Crise alimentaire mondiale :
La récolte prévisible des céréales, notamment du blé, est revue à la baisse du fait de mauvaises récoltes dans l’est de l’Europe (à cause de la sècheresse) et au Canada (trop de pluie) et les stocks que l’on estimait à 3 à 4 mois de consommation sont plutôt de moins de 3 mois.
Les conséquences sur les cours mondiaux ne se sont pas fait attendre : + 38 % pour le blé en un mois (la plus forte hausse mensuelle depuis 1973) et + 5,8% pour le maïs et + 2,4% pour le soja en une semaine. Orge, colza et fourrage ont également augmenté. La spéculation bat son plein !
En face, on se trouve confronté à une demande en hausse, tout particulièrement en Chine, et certains pays ont d’ores et déjà annoncé qu’ils n’exporteraient pas ou peu de céréales, préférant les garder pour leur marché intérieur (Russie et Ukraine en premier). Enfin, il est possible que la récolte 2010 soit légèrement inférieure à la consommation annuelle.
Les biocarburants vont également peser sur le marché, même si leur production n’est encore globalement que marginale, mais, dans une situation tendue, quelques points de demande supplémentaires peuvent déséquilibrer fortement un marché.
La situation n’est pas identique à de celle de 2007, puisque les stocks sont plus élevés (tout juste 2 mois à l’époque) mais la spéculation sur les prix est préoccupante et risque de provoquer une crise alimentaire dans les pays les moins solvables.
Crise agricole française :
S’il y a un secteur qui risque de souffrir terriblement, c’est celui de l’élevage : l’année 2009-10 s’est terminée avec des stocks de fourrage nuls et les producteurs espéraient une bonne récolte de foin et de paille pour aborder la saison 2010-11 en condition correcte, ce qui ne semble pas être le cas. Il leur faudra donc acheter cher du fourrage ou des substituts, comme du blé et du colza ou du maïs et du soja, dont les prix sont en forte hausse. Subissant déjà un marché difficile, en viande comme en lait, il leur sera très difficile voire impossible de répercuter ces hausses de coût sur leurs prix de vente, du fait de la baisse du pouvoir d’achat de leurs consommateurs, alors qu’ils sont déjà insuffisants à l’heure actuelle.
C’est donc tout un pan de l’agriculture française qui risque d’être durablement déséquilibré et il est à craindre que bon nombre d’éleveurs ne mettent la clé sous la porte et … émargent l’hiver prochain au RMI ou au RSA…
Nous risquons donc de nous acheminer vers une crise alimentaire spéculative au niveau mondial et une crise agricole grave en France liée à la précédente et à la crise financière qui a touché notre pays ces deux dernières années. Une spirale infernale dont on ne mesure pas encore les effets à long terme et qui risque de déséquilibrer durablement tout le secteur agricole dans le futur. Et lorsque l’on sait que l’Europe importe des denrées agricoles nécessitant 35 millions d’ha pour les produire (soit l’équivalent de la surface agricole allemande), on ne peut qu’être inquiet de notre dépendance alimentaire à venir.
L’Europe était un continent auto-suffisant, ce qui a assuré sa richesse durant une longue période, et nous voici maintenant très vulnérables. Peut-être qu’il serait temps de revenir à une certaine préférence communautaire et cesser de prôner un libéralisme en matière agricole que nous sommes les derniers au monde à pratiquer.
Brigitte Grivet