Sur la campagne présidentielle : utopie réalisable ou réalisation utopique ?
Quelques réflexions sur l’oxymore politique qui sévit dans le discours...
Quel est le point commun entre un silence éloquent, une obscure clarté, un mort vivant, une douce violence, un bordel organisé, un ennemi intime, un illustre inconnu ou encore... une gauche-caviar et un bourgeois-bohème (je me rappelle à votre bon souvenir) ? Eh bien ce sont tous des oxymores, une figure de rhétorique consistant "à rapprocher deux mots qui semblent contradictoires" (définition de mon Petit Larousse en papier... parce que le Wiktionnaire, c’est bien, mais le papier, c’est doux et ça sent bon !).
Vous
êtes ravis de l’apprendre ? J’en suis certaine - oh ne riez pas ! -
d’autant que l’oxymore est en train de s’imposer comme le nouveau
paradigme rhétorique de nos chers représentants politiques, non
contents d’être passés maîtres en matière de gestion de leur image. Je
n’en crois pas mes oreilles, c’est bien simple, il n’est plus un
discours, un entretien, une déclaration qui ne fasse usage de
l’oxymore, ce jeu de mots audacieux dont usaient à merveille pour
"exprimer l’inexprimable" les Corneille, Molière, Rimbaud, Hugo, Camus
ou encore Manet, appliquant la figure à la peinture cette fois ; le Déjeuner sur l’herbe en est une belle illustration.
Nos politiques se
prendraient-ils pour des poètes ? Il est à craindre malheureusement que
l’oxymore dont je vous parle aujourd’hui n’empreinte moins à l’univers
littéraire et artistique qu’au marketing, avec en ligne
de mire un effet psychologique qui s’apparente davantage à celui visé
par le slogan publicitaire, faire court et marquer les esprits.
C’est ainsi que depuis une
dizaine d’années, on voit fleurir dans la sphère politico-économique
d’aussi brillants oxymores que la croissance zéro pour éviter de dire
la stagnation, le développement durable pour taire toute notion de
consommation prudente, la discrimination positive ou encore le libéralisme raisonné pour faire passer la pilule, quand il ne s’agit
pas tout bonnement de nous faire croire à l’impossible avec des
expressions comme la guerre propre et ses fameuses frappes
chirurgicales.
C’est fou comme c’est
puissant, l’oxymore ! Particulièrement en temps de campagne
présidentielle, où il s’agit de rassembler le plus grand nombre.
Mitterrand, toujours à l’avant-garde de ce genre de pirouette, l’avait
bien compris avec sa force tranquille, largement plagiée aujourd’hui
par Nicolas Sarkozy qui nous vend sa rupture tranquille quand, en face,
on nous promet une révolution douce avec une Royal présidente et
l’instauration d’un ordre juste, à ne pas confondre on l’espère avec
le conservatisme du coeur de W. Bush. C’est fou comme c’est pratique,
l’oxymore politique, qui permet ainsi de marier à l’envi une valeur de
droite et une valeur de gauche, ni vu ni connu je t’embrouille !
Il ne nous reste plus qu’à
espérer que cette campagne gagne en profondeur et que les candidats à
la fonction suprême nous révèlent un peu de leur identité propre, parce
que manifestement sur la forme, ils sont tous interchangeables, et le
renouveau de l’art et de la méthode, que la génération "Ségo Sarko" nous
vante, est discutable... enfin, pour le moment.
PS : Pour ceux que la
politique lasse mais que la poésie réjouit, je vous conseille de vous
laisser tenter par la prose "aigre-douce" d’Obni et son Oxymoron du citadin rural qui date déjà de novembre 2004 !
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