• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Subjectivité du mérite contre bureaucratie des honneurs

Subjectivité du mérite contre bureaucratie des honneurs

Souvenez-vous, c’était en pleine campagne des présidentielles, en octobre 2006, aux "24 heures du bâtiment" à Paris, Nicolas Sarkozy, ovationné par un parterre d’entrepreneurs self-made men, fustigeait l’énarchie : "Je m’aperçois que ceux qui étaient les premiers à l’ENA, c’est pas forcément les meilleurs aujourd’hui"... "ce n’est pas parce qu’on a été brillant entre 18 et 22 ans qu’on fera forcément une carrière exceptionnelle"... !
 
En décriant un système vicié de la méritocratie française et en affirmant le talent et la réussite de minors, dont il fait partie, il provoquait l’adhésion de ceux, nombreux, qui constatent l’inefficacité congénitale de la république des mandarins. Il fondait ainsi l’un des piliers majeurs de la pensée sarkozyste : la subjectivité du mérite. En flattant l’ego de ceux, nombreux ce jour là, qui s’estimaient moins redevables de la collectivité qu’elle ne l’était d’eux-mêmes, il touchait droit au coeur d’une majorité de français en mal de reconnaissance sociale.
 
Quelques semaines plus tard, le programme "Ensemble, tout devient possible" présentait le deuxième acte de la refondation républicaine à venir. Au paragraphe "une démocratie irréprochable", le futur président annonçait : "Je veux que les nominations aux fonctions les plus importantes de l’Etat se fassent sur des critères de compétences et de hauteur de vue, et non pas sur des critères de proximité avec le pouvoir en place". Les plus crédules des électeurs imaginaient déjà la fin des pistons institutionnalisés et célébraient à l’avance la promotion des méritants (dont ils s’estimaient évidemment tous subjectivement faire partie) ! Il ne restait donc plus qu’à résoudre un problème : la méthode de désignation de ceux-là.
 
Ce lundi matin à la radio, Laurent Fabius (Normale sup, science Po, ENA) ironisait sur l’investiture du fils du président à la tête de l’administration de la Défense, premier quartier d’affaire européen : "On a besoin de quelqu’un qui soit un très bon juriste... Jean Sarkozy est en deuxième année de droit, c’est déjà un élément très, très fort". En stigmatisant l’incompétence du Prince héritier et en accusant le pouvoir en place de favoritisme, l’ex-premier ministre et ex-ministre de l’économie dépoussiérait l’un des totems de la pensée socialiste : la bureaucratie des honneurs. En ravivant le cynisme des intellectuels de gauche, KO debout depuis leur défaite de 2007 et majoritaires à l’écoute des ondes de France Inter, il ressuscitait la fierté des premiers de la classe méprisés. Quelques heures plus tôt, Patrick Devedjian, en citant "le Cid" de Corneille pour Jean Sarkozy ("Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années") offrait sur un plateau l’accusation de népotisme au camp adverse. Faut-il penser que le clan Sarkozy doute un instant de la compétence et du mérite du fils cadet pour devoir lui accorder un passe-droit ?
 
C’est sous-estimer la conviction chez ceux-là d’être les locomotives d’une société figée. L’inculture ne favorise pas l’ouverture d’esprit. De ce même aveuglement relève la certitude que notre président méritait le Nobel de la paix ou l’augmentation de 200% de son salaire ou bien que Serge Dassault n’aurait jamais dû quitter la mairie de Corbeil-Essonnes. L’accusation de malhonnêteté est trop simpliste. Doit-on pour autant se rallier au cynisme hautain de Fabius ? Estimer qu’en ce monde, seuls les énarques et les polytechniciens ont l’exclusivité des bonnes idées et de la réussite ?
 
