• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Suicide du Professeur Jean Magerand : entre tristesse, hommage et (...)

Suicide du Professeur Jean Magerand : entre tristesse, hommage et colère

Plus de six mois après le suicide d'un Professeur sur son lieu de travail, une forme d'omerta persiste. Pap Ndiaye s'est distingué par son mutisme assourdissant. A part la presse régionale, aucun média n'a publié le nom de cet enseignant. Il en serait allé tout autrement avec un policier. Les interrogations et inquiétudes demeurent, et la nomination de Gabriel Attal ne fait rien pour les dissiper...

Jeudi 16 mars au matin, au Lycée général et technologique de l’Arc à Orange, dans l’Académie d’Aix-Marseille, une agente d’entretien a fait une découverte macabre : le corps sans vie d’un Professeur de physique-chimie. Agé de 58 ans, agrégé, il était en poste depuis 2018 dans l’établissement, et s’est donné la mort en s’électrocutant dans sa salle de classe. Il aurait laissé deux lettres, dont l’une adressée aux pompiers & les enjoignant à bien couper le courant avant de toucher son corps. Consciencieux jusqu’au bout.

Le recteur de l'académie, Bernard Beignier, s'est rendu sur place le jour même. Le président de la Région PACA, Renaud Muselier, a exprimé ses condoléances et son soutien aux proches, collègues et élèves du défunt. Des enseignants, représentants syndicaux et élèves ont rendu hommage à cet enseignant dévoué et apprécié. Une de ses élèves, Hasna, 16 ans, a déclaré à La Provence : « C’était un prof vraiment très gentil. Il essayait au maximum d’être là pour ses élèves. L’année dernière, il avait un suivi psychologique parce qu’il était en dépression. Cette année, il rigolait, il pétait la forme, il allait très bien. Et plus le temps est passé, plus on voyait qu’en fait, il n’avait même plus envie de faire cours. Il y a deux jours j’avais cours avec [lui]. Et en fait il a fait son cours tout seul, alors qu’on aurait totalement pu lui parler, ou juste dire ‘Ça va ?’. C’est affreux. » 

Pourtant, dans ces hommages poignants teintés de regrets voire de remords, une voix a manqué à l’appel jusqu’au bout. Et pas des moindres : celle de Pap Ndiaye, alors ministre de l’éducation nationale, pourtant si prompt à commenter l’actualité, qu’il s’agisse de dénoncer l’opposition (quitte à déformer les faits), de réagir avec indignation à des copies brûlées par un enseignant ou de donner des proportions incroyables aux faits les plus insignifiants, quitte à participer à un contexte d’islamophobie. Il avait rendu hommage à Agnès Lassalle, enseignante poignardée par un élève. Mais cette fois-ci, il est resté muet. Pas de déplacement, pas de déclaration, pas de communiqué, pas de tweet, pas de #MinutePap. Rien. Question de priorités. Cela n’est guère prometteur quant à son nouveau poste d’ambassadeur de France au Conseil de l’Europe, chargé de la défense des droits de l’homme.

La Provence a évoqué des pistes quant au contexte dans lequel pourrait s’inscrire cet acte : « Sans qu’aucun lien de cause à effet ne soit bien entendu pour l’heure établi, plusieurs sources nous ont fait état d’une ambiance pesante au sein de l’établissement depuis de longs mois. Un management à poigne, des propos parfois dégradants et un manque de soutien ressenti par certains fonctionnaires. ‘Les professeurs ont peur dans ce lycée’, nous a même lâché un proche de l’établissement. »

Des témoignages glaçants, qui feraient peser une lourde responsabilité sur l’administration, le rectorat et le ministère, dont le mutisme assourdissant serait d’autant plus coupable. Les syndicats enseignants doivent exiger que toute la lumière soit faite sur cette tragédie, et que les ministres de l’Education nationale, comme les élèves, rendent hommage à ce professeur et se demandent non seulement s’ils n’auraient rien pu faire pour prévenir ce drame, mais surtout ce qu’ils pourraient faire pour en éviter d’autres. Car contrairement aux assassinats, les suicides dus à une trop grande souffrance au travail ne sont pas une fatalité.

La liste s’allonge. On pense à Christine Renon, directrice de l'école maternelle de Pantin, qui s’est suicidée le 23 septembre 2019, après avoir écrit à sa hiérarchie une lettre dénonçant ses conditions de travail. Ou à Pierre Jacques, professeur d'électronique au lycée Antonin-Artaud à Marseille, qui a mis fin à ses jours le 1er septembre 2013 après avoir déploré dans un courrier à ses collègues que « le métier tel qu'il est devenu » ne lui était « plus acceptable en conscience » : il dénonçait notamment « la réforme faite à la hussarde » de l'ex-ministre de l'Education nationale Luc Chatel, le « viol » de « l'esprit du baccalauréat » et la mise en place d’une « concurrence entre les enseignants mais aussi entre les établissements ». Quid des lettres du Professeur de physique-chimie du Lycée de l’Arc ? Quid de son nom, qui n’a initialement pas été communiqué, entravant notre devoir de mémoire ? S'agissait-il de respecter une éventuelle volonté de ses proches, ou y avait-il une forme d’omerta ? La réponse n'a guère tardé.

Un mois après ce décès tragique, son nom a été divulgué par ses proches, qui ont porté plainte auprès du procureur de la République de Carpentras et publié le communiqué suivant :

« Jean Magerand, professeur agrégé au lycée de l'Arc à Orange, était passionné par la physique et son enseignement. Son suicide le 16 mars dernier, précisément sur son lieu de travail dans la salle de TP, est un signal évident de sa détresse professionnelle extrême. Étant donné les éléments dont nous disposons, nous avons porté plainte auprès du procureur de la République de Carpentras. Par notre action, nous souhaitons qu'un tel drame ne puisse jamais se reproduire. »

JPEG - 59 ko
Jean Magerand

Les syndicats enseignants, qui tirent la sonnette d’alarme depuis des années sur la dégradation de leurs conditions de travail, une gestion des personnels de plus en plus autoritaire, la réformite aigüe (entre le « Pacte », l'intervention de Professeurs des écoles en collège, la découverte des métiers en 5e, prélude à un tri social de plus en plus assumé et la réforme de la voie professionnelle, la rentrée 2023 est celle de tous les dangers), la casse du baccalauréat et l’absence d’une médecine du travail et de prévention digne de ce nom, doivent saluer la mémoire de leur collègue et se joindre à la fois au deuil et à la demande de justice —et la première étape serait de publier son nom, ce qu'aucun d'entre eux ne semble avoir fait à ce jour, pas même via un simple tweet. Ils doivent exprimer leur tristesse, mais également leur colère. La souffrance des enseignants doit enfin être reconnue, et toutes les mesures doivent être prises pour non plus l’aggraver, mais l’alléger. Les reconnaissances d’accident de service dans l’Education nationale sont un véritable parcours du combattant qui en dissuade plus d'un (et le fait que des éléments censés être protégés par le secret médical doivent être transmis par la voie hiérarchique, et donc devenir de notoriété publique dans l'établissement d'exercice, y est probablement pour beaucoup), et les condamnations pour harcèlement moral des directions « au management à poigne » restent bien trop rares au vu de la réalité du métier —sans parler du fait que c'est l'Etat qui est condamné, et non les auteurs de harcèlement, et que la seule « satisfaction » possible est d'obtenir la mutation des chefs d'établissement coupables, victoire à la Pyrrhus qui ne fait que transporter le problème d'un point à un autre ; la révocation de tout poste de direction, et le retour au statut d'enseignant, devraient être le minimum en pareils cas, et la révocation pure et simple ne devrait plus être illusoire.

Il y a tout à craindre que l’arrivée de Gabriel Attal rue de Grenelle, loin d’améliorer les choses, ne fasse que les empirer. Les syndicats enseignants doivent rester vigilants, et apporter tout leur soutien aux personnels et à l’ensemble des membres de la communauté éducative.

Adieu, Monsieur le Professeur.


Moyenne des avis sur cet article :  2.19/5   (21 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • Sirius Grincheux 23 octobre 2023 09:37

    « Il y a tout à craindre que l’arrivée de Gabriel Attal rue de Grenelle, loin d’améliorer les choses, ne fasse que les empirer. »

    Vos craintes semblent justifiées : il règle les problèmes en effaçant leur énoncé.



    • njama njama 23 octobre 2023 13:01

      @Grincheux
      Que s’est-il passé au juste ? les médias ne sont guère explicite, à part répéter que 183 élèves seront « exclus après signalement en marge de la minute de silence »...
      « ne reviendront pas tant qu’un « conseil de discipline » n’aura statué sur leur sort. »

      En conseil de discipline l’élève peut se défendre, car la décision est collégiale, on applique du droit pas juste une remontée de bretelles pour manque de respect, ou contestations ?
      Tous les conseils de disciplines ne vont pas valider des exclusions... vu que ces 183 élèves (sur paraît-il 500) sont éparpillés un peu partout en France... et que les profils des perturbateurs / contestataires seront tous singuliers.
      Sauf punition collective, mais Attal a des p’tits bras ce n’est pas dans ses prérogatives de ministre de l’Éducation nationale, on est dans un état de droit.


