Sur les enseignants. Il leur sera beaucoup pardonné parce qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent !
Il y a peu, j'ai lu l'article " Un petit nombre de preneurs d’otages – Retour sur la grève des correcteurs du bac " de Jordi Grau, publié sur AgoraVox le samedi 20 juillet 2019 puis les réactions qu'il a suscité. Beaucoup de celles-ci présentent comme arguments documentés, pertinents, affutés : " Si ces imbéciles d’enseignants, " ; " En effet, une jolie bande d’abrutis " ; " Zerro (tel quel) lamentable et en plus vous fanfaronnez " ; " D’ailleurs le terme « profs » finit par faire rire !!! Ces gugus sont payés pour instruire " ; le verbatim se trouve à la fin de l'article.
Aussi m'a-t-il semblé judicieux de soumettre à la sagacité des auteurs de ces réactions, quelques informations pour enrichir leur analyse.
Après avoir fustigé, insulté, méprisé ceux que vous ne connaissez manifestement pas bien, par probité, voulez-vous en savoir un peu plus sur eux pour reprendre le débat sans chimères ?
Les enseignants du second degré (et à fortiori du supérieur) sont les meilleurs spécialistes dans leur matière : aucun ingénieur n'a le niveau d'un étudiant en master de mathématiques par exemple (ce qui est normal, les buts étant différents, mais ce qui donne un critère de comparaison sociétale objectif) ; les professeurs de langue ont non seulement un très haut niveau de pratique mais aussi une excellente connaissance de la littérature du pays ; de même dans toutes les matières qui nécessitent des études universitaires longues.
Ceci démontre que notre système éducatif apporte un très haut niveau de qualification et d'érudition.
Comme le fait que nos chercheurs, nos ingénieurs, nos informaticiens soient très appréciés dans beaucoup de pays d'un haut niveau technologique.
Alors, que mettent en évidence les évaluations internationales ?
Notre système éducatif amène une partie des élèves et étudiants jusqu'à des niveaux d'excellence, jusqu'à obtenir plusieurs médailles Fields, nombreux prix Nobel, physique, chimie, médecine, etc.
Mais il ne parvient pas à réduire la proportion d'environ 20% à 30% des élèves en très grand échec scolaire frisant parfois l'analphabétisme. Ce qui pèse sur la performance mesurée.
Et donc la conclusion de ces évaluations est que le système creuse les inégalités au lieu de les diminuer.
J'ai été professeur de mathématiques pendant 30 ans et personnel de direction pendant les 11 dernières années de ma carrière.
Parmi toutes les initiatives élaborées en plus des programmes officiels par des dizaines de milliers d'enseignants et dont on pourrait remplir des dizaines de livres si on voulait les décrire toutes, j'en évoquerai deux auxquelles j'ai pris une part prépondérante.
Cette année-là, un certain nombre de parents avaient choisi de faire passer leur enfant en 4eme contre l'avis de la majorité du conseil de classe pour qui : "il n’a pas le niveau, il ne passe pas ! "
Et quoi, il attend l’âge de la retraite là ?
A la fin de leur cinquième, pour ces élèves, nous avions créé une classe 4eme / 3eme en trois ans avec retour dans une 3eme ordinaire la dernière année. Ma collègue de français et moi en maths, responsables et animateurs du projet, organisions un bilan mensuel avec les élèves, leurs parents et les collègues disponibles entre autres innovations et ce avec beaucoup de succès. 15 élèves inscrits, 15 élèves qui passeront en seconde. Et nous étions en REP, devenue ambition réussite, etc.
Une autre année, nous étions tombés sur deux classes de 6eme chargées et intenables. Pour l'année suivante l'équipe de professeurs composée des deux professeurs de français et de moi-même en mathématiques pour les deux mêmes classes devenues 5eme, nous avons regroupé deux heures dans chaque matière pour mettre en place un atelier de jeux dramatiques et de théâtre, un après-midi de 3 heures par semaine toute une année.
Au passage vous avez compris qu'on prenait 2 heures sur nos cours et qu'on donnait une heure bénévolement, en plus de toutes les heures d'organisation et de concertation absolument toutes gratuites. Les problèmes d'indiscipline grave et d'agitation ont disparu au cours de l'année au grand soulagement des autres professeurs en charge de ces classes dans les autres matières, des parents concernés, des élèves travailleurs. Et bien sûr, mes deux collègues et moi avons dû couvrir le programme scolaire prévu.
Je le répète, de telles actions ont été mises en place par des dizaines de milliers d'enseignants avec autant de dévouement et souvent de bénévolat depuis des dizaines d'années.
Vous me direz peut-être que ceux dont je parle là sont les bons profs mais qu'ils ne sont pas tous comme ça.
Comme personnel de direction, je peux témoigner qu'être "un bon prof" dépend d'innombrables facteurs qu'on ne maitrise qu'en partie. Deux exemples.
