européiste, bien représentée par une personnalité comme Daniel Cohn Bendit, se heurtera à d’autres idéologies d’origine étrangère sur notre territoire, ce qui fera la France de demain. En espérant qu’un fort taux de mariages mixtes et de mélanges, l’intelligence et la modération propres à la culture française, nous éviteront un avenir à la yougoslave, comme semble le redouter l’ancien ministre de l’intérieur Collomb.

           


        • leypanou 20 novembre 2018 22:29

          Les Allemands redressent la tête après 70 ans d’occupation américaine 

           : je ne savais pas que les États-Uniens ont quitté l’Allemagne car les journaux n’en ont pas du tout parlé.

          Ils ont fait très fort car d’habitude on met très longtemps pour fermer plusieurs bases militaires et rapatrier des dizaines de milliers de soldats.


          • Fanny 21 novembre 2018 00:41

            @leypanou
            Bien vu.
            C’est le mot « occupation » qui cloche. Terme trop fort pour signifier une relation entre alliés, avec cependant un allié plus « allié » que l’autre.
            Je n’aurais pu écrire « L’Allemagne, toujours occupée par les Américains, relève la tête... ». C’eut été exact mais encore plus éloigné de la réalité politique.
            Il aurait fallu écrire factuel, mais rien qui convienne ne me vient à l’esprit. Il y a 70 ans, il s’agissait bien d’une occupation faisant suite à une victoire militaire. Aujourd’hui, c’est autre chose mais pas vraiment une relation entre égaux.
             


          • leypanou 21 novembre 2018 08:18

            @Fanny
            En fait, je suis d’accord avec ce qui est écrit, à un petit bémol près sur ceci : " Macron veut une UE forte, contre l’avis des pays d’Europe du Nord et de l’Est

            « .
            Savez-vous que la France n’a que 2 types de drones (10 au total), fabriqués par 2 pays étrangers »amis" en plus ?

            Alors, vouloir une EU forte c’est rêver debout, déjà que l’UE a été incapable de contrer les effets de l’extra-territorialité des lois états-uniennes. Car avec les boulets que sont la Pologne, les Pays Baltes, et les ex-pays de l’est, inutile d’insister avec l’UE telle qu’elle est.


          • Fanny 21 novembre 2018 12:42

            @leypanou

            La technologie comme instrument de la géopolitique. Si les Américains nous privent de l’accès à leurs technologies militaire et autres, nos avions ne volent plus, et notre porte avion reste à quai (l’entretien des turbines). Difficile dans ces conditions de s’opposer aux lois extraterritoriales US. Un sacré problème, qui rend l’idée de défense européenne plus que problématique.

            Mais en amont de la technologie, il y a les hommes. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Vers où veulent-ils aller ? Sur la longue durée, c’est ça qui est déterminant.

             


          • Doume65 22 novembre 2018 11:00

            @Fanny
            On a dans cette vidéo plusieurs avis différents mais documentés sur les relations Allemagne - USA. Un peu long mais très instructif.


          • Fanny 22 novembre 2018 13:29

            @Doume65

            Formidable vidéo. Il y a des gens qui réfléchissent en France, des gens qui ont une vision claire du monde réel, mais malheureusement on ne les voit pas dans nos médias.

            A propos de l’Allemagne, une femme extraordinaire, Madame Stoffaes, en parlait de façon lumineuse. Elle est malheureusement décédée jeune d’une longue maladie. Elle fut conseillère de G.Schröder. Quelle perte !

            J’ignore quel sera l’avenir politique de l’UPR (je ne vote plus, je laisse ça aux jeunes, mais je m’intéresse à la politique). En attendant, quel think tank que ce parti ! Asselineau est actuellement le meilleur analyste de nos réalités politiques, analyses fondées sur une bonne connaissance de l’histoire. Il invite dans ses conférences des gens assez remarquables, comme dans la vidéo que vous avez postée. Merci pour la vidéo.


