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Sujétion Expérimentale

A propos de transhumanisme, d'hybridisme et de féminisme, il existe une fiction pas piquée des hannetons. Signée par l'auteur Joyce Carol Oates et publiée en 2018, elle s'intitule Le Sujet Expérimental.

Joyce Carol c'est un auteur qui vous raconte des trucs un peu glauques et vous aide à passer une heure ou deux en hiver, quand tout gèle autour de vous. C'est du vintage, mais mis en bouteille dans les années 20 du 3e millénaire.

Née à New York en 1938, JCO se revendique comme "féministe et antiraciste". Á lire sa nouvelle, on se demande si elle ne serait-elle pas malgré tout un tantinet grossophobe ? Et même un tout petit peu raciste ? Voire anti-Middle West et anti-middle class ?

Le Sujet Expérimental est une intéressante nouvelle qui relate les différentes étapes d'une expérience d'hybridation entre l'homme et l'animal, ou plutôt la femme blanche et le singe, avec en tiers un amant malgré lui, chargé d'incarner le stéréotype du chercheur en sciences asiatique : travailleur, compétent, discret, calculateur, efficace. Un peu "escort" aussi sur les bords l'assistant suborneur, menteur avec effort, docile à la hiérarchie. Il ne s'encombre pas trop de principes éthiques, mais reste soucieux de sa réussite personnelle dans le domaine scientifique.

La fin justifiant les moyens, l'important c'est le couronnement de l'expérience, quelle qu'elle soit.

Cette morale adoptée par l'assistant chercheur soutient le sacrifice de sa personne vouée à (dés)honorer une cobaye humaine à plusieurs reprises dans le but de lui faire croire qu'il est le père du foetus qu'elle est destinée à porter. Une telle mystique d'"inglorious bastard" lui permet de surmonter son immense répugnance à approcher la victime et à commettre sa part dans un crime en bande organisée.
Part sordide qui consiste à séduire la proie au baratin, puis l'entraîner dans un studio, la gratifier d'un rapport furtif, lui administrer un somnifère à son insu, et enfin féconder à la seringue la cobaye comateuse avec l'ADN visqueux d'un chimpanzé.

On demanderait à ce chercheur dévoyé d'avoir des rapports avec la guenon prévue au départ pour servir plus tard de nourrice au monstre attendu, qu'il n'éprouverait pas moins de dégoût. Mais il fait partie du plan, il cherche une reconnaissance sociale dans son champ professionnel, et il s'exécute. Lui aussi, payant de sa personne, est donc abusé quelque part.

Il n'est qu'un assistant jetable dont la carrière dépend en tous points de son supérieur hiérarchique : le directeur de recherche du laboratoire, instigateur, organisateur et contrôleur de l'expérience. Ce mandarin est acharné, tout puissant, sans aucun état d'âme, outrecuidant et sadique au point de se faire prendre en photo de famille avec la cobaye tout sourire, laquelle, enceinte (pleine ?), se figure qu'elle l'est des œuvres de son suborneur. Derrière elle, le singe en cage. Les deux pères du monstre humanoïde en gestation sont là, sur la photo : celui qui l'a "conçu" et celui qui a fourni les gamètes.
Même l'assistant complice trouve alors, sans le dire, que son supérieur en fait trop.

Les motivations du directeur ne sont pas nécessairement financières. Faire naître un spécimen raté en marge de la Création lui procure un sentiment de puissance, comme une revanche de vieux faune sur les dieux de l'Olympe. Il ressemblera bien quelque part à son concepteur, ce Frankenstein, pense-t-il dans ses tréfonds obscurs, et ça lui fait bien plaisir.

Tout au long de sa nouvelle, Joyce Carol accablera une petite jeune fille d'Américains moyens, présentée comme insignifiante, jusqu'à en faire cette victime sacrificielle pâmée, outragée par toute une bande qui lui conte fleurette en pensant pipette, et la traite à la douche écossaise par un dosage infligé d'indifférence interminable et de brèves attentions soudaines, technique typique des pervers.

La subornée en souffre, tant mieux, pense l'auteur qui paraît exercer une vengeance personnelle sur ses héroïnes de roman, qu'elle dépeint en général fort antipathiques, voire repoussantes.