Je me souviens d'un professeur agrégé avec beaucoup d'ancienneté, félicité et distingué par un recteur d'académie pour son travail dans un grand lycée pénible d'une autre région. Arrivé dans le collège difficile où j'étais principal adjoint, la première année il a eu toutes les peines du monde à tenir ses classes de sixième !
A contrario, dans ce même collège difficile, j'ai vu une jeune collègue débutante pleurer dans mon bureau ou dans celui des CPE toute sa première année. Avec le soutien et les conseils de toute l'équipe pédagogique elle a repris les choses en main l'année suivante. Quand je suis parti au bout de mes 9 ans de direction elle y était encore, solide et efficace.
Alors je confirme. On peut être un soi-disant « bon » prof une année, dans un établissement et moins bon ailleurs ou plus tard, voire plus bon du tout.
Une vie de prof en collège c'est : pendant 1 ou 2 années on met en place la réforme du dernier ministre nommé ; l'année suivante on attend celle du nouveau ministre qui vient d'être nommé ; et on recommence. Tous les 4 ans, changement des programmes. D'abord la première année en 6eme, la suivante en 5eme, 4eme, 3eme et on recommence. Tout le travail d'adaptation sur son temps "libre".
Quand j'entends certains dire que les profs ne se renouvellent pas, je sais qu'ils n'y connaissent absolument rien.
Un professeur certifié assure un minima de service de 18 heures de cours devant élèves. Après il assure les préparations, évaluations, corrections, réunions parents-profs, entretiens particuliers avec les parents, conseils de classe, conseils d'enseignement, conseils d'orientation, pour certains conseil(s) de discipline ou conseils d'administration, formations continue ou didactique ou pédagogique ou méthodologique, organisation de sorties, de visites, de voyages, animation des activités périscolaires dont certaines pendant les vacances scolaires (genre école ouverte) et j'en passe, la plupart relevant du bénévolat ou quasiment.
Et tout ça pour un salaire dont l'évolution est prévue et fixée sur 30 ans avec au départ guère plus élevé qu'un SMIC et à peine 2 O00 euros en milieu de carrière. Un professeur certifié est recruté après un master, 5 ans, réussite au concours et un an de stage de professionnalisation.
Ce métier exige un dévouement sans bornes et beaucoup d'estime pour les élèves sans quoi on ne peut pas l'apprécier et encore moins le supporter.
Prof, c'est tout ça et encore bien plus !
Vous pouvez reprendre le débat maintenant que vous en connaissez un peu les bases, un peu seulement. Pour en savoir plus il faudrait vous mettre devant certaines classes, quelque temps.
Opportunément, pourquoi ce statut des fonctionnaires ?
La garantie d'emploi des fonctionnaires c'est d'abord l’intérêt et la protection des citoyens parce que la garantie d'emploi des fonctionnaires c'est la seule garantie d’un traitement égal de tous les français par l'état.
En effet un fonctionnaire ainsi protégé peut résister aux pressions qu'il pourrait subir. Un juge, un policier ne plieront pas devant un puissant. Un enseignant ne se soumettra pas à une idéologie. Un fonctionnaire des finances, un douanier ne céderont pas à un riche. Etc.
Au service du public, conformément aux lois et règlements, indépendamment des pouvoirs.
Plus de fonctionnaires protégés par leur statut c’est la porte ouverte à tous les abus.
Ne soyez pas stupide, ne vous tirez pas une balle dans le pied !
Verbatim des extraits des réactions avec les fautes d'orthographe d'origine de certains de ces donneurs de leçon mais pas de leçon d'orthographe en particulier lexicale :
"D’ailleurs le terme « profs » finit par faire rire !!! Ces gugus sont payés pour instruire (ils nous le râbachent suffisamment) alors utilisons le terme « instructeur » ça suffit AMPLEMENT...La tour d’ivoire a pris de l’altitude depuis qqes décennies dites donc !!! "
" Si ces imbéciles d’enseignants, ne sont pas content de la politique de leur employeur, ils n’ont qu’a se barrer et dégager.
Un résumé des valeurs des auteurs, l’irresponsabilité, l’incompétence, la politisation de leurs profession, simplement une étique comportementale lamentable ...
Un texte qui en dit long sur l’incapacité de ces enseignants a faire le job vu qu’eux même sont incapables de faire un texte clair comme cet article. "
" Vos résultats sont MINABLES et vous êtes responsable d’un désastre éducatif.
Zerro lamentable et en plus vous fanfaronnez ! "
" En effet, une jolie bande d’abrutis !!! Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne font jamais parler d’eux par leurs performances, en bon derniers de l’OCDE !!! Ils ont en plus la bêtise profonde de la ramener, en prétextant je ne sais quel souci pour le bien des élèves, c’est un comble. Gonflés les types !!!
« Centrés sur leur nombril » ...Un nombril gigantesque, "
Il leur sera beaucoup pardonné parce qu'ils ne savaient pas de quoi ils parlaient et certains, comment ça s’écrivait !
49 réactions à cet article
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