          • Fanny 23 novembre 2018 05:41

            @Fanny
            Brigitte Stoffaës, née Sauzay (1947 - 2003), Interprète du ministère des affaires étrangères, Directrice du service d’Interprétation et de traduction (1985/ 1998). Interprète des Présidents de la République Valéry Giscard d’Estaing (1974/ 1981) et François Mitterrand (1981/ 1996), Brigitte Sauzay fut ensuite conseillère pour les affaires francoallemandes auprès du Chancelier fédéral Gerhard Schroeder à Bonn puis à Berlin (1998/ 2003), positions où elle exerça une influence discrète et efficace sur la coopération entre les deux pays au moment décisif de l’unification et de la mise en place de l’euro. Auteure de "Le Vertige allemand« (1985) et »Retour à Berlin" (1992). Cofondatrice en 1993 de l’Institut Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe (Fondation Genshagen depuis 2005).


          • Zolko Zolko 21 novembre 2018 07:38

            « L’Europe serait, comme toujours, au centre d’un conflit d’envergure. »

            Pour cette fois, non. Pour une raison très simple : nous avons les canons mais pas de chaire à canons. Le prochain grand conflit sera en Afrique et au Moyen-Orient, qui, eux, n’ont pas de canons (à part ceux que nous leur avons donné/vendu) mais ont une jeunesse nombreuse et sans espoir d’avenir. Et une religion agressive qui facilite la manipulation des masses incultes.

            Si on veut, on pourra rester à l’écart de la prochaine guerre mondiale. Malheureusement, nos marchands d’armes voudraient bien y participer, eux.


            • Fanny 21 novembre 2018 12:54

              @Zolko

              La notion de guerre mondiale au XXIème siècle implique forcément la dimension nucléaire, tactique et stratégique. Pas encore de nucléaire en Afrique. Au MO, Israël n’a aucune profondeur stratégique lui permettant d’engager ses armes nucléaires avec une chance de survie. C’est pourquoi je crois qu’une guerre mondiale aujourd’hui impliquerait soit l’Europe, soit l’Asie, soit encore les deux, avec les USA comme chef d’orchestre.


            • Zolko Zolko 21 novembre 2018 13:09

              @Fanny : « guerre mondiale au XXIème siècle implique forcément la dimension nucléaire »
               
              non, pas forcément, si les armes nucléaires parlent ce ne serait pas vraiment une guerre car ça serait fini en quelques heures. A contrario, « ils » pourront se massacrer à coups de kalachnikov ou de machette, montés sur leurs pick-ups blancs, pendant des années. Comme c’est d’ailleurs déjà le cas là-bas. Mais l’explosion démographique et la chute imminente de l’empire des petro-dollars vont démultiplier le phénomène.
               
              Nous, en Europe, si nous voulons échapper à ça, nous devrons museler à la fois les marchands d’armes et les droitdelhommistes qui voudront absolument jouer les gendarmes du monde. Mais si nous y arrivons et tout porte à croire que c’est déjà entrain d’arriver dans pas-mal de pays Européens nous ne serons concernés qu’à la marge ... pour peu que nous soyons capables de ne pas intervenir à la vue des millions de morts.


            • Fanny 21 novembre 2018 16:16

              @Zolko

              Votre vision ne me convainc pas. La violence a tendance à globalement diminuer dans le monde. Les sauvages à machette et kalach embarqués sur des pick-up Toyota agrémentent nos 20h sur nos écrans mais ne font pas l’histoire. C’est encore nous, les Grands Sauvages, qui font l’histoire et continueront de la faire. Suffit d’écouter nos grands chefs : ils ont tellement peur de leur violence rentrée, et des moyens dont ils disposent pour l’exercer, qu’ils ne cessent d’invoquer les droits de l’homme, leur inconscient nous passant le message : « retenez-moi ou je fais un malheur ».

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