Surmédiatisation du Chikungunya : avis d’un Réunionnais
Titre un peu provocateur, je le concède... Le but de ma démarche ? Simplement la réaction d’un Réunionnais à tout ce que l’on entend, ici et là, la plupart du temps en total décalage avec la réalité quotidienne sur l’île.

Tout d’abord, je me présente : sous le pseudo de Jack_enko, j’écris depuis quelques semaines des papiers sur les manifestations culturelles qui se déroulent à La Réunion. D’ailleurs, en simple aparté, inutile de vous dire que les artistes nationaux ont déserté la place, et ont tous annulé leur rancard avec l’île (Sauf Alexis HK, voir article ici). Mon but de rédacteur à Agoravox est d’offrir aux internautes, bien majoritairement métropolitains, une vision culturelle de La Réunion, surtout en ces temps compliqués pour nous autres frappés d’anathème.
Pour commencer proprement à rentrer dans le débat que j’espère instauré, ou du moins pour éveiller une certaine prise de conscience, il faut savoir que le chikungunya, on vit avec lui à La Réunion depuis plus d’un an. En effet, cela ne fait pas seulement trois mois que l’île est touchée. Le calendrier « aèdesque » n’a pas débuté à la date où les médias se sont saisis de l’histoire. D’ailleurs, pourquoi s’être saisi, au terme de pratiquement une année, de ce qui était à la base presqu’un simple fait divers ? Plusieurs choses en sont la cause : les dirigeants de l’île (conseil général entre autres) ont sous-estimé l’ampleur que pourrait prendre un tel virus quand l’été, période de prolifération pour les moustiques, allait arriver. Qu’ont-ils fait, une fois que c’était trop tard ? Que le virus se démultipliait sur les Réunionnais (d’ailleurs, ceux-ci sont on ne peut plus mécontents de leurs dirigeants) ? Appel au secours à la Métropole. Mais, en général, ce genre de relation entre l’île et son giron se fait en toute discrétion. C’était sans compter sur les médias, qui ont pris l’affaire par les cornes, pourrait-on dire. Ce n’est pas là-dessus que ma critique va être formulée. C’est le travail des médias d’informer ses concitoyens. Mais quelles informations avaient-ils réellement à fournir, si ce n’est des chiffres ? Personne ne savait à La Réunion la réelle ampleur de l’épidémie, ni surtout le réel danger de ce virus pour toute personne affectée. Les médias ont, comme bien souvent, noirci le tableau sur des morts qui ont indirectement décédé des suites du chikungunya (c’est-à-dire que ces personnes seraient, dans 95% des cas, mortes des suites d’une grosse fièvre émanant de n’importe quelle maladie). Les chiffres des personnes infectées ? Là-dessus, un petit éclaircissement réunionnais : depuis trois à quatre mois, vous allez chez le médecin prétextant un mal de tête et un peu de fièvre. Son diagnostic ? Chikungunya. Véridique. Je crois également que depuis quelque temps, la peur du virus fait vendre. En effet, chikungunya et H5-N1 sont extrêmement vendeurs, car ils sont arrivés à maturité médiatique quasiment au même moment. Maintenant, c’est le CPE qui est au devant de la scène... Tant mieux ! Et pourquoi ça ?
Les médias ont tout simplement anéanti une économie qui avait pour base le tourisme. Ici, toutes les petites entreprises liées de près ou de loin au tourisme sont en train de mettre la clé sous la porte : loueurs de voitures, hôtels, gîtes, mais aussi des particuliers, les loueurs de meublés de tourisme par exemple. L’effet boule de neige est irréversible ; pour exemple, une petite PME de réparation climatique qui avait comme clients des hôtels, eh bien elle aussi fait faillite, ainsi que son fournisseur de pièces détachées, et que son garagiste qui avait l’habitude de réparer sa fourgonnette. Je pense que vous aurez saisi le caractère vicieux de la chose.
Aujourd’hui, l’économie réunionnaise est au plus bas... Pourtant, depuis près de trois semaines, l’épidémie recule, phénomène sans doute dû aux nombreuses démoustications, mais également tout simplement à la spécificité d’une épidémie qui, après avoir connu un pic, retombe inévitablement. Le chikungunya donne de la fièvre pendant un temps pouvant aller de deux jours à une semaine. Pour certaines personnes, il cause des rhumatismes sensibles d’une semaine à deux mois, ainsi que des allergies cutanées d’environ une semaine. Aux Antilles, il y a la dengue, plus dangereuse apparemment que le chikungunya... Personne n’en parle... Sur ce point, je pense que les médias ont été muselés par l’Etat qui ne veut pas, en quelque sorte, que recommence la même erreur, car cela lui coûte cher : 80 millions d’euros d’aides (d’ailleurs, on se demande toujours où elles sont parties), et aussi 25% de moins de consommation d’essence à la pompe (et ça, pour l’Etat, laissez-moi vous dire que ça fait mal). La cause d’une telle baisse de consommation d’essence ? Souvenez-vous plus haut, les loueurs de voitures qui n’en louent plus une.
Est-ce que les médias ont informé de la diminution des chiffres relatifs à l’épidémie de chikungunya ? Je n’en ai pas eu vent pour ma part. Vont-ils, une fois le problème réglé, reparler à nouveau de l’île en informant clairement la population de la fin de l’épidémie ? Je l’espère, mais vous m’accorderez le droit de penser que, comme bien souvent (si ce n’est tout le temps), une fois qu’ils ont bien vendu sur une catastrophe, rien ne sert de revenir dessus quand tout va pour le mieux, car ce n’est pas très juteux, comme marché.
Voilà, mon pamphlet est terminé. Je tenais juste à rétablir deux ou trois petites choses, et surtout à donner un avis personnel et surtout réunionnais sur le problème du chikungunya. L’île est merveilleuse, peut-être le savez-vous, si vous êtes déjà venu nous voir ici. Ce n’est pas parce que des médias l’ont démolie un temps qu’il faudra l’oublier.
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