Syndicalisme de cirque et classes moyennes en retraite face l’Histoire
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J’avoue ne pas savoir ce qui va sortir de cette libre tribune très improvisée sur les retraites. J’ai bien quelques idées mais vais-je les suivre ? Autant rentrer dans le l’art de dire quelques vérités. Ces syndicats, ma foi, ils me paraissent tel des clowns venus jouer une dernière partie, une farce, une comédie de la rue. A Bordeaux ou Marseille, il y a un facteur six entre le décompte des policiers et des syndicalistes. De deux choses l’une, ou bien les policiers doivent s’équiper d’une paire de lunettes, ou bien les syndicalistes doivent consulter un ophtalmologiste. N’hésitez pas, c’est remboursé par la Sécu. Enfin, pour l’instant et encore, sans mutuelle, je crains que l’addition ne soit lourde. Tenez donc, ce n’était pas prévu, ce détour du billet par les mutuelles. Les gens s’occupent des retraites, mais la France pauvre n’a pas les moyens de s’acheter des verres de correction alors que les nantis de la mutualité se font rembourser des lunettes de soleil avec des montures griffées. Eh oui, c’est aussi ça la France. Une bande de citoyens gâtés qui ne cessent de gémir. Je continue ? Au risque de passer pour un vieux con de droite ?
La manifestation du 27 mai pour la retraite à 60 ans revêt ce côté comique de syndicalistes soucieux de leur ego et de leur narcissisme, pénétré d’un sérieux combatif appliqué à une cause perdue car il faut être bien naïf pour croire que le gouvernement va reculer après ce dernier tour de piste dans la rue qui n’a eu comme objectif réalisé que de permettre à 500 000 Français de se la jouer comme figurants d’une vieille histoire quand le mot lutte des classes avait un sens. La partie est finie. Beaucoup de savent, et beaucoup font semblant de l’ignorer, pratiquant le déni de réalité.
La retraite à 60 ans, ça n’a rien d’universel. Un peu d’histoire pour les amnésiques. Le système des retraites a été institué pour donner aux vieux un revenu suffisant pour qu’ils ne soient pas démunis. Peu à peu, le système des retraites est devenus une source de revenus pour des moins vieux et l’on ne peut condamner ce progrès qui a fait que la vieillesse a pu reculer l’âge de son naufrage et que les travailleurs puissent jouir d’une vie après le travail. Mais il fallait bien financer les retraites qui ne tombent pas du ciel et qui depuis le droit à 60 ans, sont devenues de plus en plus coûteuses si bien que la pyramide des revenus s’est inversée et que, nonobstant les écarts de revenus entre classes, globalement, les jeunes adultes, qu’ils soient actifs ou pauvres, ont des revenus inférieurs à ceux des seniors. Par revenu, on entend plein de choses. Mais pour faire simple, les seniors ont un niveau de vie supérieur à ceux des jeunes. Grâce entre autres au système des retraites.
Les syndicalistes tiennent à la retraite à 60 ans. Leur raisonnement, c’est l’avantage acquis. Oui mais acquis par qui et comment. En vérité, la doctrine des avantages acquis repose sur une comptabilité faisant que ces avantages sont budgétisés en excluant une bonne minorité de ces avantages et donc, parler d’avantage acquis, c’est un peu avoir une mentalité de rentier avec pas mal d’égoïsme. Le Français, qu’il soit riche ou alors des classes moyennes avec les avantages acquis, a une mentalité de rentier. La défense de la retraite à 60 ans, c’est le combat des rentiers des classes moyennes qui lorgnent sur le magot des rentiers du capital. Voilà pourquoi les syndicalistes rêvent de financer les retraites en taxant les revenus du capital. Du point de vue comptable cela se tient mais cela suppose que les exclus restent dans la pauvreté. Les syndicalistes sont comme les politiciens ou les banquiers. Ils laissent crever les SDF, les déshérités. Ils s’en foutent. Avantage acquis mon cul ! Mentalité de rentier, comme il y a une mentalité de rupin à Angers, la ville chantée par Trust.