Il faut dire qu'un des arrière-grand-pères de Joyce Carol se suicida, un grand-père fut assassiné. Sa grand-mère maternelle survécut à une tentative de meurtre par son propre père. Sa jeune sœur, gravement autiste, fut internée sa vie durant. Alors, hein, vous les chanceuses dans la norme, prenez-en pour votre grade.

Le Sujet Expérimental est une énième attaque au-dessous de la ceinture contre la jeune femme supposée blanche et sa famille supposée moyenne. Notre féministe officielle au teint verdissant ne peut s'empêcher d'y aller de son petit viol littéraire en supplément gracieux, quand elle flaire une Blanche-Neige pas vraiment dégourdie.

La famille de Mary-Frances la cobaye, bien que muette et absente du scénario, s'y voit brossée à grands traits, affublée des sempiternels stéréotypes. Elle n'a pas bougé depuis les années soixante. Elle a sûrement voté Trump, lequel a le don de hérisser les cheveux qui s'emmêlent sur la tête de JCO, au point qu'elle s'interdit d'écrire le nom de cet impudent.

Ces parents lamentables ont encouragé Mary-Frances, qui vit loin de chez eux sur un campus, à se tenir à carreau, à observer les principes généraux de la Bible et à éviter de tomber enceinte. Ils sont racistes par supposition accusatoire, n'aiment pas qu'on dévie de la coutume. Comme partout, comme ailleurs, ils n'apprécieraient pas que leur fille épouse un complet étranger.

Bref, des gens grossiers, tatillons et méprisables, tels qu'on les a ridiculisés dans les films et œuvres depuis les années 70, départ d'attaque ciblée sur tout un tas de braves gens.

Un lecteur critique d'un roman de JCO antiraciste Fille noire, Fille blanche tente de cerner le masochisme de ces demoiselles de campus, telles que les campe JCO :

 

"Le combat énergique et vain de Genna (une jf blanche prospère, étudiante et woke) pour plaire à l'antipathique Minette (une jf noire, boursière et woke), est aussi la résultante de son éducation ; un mode de vie où auto-persécution, auto-culpabilité et de nombreux sacrifices personnels ont dominé les pensées. Une pensée de persécution à être né de couleur blanche, une tare dont il faudrait se défaire si cela fût possible. Faute de mieux, une forme de flagellation fera l'affaire..."

"Je sors de ce roman un peu déçue" commentera une autre personne. Car la patience a des limites.

 

Notre Mary-Frances peu brillante, donc réceptive à tous les matraquages et suggestions, ne cherche logiquement pas à revoir sa parenté décrétée infréquentable. Voilà qui arrange bien les affaires des prédateurs aux aguets.

Que lui trouvent-ils à cette héroïne de fast food, ces prédateurs ? C'est une étudiante qui perd son temps dans les amphis, encombre les universités, faute de capacité d'abstraction. Elle voudrait être infirmière, mais il y faut une cervelle. On comprend qu'elle n'a aucune chance de réussir les examens, même pas trop difficiles.

Il vaudrait mieux, selon son séducteur asiatique, qu'elle s'inscrive à des cours woke, faciles à suivre. Il n'y a qu'à écouter/recracher ce que prétend le/la prof woke sur deux ou trois sujets éculés et on se gagne un parchemin, peut-être même un emploi woke bien peinard. Et surtout ça lui éviterait, à lui de perdre son temps à faire du soutien scolaire pour étudiante en difficulté.

 

Physiquement, la pauvre Mary Frances est ce qu'on appelle "un boudin", terme sexiste mais non raciste car le boudin du traiteur a des couleurs attrayantes, reflétant la diversité humaine.

 

Dotée d'une poitrine et d'un bassin de quinquagénaire suralimentée, notre étudiante en rade trottine de façon bizarre sur deux grosses jambes solides.

Elle a un visage qualifié de "simiesque", avec un "groin", de gros yeux bruns brumeux mais candides avec au fond comme une lueur de vie de temps en temps, des cheveux "couleur rouille", une peau molle de teinte "saindoux" assez velue – c'est pourtant rare chez les personnes très blanches – et parsemée de taches, petits boutons, grains de beauté, des cuisses gélatineuses, un ventre volumineux, qui va gonfler productivement au profit du laboratoire de recherche.