Même si la probabilité de piocher un âne chez ceux-là est à l’évidence plus faible qu’ailleurs, la vie économique est truffée de brillants inventeurs autodidactes tentés d’émigrer sous des cieux plus cléments parce qu’ils n’ont pas le pedigree requis pour obtenir le soutien des banquiers. Faut-il donc forcément choisir entre la cour qui décerne les honneurs à ses fidèles parce qu’elle n’imagine pas l’intelligence du monde qui l’entoure ou le Soviet suprême tellement terrorisé par les initiatives d’innovateurs non patentés qu’il veut forcément institutionnaliser la réussite ? La vérité est que les premiers décrédibilisent une fois de plus l’élitisme républicain et découragent les derniers espoirs d’ascenseur social en France. Parce que Jean s’appelle Sarkozy et parce qu’il s’estime intelligent et charismatique (ce qu’il semble être par ailleurs), il aurait dû, plus que les autres se plier aux critères objectifs de la méritocratie républicaine.
 
Là où un bac+1 anonyme n’obtiendrait même pas un stage, le coup de pouce donné à celui qui n’a de mérite que celui d’avoir franchi le col de l’utérus de sa mère est indécent. Quant aux seconds, ils ne semblent pas avoir mesuré, après trois défaites successives, le divorce avec la grande majorité du peuple qui estime que les portes de la réussite sont réservées à ceux qui en ont les codes. Ils n’ont pas non plus évalué la sclérose de leurs dirigeants façonnés dans les moules numérotés de l’administration et le déficit intellectuel provoqué dans leur camp par ceux qui, s’estimant mis à l’écart, ont préféré rejoindre les autres. Dommage que cette nouvelle polémique donne une nouvelle fois à l’étranger l’image d’une France divisée sur deux positions d’un autre siècle. 
 

Moyenne des avis sur cet article :  5/5   (6 votes)




Réagissez à l'article

3 réactions à cet article    


  • Boduacus 13 octobre 2009 14:36

    Je ne soutiendrais pas l’ENA, mais il est évident que sa critique par Sarkozy est inspirée par le fait qu’il n’a pas réussi à intégrer cette école. Il n’a même pas réussi à obtenir le diplôme de Sciences Po. Son inculture apparaît chaque fois qu’il parle, quand il ne lit pas un discours écrit par Guéant.


    • Gabriel Gabriel 13 octobre 2009 16:18

      Rien de plus précaire que l’équilibre d’un refoulé complexé envieux des acquis de ses contemporains. Son défouloir, c’est son gouvernement et ceux qui le composent. Il n’a de cesse de les rabaisser, espèce de sournoise vengeance contre ceux qui sont culturellement mieux pourvus que lui et qui, audace suprême, osent posséder quelques centimètres supplémentaires. Ce besoin détaler sa vie privée et d’afficher ses femmes comme des artifices, des trophées. Ces gesticulations médiatiques, ses diatribes verbales et démagogiques. Enfin, le parfait client pour quelques dizaines d’années de psychanalyse. Les Transalpins ont la Berlu, nous on fait dans la Sarkonnerie …. Pas mieux !


      • fhefhe fhefhe 14 octobre 2009 12:08

        Première « Errreur » des enseignants...aux Primaires.... !!!

        Ex : La maîtresse dit à Toto de mettre « ses mains derrière le dos... »
        Toto le cancre , se fait ....tirer l’oreille car il a mis ses mains sur son ventre....
        La maîtresse lui intime , une nouvelle fois , de mettre ses mains derrière le dos...
        Toto impassible ne bouge pas ses mains de sur son ventre ....
        Pourquoi insistes-tu Toto ???
        Et vous , madame , ou les auriez-vous mises si je vous avez demandé de les mettre derrière vôtre ventre ????

        Quel rapport avec l’Article.... ???
        L’Honneur de Toto d’Etre un Cancre qui a eu le Mérite  d’Etre contre les « Ordres Idiots »....d’une Bureaucratie .
        Telle est la Subjectivité de Toto...(Ce qui lui appartient est le bon sens....)

        Pour se payer des Bonbons...Toto gagnait tous ses paris ....quand il demandait de sauter 1 metre à pied joints les mains derrière le dos à tous ses camarades de récréations.....En effet , il n’avait jamais demandé de les mettre derriére le ventre !!!!


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès