« J’observai que quand un grand ruisseau de la Mémoire en approchait un plus petit de l’Imagination, il éteignait aussitôt celui-là ; mais qu’au contraire, si le ruisseau de l’Imagination était plus vaste, il tarissait celui de la Mémoire. » (S. de Cyrano de Bergerac)
Supprimer la mémoire collective dissout la nation, laquelle fait alors place au troupeau. Peut-être est-ce cela que cherchent les meneurs occultes du jeu, aux fins d’assurer plus facilement leur domination sur les ilotes modernes dont ils rêvent ?
Dans la Tradition Arabe, Alexandre est désigné sous le nom de « El-Iskandar Dhûl-Qarnein », c’est-à-dire « Alexandre aux deux cornes » (ou « le bicornu ») ; c’est l’épithète des conquérants « qui ont subjugué les deux extrémités du monde, l’Orient et l’Occident ».
Avant lui, Ram, dont le nom est resté dans l’histoire comme celui d’un formidable perturbateur, eut le même surnom. C’est pourquoi Alexandre est le second vainqueur de l’Asie dans la mémoire des Orientaux.
Au sujet du mot « corne », rappelons qu’il est originellement le nom donné aux hémisphères cérébraux ; quand la corne s’élève vers les lobes frontaux, l’intelligence augmente ; quand elle s’abaisse vers l’occiput, l’esprit s’affaiblit. C’est avec la corne abaissée que seront représentés les démons. On ne représentera les diables avec la corne relevée qu’au Moyen Age et par esprit d’opposition.
Les noms « corne », « crâne », « corniche » ou bien « couronne » (en latin CORONA ; Kether en hébreu), se rattachent à la racine indo-européenne KRN (d’où kronos, kernunnos, etc.) qui exprime essentiellement les idées de « puissance » et d’« élévation » ; dans le mot arabe « qarn » (corne) et les mots hébreux « qérén » (rayon de lumière) et « qâran » (rayonnement, irradiation), dont la racine sémitique proche de KRN est QRN (remarquons que le mot « corne » a aussi pour racine HRN, d’où le mot anglais « horn »), nous retrouvons, d’une part, les idées d’« élévation » et de « luminosité » et, d’autre part, celle de « courbure » évoquant le déplacement circulaire ou l’idée de cycle et, plus ordinairement, de « siècle ». Cette dernière signification entraîne parfois, chez certains, une curieuse méprise, croyant que l’épithète « dhûl-qarnein » appliquée à Alexandre veut dire que celui-ci aurait vécu « deux siècles ». En parlant de cycle, observons que, à l’intérieur même des racines sémitiques, QR et KR se font écho sur les points d’importance fondamentale. En effet, alors que le QR arabe évoque la « mémorisation » (à rapprocher du terme « QR code » actuel) et la « commémoration », le KR hébreu indique précisément « conserver la mémoire des choses » donc « se rappeler », c’est-à-dire « revenir sur soi ».
Dans le cadre du souvenir ou de la mémoire, « Dhikr », en arabe, n’est-il pas un retour que l’on fait sur soi, ce que fait également un cycle ?
Remarquons que « Dhikr » est l’anagramme de « Khidr », personnage aussi mystérieux qu’important de la tradition ésotérique islamique. On le dit « Maître des Afrâd » (les Solitaires).
Notons encore qu’une des « techniques » utilisées pour le travail « intérieur », est désignée en grec par le terme « Mnêmê », « mémoire » ou « souvenir », qui est exactement l’équivalent de « Dhikr ».
En s’abreuvant aux sources limpides de Mnémosyne, Gardienne de la Tradition et de ses filles, les Muses, ou en se rattachant à la « Voie Mariale » des Afrâd, l’être humain peut arriver à s’orienter dans le « Labyrinthe », et même arriver à en sortir.
Dans les Mystères, la danse des jeunes Crétoises imitait les détours du Labyrinthe.
NB : L’atavisme, c’est ce que dans les religions orientales on appelle le Karma (parfois nommée réincarnation (*) ou transmigration), c’est la somme de tous les actes du passé nerveux. L’atavisme, cette suggestion qui nous vient de l’ascendance, et semble être hors de notre conscience actuelle, nous suggère des actions que notre raisonnement n’a pas prévues et pesées, elle fait de nous, au moral, des automates, agissant en dehors du domaine de notre vie consciente actuelle. Les convictions acquises par nos aïeux dans le cours de leur évolution, qu’elles soient vraies ou fausses, nous dominent à notre insu, sollicitent notre adhésion, créent en nous une suggestion que notre moi conscient discute souvent et même rejette comme un facteur d’erreur. La substance nerveuse possède la propriété de garder presque indéfiniment les traces de tout ce qui l’a impressionnée une fois. C’est ce qui explique la mémoire. La moindre de nos actions s’enregistre dans notre substance médullaire et, pour peu qu’elle se répète, s’y grave. C’est pour cela que ce qui est difficile au début devient facile, puis spontané, puis involontaire. Cette loi contient toute l’histoire de la mentalité humaine, elle explique la persistance des habitudes ancestrales.
(*) « le mot sanscrit « Karma », dérivant de la racine verbale « kri », faire (identique au latin creare), signifie simplement « action », et rien de plus ; les Occidentaux qui ont voulu l’employer l’ont donc détourné de son acception véritable, qu’ils ignoraient, et ils ont fait de même pour un grand nombre d’autres termes orientaux. » (R. Guénon, La Gnose, Les Néo-Spiritualistes, note de bas de page)
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