On trouve de ces laiderons-là (filles cachées de Régine ?) par ci par là dans les métropoles du monde.

Pour compléter le tableau, la victime s'habille sport pas cher, s'exprime en avalant les syllabes avec un vocabulaire restreint, croit tout ce qu'on lui raconte et donne pour un peu de chaleur humaine sa confiance, son cœur, son corps, son temps et son âme au premier diable à langue fourchue venu.

Elle n'est qu'une étudiante pas douée du Middle West aux réactions automatiques, censée incarner la jeune fille blanche en général, celle que le monde entier nous envie.

On sent tout au long de la nouvelle l'œil expert du maquignon évaluant une génisse. White trash, conclut-il. Bonne pour l'abattoir, après usage.

Cette pauvre cloche de Mary-Frances sera ainsi moins bien traitée qu'une actrice de film porno ou que Julia Pastrana. Son corps étalé appartient aux chercheurs et professeurs en biologie, aux voyeurs et aux sadiques, à un suborneur sans charisme qu'elle écœure, et même à un grand singe qui pourrait lui arracher les deux yeux globuleux qui lui restent pour pleurer.

Aimablement assimilée à un cochon, cette Blanche-Neige des classes moyennes et prolétariennes, c'est notre petite voisine ordinaire, telle que la fantasme ou la voudrait, à travers l'auteur, toute une bande de nains ricaneurs.

Qu'a-t-elle fait pour mériter un tel mépris saccageur, elle et son "engeance", supposée représenter la famille blanche moyenne ?

Rien sauf exister, être ou avoir été. Il faut qu'elle dégage, depuis qu'on lui a claironné jusqu'à l'en persuader qu'elle n'est qu'une sous-espèce inférieure auprès de laquelle les plus laids et les plus tarés se sentiront beaux et fiers. La JF de votre quartier doit devenir "pitoyable" par son fruit monstrueux, un peu comme la jolie trapéziste de Freaks à la fin du film est transformée en handicapée totale, dépendante et dépouillée de tout.

Le Sujet Expérimental suggère ainsi d'exaltantes perspectives : que nos filles, sœurs et amies deviennent des mère Saindoux, nourrices et servantes de chimpanzhommes ou chimpanzhums, matrones d'une lignée d'abrutis grotesques, velus, criards, éphémères et inemployables sur la Planète des Demi-Singes.

Déçus par la chute du récit, nous n'aurons pas l'occasion de savoir à quoi ressemblera le baby de Mary-Frances ni ce qu'il est appelé à devenir.

La fin mielleuse voudrait rattraper le sadisme du narratif mais elle ne présente aucune vraisemblance ni cohérence avec ce qui la précède. Elle laisse la vie à la parturiente, à condition que ce soit une vie de serve auprès d'une semi-bête ; et condamne le pauvre assistant asiatique pris de remords à l'assister à vie et en paria, dans une tâche éducative dégradante. Quant au professeur du laboratoire de biologie, il n'aura plus qu'à recommencer l'expérience avec un autre assistant.

Je me demande comment il se fait que Joyce Carol Oates n'ait pas obtenu le prix Nobel des arts et des lettres.

Une telle prescience, un tel regard sur l'abîme de la Fâme, de la Race, de la Jeunesse, du Laboratoire du Futur, du fabuleux Destin de la Transhumanité !

Une telle femme auteur qui, plutôt que raconter sa bio, choisit de modifier en profondeur le cours du long fleuve tranquille de quelques-unes de ses pâles consœurs, pour en faire un sombre canal où se jettent les égouts !

Décidément, il faut revoir le prix Nobel.

 

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Touche pas à la Femme Blanche

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5 réactions à cet article    


  • Sirius paparazzo 8 décembre 2022 10:07

    La femme blanche a-t-elle une âme ?


    • charclot charclot 8 décembre 2022 17:21

      @paparazzo
      presque...


    • lisca lisca 9 décembre 2022 19:42

      @paparazzo
      Vous avez l’air déçu/
      L’époque est sûrement décevante.
      Mais cherchez bien !


    • Areole Areole 9 décembre 2022 19:20

      Madame, vous écrivez bien.

      Au plaisir de vous relire.

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