Sur la fausse libération de Sakineh
Au contraire : les photos montrant Sakineh apparemment libre dans le jardin de sa maison, où on la voit accompagnée de son fils et de son avocat, ne seraient, à en croire les instances judiciaires de son pays, que le prélude à la reconstitution, certes grotesque mais néanmoins filmée très officiellement par la télévision iranienne, du crime présumé, avec donc, au final, la possible sentence de mort, fût-elle par lapidation ou par pendaison !
Certes pourra-ton toujours condamner de la façon la plus sévère qui soit, avec raison, cette énième et encore plus honteuse mascarade, sur le plan médiatique cette fois, que viennent d’orchestrer ainsi, avec un cynisme défiant le moral le plus élémentaire, les autorités politico-religieuses de la République islamique d’Iran. Mais si confusion il y a donc eu, concernant cette hypothétique libération de Sakineh, c’est que le cafouillage s’est d’abord produit - je le sais de source sûre - au niveau de ces mêmes autorités précisément.
Je m’explique. Les tensions existant à l’heure actuelle, sur le cas Sakineh, entre le pouvoir politique, représenté par le président Mahmoud Ahmadinejad, et le pouvoir religieux, incarné par l’ayatollah Ali Khamenei, guide spirituel tout autant que chef suprême de la Révolution, sont, elles, réelles. Ahmadinejad, mis sous pression depuis plusieurs mois par les gouvernements occidentaux, voudrait, pour améliorer son image de marque et récupérer un semblant de crédibilité démocratique à travers le monde, libérer Sakineh, qui devient pour lui un problème de plus en plus difficile à gérer sur la scène internationale, tandis que Khamenei, le seul aujourd’hui à pouvoir la gracier concrètement, s’y refuse obstinément, soucieux, quant à lui, de préserver intacte la loi islamique (la charia) et, par la même occasion, de brandir publiquement Sakineh à titre d’exemple à ne pas suivre, sous peine d’avoir à endurer le même châtiment.
Oui, telle est bien, hélas pour nous tous, hommes et femmes de bonne volonté, la situation qui prévaut aujourd’hui, aux dépens de la pauvre Sakineh en premier lieu, au sein des plus hautes sphères de l’Etat iranien. Reste à espérer que, de ces importantes contradictions internes, naisse enfin cette fracture tant attendue qui, nous l’espérons, pourra réellement aboutir à la libération effective de Sakineh, pour laquelle nous ne cesserons certes, quoi qu’il advienne, de lutter jour et nuit.
Puisse donc un certain humanisme finir par l’emporter partout, sans exclusive et même à l’intérieur de certains pays prétendument démocratiques, où il se voit aussi sauvagement nié, sinon piétiné !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
* Philosophe, écrivain, promoteur de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes » en défense de Sakineh (pétition européenne et médiatique ayant recueilli, en plus du soutien des plus grands intellectuels français et de 7 prix Nobel, près de 150.000 signatures) et membre du comité international contre la lapidation et, plus généralement, la peine de mort.
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