Les syndicalistes ont trop tiré sur la corde. Mais un peu moins que les classes supérieures et les financiers. Le monde s’assèche. Les petits arrangements vont continuer. La retraite à 62 ans, qui peut prétendre que c’est un drame ? On dirait une société amnésique qui ne sait plus d’où elle vient. Les Socialistes n’ont pas fait que du bien à la France. Ils ont laissé la précarité s’étendre, la pauvreté se répandre. La droite a fait la même chose mais c’est inscrit dans ses gènes. Le travail, avant, une valeur, un moyen de s’insérer, d’avoir de l’amour propre et le sentiment d’œuvrer utilement à la collectivité. Maintenant, le travail, c’est devenu un emploi jetable, mal considéré par les managers qui en demandent toujours plus, et l’on comprend que les travailleurs soient pressés d’en finir avec cette pression. Mais quelque part, on pressent une fuite. On se prend à imaginer un genre humain peu glorieux, fuyant et lâche. La retraite à 60 ans, après moi le déluge.
Le déluge arrivera peut-être. Seront préservés de la ruine les riches en capitaux et les riches en esprit. Au fait, la misanthropie est-elle de gauche ou de droite ? Plus je vieillis, plus je me sens solidaire de la jeunesse, et plus je me sens éloigné de cette jeunesse qui s’égare. Pourtant, le rock space et psyché se porte bien. A vrai dire, j’ai bien l’impression de naviguer dans les marges de la contre-culture. C’est bien pour cela que je m’en tape de la retraite à 60 ans. L’essentiel, c’est la vie, ce qu’on fait de l’existence, comment on se tient droit dans la grande marche de l’évolution humaine et l’héritage qu’on se prépare à transmettre, un héritage spirituel et culturel. C’est cela la marche vers la lumière. La retraite à 60 ans, c’est la revendication des… aurait dit Nietzsche non sans quelque méchanceté. Plus honnêtement, la défense des retraites est le fait des classes moyennes. Ce fait a été masqué par les médias. Et c’est la fin d’une histoire avortée quelque part après 1975. Les classes moyennes auraient dû être les classes révolutionnaires. Elles sont devenues les classes démissionnaires. L’Histoire a échoué, en 2010 comme en 1940.
Qu’on me pardonne d’avoir été si sévère. La vérité n’est pas bonne à entendre. La fin de la retraite à 60 ans symbolise la fin d’une époque de prospérité marquée par l’apogée de l’Etat providence pendant les mandats de Mitterrand. Nous vivons encore dans une ère de prospérité mais pour être honnête, la réalité du déclassement est avérée et cette fronde pour défendre la retraite à 60 constitue une réaction légitime face à un problème mais sûrement pas la solution à ce problème qui n’est pas celui des retraites. C’est la fin d’une époque, et c’est vécu comme un mélodrame social, comme en 1995, quand le déclin est devenu une réalité conçue par les consciences. Et on ne voit pas venir la prochaine époque. Tout est indéterminé, flou… errances et flottements. Alors laissons les comptables gérer la répartition puisqu’il n’y a pas d’autres projets à l’ordre du jour. Le monde occidental bascule lentement avec une accélération soudaine en 2010.
Les comptables ont décidé de régler pour quelque temps les retraites parce que la vie politique est atrophiée et que les options possibles, les débats de sociétés sur le travail, l’activité, la répartition, l’équité, n’ont pas été conduits. Il y avait d’autres pistes, y compris réduire le montant des retraites, notamment en nivelant les pensions. On se serait aperçu des incroyables inégalités entre les retraites des cadres qui vivent longtemps et des travailleurs manuels dont l’espérance de vie est réduite, autant que la retraite. Il y a un tabou dans ce pays qui ne sait plus d’où il vient et ne sait pas qu’à une période de son Histoire, il s’est employé à abolir les privilèges. Les classes moyennes sont moyennes autant en revenu qu’en esprit. Elles sont représentées par des syndicalistes moyens. Pourtant, elles étaient promises à constituer une classe révolutionnaire mais la cupidité et la vénalité ont emporté la société dans son ensemble et les classes moyennes en particulier. Il n’y a plus de révolution mais seulement un long déclin à gérer.
Et si les cadres devenaient la classe révolutionnaire ?
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