    • njama njama 23 octobre 2023 15:15

      Attal signale 0,000035% des lycéens et collégiens comme radicalisés

      Sur ces 500 incidents, 183 donnent lieu à une suspension immédiate en attendant un conseil de discipline, et 175 donnent lieu à un signalement au Procureur. Voilà donc, bon an mal an, 0,000035% de nos élèves déférés devant le Procureur. C’est à la fois énorme et insignifiant. Énorme, parce qu’une saisine du Procureur est tout sauf anodine, et indique que plusieurs dizaines d’élèves présentent un cas suffisamment grave pour appeler à un suivi judiciaire. Insignifiant, parce que nous sommes ici bien loin de la “guerre civile” évoquée régulièrement par des Cassandre de la haine.

      Reste à savoir si le Ministre va finalement lâcher ces radicalisés dans les rues en leur interdisant de fréquenter l’école, ou bien s’il a pour eux une solution plus rassurante que l’exclusion pure et simple.

      https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/10/23/attal-signale-0000035-des-lyceens-et-collegiens-comme-radicalises/


      • christophe nicolas christophe nicolas 23 octobre 2023 20:45

        Cette affaire est bien étrange...

        Il y a trois vocations honorables bien connues sur terre pour ne pas se laisser bouffer par Satan.

        • Qui est comme Dieu ? (Dieu vainc par l’exemplarité)
        • Dieu est ma force (Dieu annonce c’est à dire que votre justification contre les enfumeurs arrive)
        • Dieu guide (livre de Tobit qui fait un beau mariage) 

        Si ça ne vous satisfait toujours pas, trouvez vous un autre ange gardien au lieu de vous suicider, par exemple, Dieu est ma lumière qui est une variation adaptée aux professeurs qui recherchent les lois de la nature.

        Toiser les méchants est possible mais en leur montrant leurs erreurs, jamais par le suicide qui est une provocation. Si vous n’avez pas la science qui vous permet de toisez les hypocrites alors référez vous ou priez « Dieu est ma lumière ».


        • christophe nicolas christophe nicolas 23 octobre 2023 20:54

          Pour les règles orthographiques et grammaticales, c’est plutôt l’archange Saint Michel...

          Et n’oubliez pas, afin de toiser les malfaisants au lieu de vous suicider :

          Dieu n’a pas de corps, lui dit-Il : Il est lumière... Notre Trinité est lumière. Une lumière illimitée. Source d’elle-même, vivant d’elle-même, opérant en elle-même. L’univers n’est pas aussi grand qu’Elle est infinie. Son essence remplit les Cieux, glisse sur la création, domine les antres infernaux. Elle n’y pénètre pas - ce serait la fin de l’Enfer - mais les écrase. Son rutilement est béatifique au Ciel, consolateur sur la Terre, terrifiant en Enfer. Tout est triple en Nous. Les formes, les effets, les pouvoirs. 


          « Dieu est lumière, d’une lumière immense, majestueuse et paisible : un cercle infini qui embrasse toute la création, de l’instant où il fut dit : Que la lumière soit[5]. Il continuera à embrasser ce qui en restera dans sa forme ultime avec ceux qui seront, dans le Ciel, éternels avec lui. 

          À l’intérieur du deuxième cercle, produit par l’opération des deux premiers cercles, il y en a un troisième. Sa lumière est encore plus vive et vibrante. C’est l’Esprit Saint : Amour que produisent les rapports du Père avec le Fils, intermédiaire entre les Deux et conséquence des Deux, merveille des merveilles.

          https://www.maria-valtorta.org/Thematiques/Trinite.htm



        • zygzornifle zygzornifle 24 octobre 2023 08:12

          Quand on meurt on arrive a la fin de son CDD sur terre, quand on se suicide on fait un abandon de poste ....


          • zygzornifle zygzornifle 24 octobre 2023 08:13

            Pap Ndiaye s’est distingué par son mutisme assourdissant

            Ce mec est une sangsue .....


            • Vivre est un village Vivre est un village 8 novembre 2023 09:17

              Plus de six mois après le suicide d’un Professeur sur son lieu de travail, une forme d’omerta persiste. Pap Ndiaye s’est distingué par son mutisme assourdissant. A part la presse régionale, aucun média n’a publié le nom de cet enseignant. Il en serait allé tout autrement avec un policier. Les interrogations et inquiétudes demeurent, et la nomination de Gabriel Attal ne fait rien pour les dissiper...

              Jeudi 16 mars au matin, au Lycée général et technologique de l’Arc à Orange, dans l’Académie d’Aix-Marseille, une agente d’entretien a fait une découverte macabre : le corps sans vie d’un Professeur de physique-chimie. Agé de 58 ans, agrégé, il était en poste depuis 2018 dans l’établissement, et s’est donné la mort en s’électrocutant dans sa salle de classe. Il aurait laissé deux lettres, dont l’une adressée aux pompiers & les enjoignant à bien couper le courant avant de toucher son corps. Consciencieux jusqu’au bout.

              AYONS LA CONSCIENCE DE NOUS INDIGNER... 

              A bientôt.

              Amitié.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité




Palmarès



Publicité