Sur le banc
Les montagnes enneigées qui entourent la ville brillent sous un soleil étonnant en ce mois de mars, l'air est cependant frais et lumineux. Nous nous dirigeons vers l'abribus pour vérifier l'heure de passage du car. D’après les horaires, il devrait passer dans quelques minutes.
Elle est assise, avec deux gros chiens couchés sous le banc...
Elle nous fait place. Marie qui a peur des chiens et un peu aussi des jeunes avec chiens s'écarte. Je m'assieds. Elle est jeune. Raisonnablement jolie, brune, avec des bas épais, volontairement déchirés. Une fille d'aujourd'hui, un peu de la marge.
La discussion commence sur les horaires des cars, leur régularité... Puis dévie.
« Ces chiens, c'est un peu ma famille. »
En réponse, un tantinet agressif : « Il faut les nourrir... Ça coûtecher. »
Du tac au tac, habile, ironique : « Ils ont du foie gras à Noël ! »
« Vous m'inviterez... Je goûterai à la nourriture pour chien... »
Et la conversation continue.
Elle n'est pas d'ici. Elle travaille, avec un contrat de quelques mois, comme femme de chambre dans une station voisine, avec un salaire légèrement supérieur au salaire minimum hôtelier, pour 44 heures de travail par semaine. Cela semble la satisfaire. Elle peut louer un petit appartement.
Elle vient de Vendée. Elle va ainsi de contrat en contrat, de région en région... en attendant mieux. Elle veut faire ce qu'elle aime bien. S'occuper de chiens. Suivre une formation en dressage de chiens.
« Payante ? » Remarque Marie, interrogative.
« Oui, ce sont des formations pour adultes »
Cela lui permettrait ensuite de s'installer pour aider les personnes qui ont des difficultés à dresser leur chien... Elle aimerait se consacrer au dressage de chiens pour aveugles. Pour se rendre utile. « Vous savez, ils savent même payer... »
Le car arrive. Nous montons. Elle va s'installer au fond, ses chiens avec une muselière artisanale, sous la banquette.
Quand nous descendons, nous nous tournons vers elle et échangeons des signes d'adieu.
Au grand étonnement des quelques rares passagers.
*****
A 17 ans, j'aimais citer Voltaire (?) : « Les hommes ne valent pas qu'on leur parle ». A plus de 77 ans, je trouve qu'il faut parler aux gens. Même si je ne sais pas toujours. Cela aide parfois à ne pas rester idiot.
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON