SYRIE : quelques éléments du puzzle
Comment savoir qui a eu la tragique initiative d’utiliser des armes chimiques pour exterminer hommes, femmes et enfants à Khan Cheikhoun en Syrie ? Se poser la question est déjà suspecte : a-t-on quelque sympathie pour un dictateur-tortionnaire ? On peut cependant se contenter d’essayer de cerner les objectifs des uns et des autres et les méthodes qu’ils mettent ou pourraient mettre en action pour les atteindre.
Les Etats-Unis ne furent, dans un premier temps, uniquement qu’intéressé par les gisements de pétrole du proche et moyen orient. C’est la raison pour laquelle ils nouèrent des accords « stratégiques » avec l’Arabie saoudite dès 1945 : ceux-ci prévoyaient un accès à l’approvisionnement de pétrole pour les uns et une protection militaire pour les autres. Un changement essentiel survint en 1948 avec la création de l’État d’Israël. L’implantation d’une petite minorité de juifs au milieu d’une mer de musulmans déclencha heurts, conflits et guerres avec l’ensemble des pays de la Ligue Arabe, dont l’Arabie saoudite.
Militairement, l’Arabie saoudite seule est incapable de vaincre Israël, et en est parfaitement consciente. Ceci n’est pas vrai pour l’Égypte et surtout l’Iran. Ce dernier pays de 77 millions d’habitants possède la force quantitative et les technologies nécessaires (engendrées d’une façon endogène) pour inquiéter Israël.
Les guerres fratricides entre sunnites et chiites ne sont apparues avec vigueur que récemment, lorsque les occidentaux s’intéressèrent de près aux réserves locales d’énergies fossiles. Sans entrer dans les détails, qui servent souvent à cacher l’essentiel, les occidentaux firent tout ce qui étaient en leur pouvoir pour diviser, fragmenter, pulvériser les pays du moyen orient en appliquant à la lettre la recommandation de N. Machiavel : « Diviser pour régner ».
Toutes les armes traditionnelles furent utilisées, la seule originalité fut la manipulation massive des informations grâce à de dociles médias devenus hyperpuissants et omniprésents grâce aux nouvelles technologies. La présence supposée d’armes de destructions massives permit d’obtenir le soutien des opinions occidentales qui absorbèrent des faussetés émises par les plus hautes autorités de l’État américain. La guerre n’était plus que militaire, elle impliquait le façonnage des opinions. Le vrai devenait ce qui était cru par le plus grand nombre.
Récemment, un axe Syrie-Iran-Russie s’est constitué pour extirper de la face du monde une organisation terroriste. Cette alliance s’était nouée pour pallier à l’inefficacité de la coalition des occidentaux qui voulaient dans le même temps instituer une Démocratie en lieu et place d’une dictature. Personne des dirigeants pense que l’on peut importer la démocratie comme tout autre banal produit : char d’assaut, mitrailleuses, Rafale, yaourts… Cet argument est lui aussi à usage interne : il faut sensibiliser les foules occidentales et acquérir leur soutien, pour ce faire la défense des Droits de l’Homme est un des nerfs les plus sensibles.
La problématique annoncée par les « Grands » est celle-ci : peut-on outrepasser le droit des Nations ou doit-on dans tous les cas le respecter, même si le dirigeant ultime est peu fréquentable ? Les américains disent oui, les Russes non. Mais la vraie problématique est tout autre : les pays qui ne se mettent pas dans le giron Nord Américain doivent être remis dans le droit chemin. L’appartenance aux féaux implique l’existence d’une démocratie d’opinion dans laquelle l’émotion surpasse la raison, de politiciens qui s’occupent exclusivement des aspects sociaux des sociétés et non de politique, d’entreprises uniquement régies par les marchés. Il faut aussi accepter l’occupation du menu peuple par les plaisirs immédiats, l’installation de réseaux sociaux mondialement installés appelés à se substituer à terme aux États-Nations.
La plupart des pays musulmans n’entrent pas dans le cadre ainsi défini : la présence de leur dieu n’a pas pu être suffisamment effacée par le mercantilisme et la consommation effrénée de tout, y compris des Hommes : c’est un motif supplémentaire pour les combattre. Les Russes encore avides de grandeur entrent dans cette même catégorie.
Des armes chimiques ont-elles été utilisées par Bachar el-Assad ? Si il y avait eu un quelconque intérêt pour lui, il n’aurait très probablement pas hésité. Mais était-ce le cas, étant donné qu’il perçoit parfaitement comment pousser ses avantages ?
Il était urgent de briser l’axe Syrie-Iran-Russie pour montrer que toute rébellion à la mondialisation heureuse et nord-américaine serait matée surtout que le trions avait infligé une cinglant défaite à l’État Islamique État islamique dont chacun s’accorde à penser qu’il a reçu armes et subsides de l’Arabie saoudite au moins à sa naissance. État islamique dont l’idéologie n’est pas si lointaine de celle qui domine en Arabie. En face du trio précédent, celui constitué de l’Arabie saoudite, des Etats-Unis et d’Israël. Ce dernier pays n’apparaît jamais explicitement dans les démonstrations de force ou les conflits mais ne pas tenir compte de ses intérêts lors du déroulement d’un conflit est un non sens. Le bombardement chimique, quel qu’en soit l’auteur, fragilise considérablement Bachar el-Assad rendant inéluctable son éviction. La Russie, suspectée d’aider des criminels de guerre, est encore davantage qu’elle ne l’est mise au ban des Nations. L’Iran se voit isolée et il sera plus facile de trouver un motif exploitable médiatiquement pour créer des troubles dans sa population en dressant les uns contre les autres (un risque nucléaire par exemple). Les Etats-Unis, se posant en « défenseurs des enfants de Dieu », imposent un peu plus leur volonté au reste du monde. Israël voit ses plus proches ennemis un peu plus divisés.
On distingue bien les bénéficiaires du bombardement chimique. Par contre on ne voit pas clairement ce que le trio devenu infernal Syrie-Iran-Russie peut y gagner.
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