Sortie du nucléaire : la Belgique sur les traces (carbonées) de l’Allemagne
Le gouvernement belge a décidé de tourner le dos à l’atome en 2025, et souhaite pour pallier le manque d’énergie faire appel au gaz notamment. Une très mauvaise nouvelle pour le climat.
Mardi 17 novembre, le groupe français Engie (ex-GDF-Suez), qui exploite, via sa filiale Electralabel - qu’il détient à 100 % - les sept réacteurs nucléaires belges, a annoncé en interne qu’il comptait mettre fin à tous ses projets liés à l’atome outre-Quiévrain. La raison ? Le gouvernement belge souhaite se détourner définitivement du nucléaire, dans le cadre de sa transition énergétique, et devrait bannir les centrales à l’horizon 2025 - après, toutefois, une évaluation des nouvelles capacités de production en novembre 2021.
Le coup est rude pour l’entreprise tricolore, déjà dans l’incapacité de moderniser ses unités les plus récentes (Doel 4 et Tihange 3). Face au coût que représente la remise à niveau de l’ensemble des installations (1 milliard d’euros), Thierry Saegeman, le patron de la division nucléaire d’Electralabel, est apparu résigné : « Nous ne pouvons pas investir des dizaines de millions d’euros sans certitude de rendement », a-t-il annoncé à ses 5 000 collaborateurs.
Annoncée en 2003 avant d’être repoussée en 2014, la sortie du nucléaire est donc en passe de devenir une réalité en Belgique. Une victoire certaine pour les écologistes - déjà au pouvoir lorsque la décision de se séparer de l’atome a été prise il y a 17 ans -, qui possèdent d’ailleurs le portefeuille ministériel de l’Energie dans l’actuel gouvernement. Mais cette petite révolution dans le mix énergétique belge, fait de nucléaire, de gaz et de renouvelable, est-elle réellement une bonne nouvelle pour le climat ?
La question est purement rhétorique - et la réponse négative. Le « cadeau » fait par le gouvernement aux écologistes pourrait en effet très bien se retourner contre eux. Ils veulent faire avancer la transition énergétique de leur pays ? Soit. Mais n’est-il pas surprenant qu’ils tournent le dos, pour ce faire, à une énergie dite propre, c’est-à-dire très faiblement émettrice de gaz à effet de serre ? Et n’est-il pas absurde que la Belgique cherche à remplacer le nucléaire par le gaz, à l’inverse très polluant et responsable en partie du dérèglement climatique ?
Hérésie climatique
Il y a quelques jours, selon la RTBF, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, a effectivement officialisé la construction de nouvelles centrales électriques au gaz. Tandis qu’il y a un an, le Qatar se positionnait pour la mise en service de quatre installations identiques pouvant fournir 3 080 mégawatts (MW) à la Belgique. Pas franchement vertueux d’un point de vue écologique. Pour rappel, la production d’électricité à partir du gaz « pèse » 418 grammes de CO2/kilowattheure (kWh), là où le nucléaire n’émet que 6 grammes/kWh.
Le gouvernement et les écologistes pourront toujours brandir les renouvelables, qu’ils souhaitent effectivement développer. Mais il semblerait qu’il faille abandonner toute candeur concernant ces énergies « vertes ». Selon un rapport de l’ONG Sherpa remis le 29 octobre dernier, la production d’électricité renouvelable nécessite des quantités toujours plus importantes de minerais (cobalt, lithium, cuivre…), dont l’extraction peut « engendrer des atteintes à l’environnement et aux droits humains », indique l’organisation, qui mentionne le travail forcé des enfants ou la pollution des eaux par des produits toxiques…
On repassera donc pour le statut « propre » des énergies renouvelables. D’autant moins louables qu’elles sont intermittentes et ne peuvent produire d’électricité en flux tendu. En moyenne, dans l’Union européenne, les éoliennes ne produisent que pendant 23 % du temps. « Que faut-il faire pendant les 77 % du temps restant ? », s’interrogeait Samuel Furfari, professeur à l’Université libre de Bruxelles, dans une tribune publiée en mars dernier. « Utiliser les équipements de production traditionnels », selon lui.
Plutôt que de démanteler ses centrales nucléaires - une opération qui aura un coût gigantesque -, la Belgique pourrait ainsi faire une petite place aux renouvelables tout en continuant de miser sur l’atome, qui produit une électricité peu chère, propre et en continu. Pour l’instant, Bruxelles se dirige plutôt vers le « modèle » allemand, que beaucoup, outre-Rhin, ne cessent pourtant de critiquer. Berlin peine depuis près de 10 ans à faire oublier l’atome, qu’elle remplace bien souvent par du charbon et du gaz. Une hérésie climatique que s’apprête à suivre la Belgique...
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