Suspendus - Renouer les fils du dialogue
L’histoire pourrait paraître bien anodine : la rencontre, puis très vite la confrontation orageuse entre une écorchée vive de 20 ans (Louise) et un homme de 40 ans son aîné, gay et solitaire (Jean-François)...Et pourtant...C’est d’une rencontre rare, de celles dont on peut dire qu’elles ont modifié radicalement le cours d’une ou plusieurs vies, dont il est question ici.
Au commencement, ce sont deux visions du monde, construites, presque déshumanisées, qui s’affrontent sur le plateau. Une génération, née de la dernière pluie radioactive, pointe son doigt accusateur vers la précédente, ces baby-boomers, enfants choyés de l’Histoire pourtant devenus amers face à la dissolution de leurs idéaux. Que peut-il bien pousser sur ces décombres idéologiques, écologiques, sociaux ? À quoi bon espérer ? Sans parler de cette maladie qui gangrène les relations amoureuses...À quoi bon vivre ? Les mots cinglent, radicaux, parfois cocasses, jusqu’au point de non-retour.
Alors seulement, ce sont deux individus qui commencent à s’incarner, à se parler et s’écouter, créant ainsi l’espace du dialogue. L’émotion, soutenue par une musique originale et une scénographie signifiante, devient presque palpable...Jean-Claude Falet (Jean-François) semble parfois désemparé face à son personnage, une approche fragile qui le rend admirable, quant à Helena Soubeyrand (Louise), explosive, vraie, elle fait preuve d’un génie dramatique que l’on voudrait voir plus souvent à l’oeuvre sur les scènes françaises !
Le texte d’une beauté tragique au départ, se fait poésie, en évitant toujours l’écueil des bons sentiments. Garanti sans moraline. À voir, à vivre, de toute urgence.
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