Sommes-nous plus bêtes que le virus ?
Si je pose la question, c’est que je vois que, parfois nous agissons de façon insensée et sans repères. D’autres fois, nous agissons en oubliant complètement les principes de base qui ont été utiles à nos ancêtres pour leur survie. Une foule, comme un gouvernement, peuvent agir plus stupidement que le plus simple des animaux ! Pourquoi nous rendons-nous plus stupide qu’une bête ? Parce que nous n’avons pas de mémoire.
Il semble, par exemple, que les gouvernants de la France aient oublié la morale de la fable « La Cigale et la fourmi » de Jean de La Fontaine. En période d’alerte, ils achètent des masques à prix d’or et, la crise oubliée, ils négligent d’en faire provision (ce qui est bien dommage car alors ils le feraient en toute économie du fait d’une demande faible). La foule, dis-je, est souvent stupide ? Mais elle a parfois raison. Ainsi, les gens n’ont-ils pas oublié le principe de provision et se jettent sur les étalages. Qui pourrait leur reprocher d’agir ainsi quand on sait l’imprévoyance du Pouvoir ?
Autre proverbe utile et malheureusement oublié : « qui veut voyager loin ménage sa monture ». C’est pourtant Jean Racine qui nous le rappelle dans sa pièce Les Plaideurs en 1668. Nous avons une version moderne qui circule aujourd’hui : « tout seul, on va plus vite ; ensemble on va plus loin ». Pour ménager sa monture, le cavalier aura besoin d’un aubergiste disposant d’une écurie et peut-être d’un maréchal-ferrant, d’un vétérinaire. Aujourd’hui, les interactions sociales et économiques sont devenues si nombreuses que nous dépendons tous les uns des autres. Plus que jamais, agir ensemble se révèle donc une nécessité vitale. Mais ne faut-il pas poser des limites à l’interdépendance ?
Depuis les temps immémoriaux, les Anciens se rappellent à nous avec leur devise « rien de trop » ou par sa version plus populaire : « point trop n’en faut ». C’est le socle de l’éthique de poser des limites aux comportements humains. Les Grecs disaient que l’individu doit s’auto discipliner pour limiter ses outrances et ses excès et, du même coup, pour exceller. « Connais-toi toi-même », disaient-ils aussi. Cela ne veut pas dire « soyez-vous-même ! », mais « maîtrisez-vous pour ne pas tomber dans l’excès et exceller dans les actions où vous pouvez exceller ». Or, comme chacun le sait, nul ne peut exceller en tout. Nous revoici donc à la question de l’interdépendance. Quoi que l’on fasse, nous ne pouvons pas vivre isolé et replié sur nous-même puisque l’excellence est collective. Un gouvernement ne peut pas agir sans son peuple et il est vital aussi qu’un pays obtienne l’aide des autres pays.
Un autre principe éprouvé est « qui va lentement va sûrement ». L’origine est italienne : « chi va piano, va sano ». Si l’on transpose littéralement, cela veut dire « qui va doucement, va sainement ». Aller sainement, voilà la clé (L’auteur renvoie à son article précédent disant qu’il faut agir sainement et sans excès). Je ferai observer que s’il en est un qui observe ce principe de façon remarquable, c’est le virus ! Alors, ne soyons donc pas plus bêtes que lui ! Mais alors, me direz-vous, c’est bien joli de dire qu’il faut séparer ce qui est sain de ce qui ne l’est pas, encore faut-il définir ce qui est sain. Venons-en à ce point.
Ce qui est sain diffère selon :
1 – Le caractère normal et connu de la situation / son caractère inédit et anormal
2 - Le niveau : individuel / collectif.
Temps normal et temps exceptionnels
En temps normal, il est sain en démocratie de viser à respecter les principes de liberté et d’égalité. En temps de danger grave qui menace le pays, il est sain de protéger les personnes les plus précieuses et de confiner les autres. C’est une entorse provisoire au principe d’égalité puisque toute personne ne peut obtenir les mêmes avantages, comme l’obtention d’un masque ou d’un test. Notons que la fraternité demeure puisque le plan mené a pour but de préserver la vie de nos personnes âgées. Néanmoins, il est sain de ne pas entamer ces principes au-delà de qui est sain. La pratique du jogging et les commissions ne peuvent être entravées, seulement réglementées.
En temps d’exception sanitaire, certains principes se haussent au-dessus des principes républicains et démocratiques. Ces principes sont notamment : la salubrité, la sûreté, la sécurité. Mais il va de soi que cela ne vaut qu’un temps et dans des proportions raisonnables (principe du « sain »). Le plus infime animal est capable d'adopter - seul ou collectivement - les comportements qui permettent sa survie en période de danger ou de crise (disparition des ressources ou rudesse du climat). Sachons au moins en faire autant.
L’individu et le collectif
Ce qui paraît sain au plan individuel, c’est de faire une cure. Cela aussi nos ancêtres le savaient et nous l’avons oublié. On peut faire une cure médiatique, par exemple. Une cure est un retour à ce qui est essentiel et sain. C’est un principe prolongé de parcimonie : on supprime au maximum tout ce qui est accessoire. Mais, attention, point n’est besoin de tomber dans la radicalité pour tout.
Questionnez-vous aussi sur ce qu’il est sain de décider en circonstances inédites. Est-il sain de s’en remettre à ses habitudes ? A son seul bon sens ? A son seul instinct ? Au seul savoir des « sachants » ? Aux seules paroles des gouvernants ? Je pense que la réponse ici saute aux yeux du lecteur : la réponse est non. Penser sainement, c’est questionner ce qui en temps normal nous sert de boussole. Sur ce point, nous avons besoin de l'éclairage des scientifiques : comment nous protéger et protéger les autres ? Il serait prétentieux et dangereux ici de penser que notre seul bon sens, notre instinct ou nos habitudes acquise seraient mieux ajustées au danger que les préceptes des experts.
Il est temps pour chacun de freiner ses excès et de penser en termes d’excellence. Comment puis-je exceller pour aider l’intelligence collective à vaincre la stratégie du virus ? A défaut, comment puis-je participer à l'excellence collective et enfin en dernier recours ce principe minimal : il est sain de ne pas nuire.
Séparer ce qui est sain de faire de ce qui n’est pas sain de faire est le principe sur lequel nous devons nous appuyer – ainsi que sur des principes éprouvés par les siècles passés - quand le savoir des prévisionnistes et des spécialistes montre ses limites.
Face à l’inédit, « faire ce qui est sain et rien de trop » me paraît être la seule règle qui tienne encore la route. A vous de juger.
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