TAP TAP TAP dans tes mains
Le récit d'un sabotage quotidien
Rassurez-vous je ne vais pas vous faire l’éloge d’un tube débile sur lequel je me serais trémoussée cet été, mes goûts en la matière paraissant à certains plus que douteux.
Je ne m’exprimerai pas en tant que pédagogue mais juste en tant que maman.
D'ailleurs, pas besoin d’avoir fait option sigles en ESPE(1) pour comprendre l’absurdité de la situation ! Toutes les absurdités se cachent (sûrement par honte) derrière les sigles inventé peut-être en ESPE ex IUFM(2) ou plutôt à l’ESEN(3) ou par les IG(4) des cabinets ministériels (ou des cabinets tout court). Pourtant celle-là paraissait bien assumée et s’affichait en toutes lettres, je veux parler de « LA REFONDATION DE L'ÉCOLE » et particulièrement de son verset « NOUVEAUX RYTHMES SCOLAIRES À L'ÉCOLE PRIMAIRE POUR MIEUX APPRENDRE ET FAVORISER LA RÉUSSITE DE TOUS ». En français courant ça voulait dire remettre l’école le mercredi matin et introduire les TAP (ah, tiens, un sigle, c’était suspect), sans supprimer ni l’AP(5) ni l’AE(6), ni les PPRE(7). Mais jusque-là je me disais partiale, juge et parti ayant un gagne-pain qui, fut un temps, avait un lien avec la pédagogie, plus fou encore la connaissance, le savoir (cf dictionnaire des archaïsmes). Je décidai donc d’attendre en espérant me tromper sur ce jugement trop hâtif de ce que j’ai qualifié d’absurdité, en politiquement correct on dit une réforme. J’oubliais, on appelle TAP les TEMPS d’ACTIVITÉS PÉRISCOLAIRES (selon d’autres sources ça peut aussi être Temps d’Activités Péri-Éducatifs), temps pendant lesquels on réalise des APC (là ça devient carrément flippant), soit des ACTIVITES PEDAGOGIQUES COMPLEMENTAIRES, waouh, ça calme ! Alors dans notre ville de Brest tout ça se met en place depuis la rentrée, le maire ayant fait allégeance à Vincent Peillon et touché les 50000 euros (pour la communauté bien sûr) sans repasser par la case départ. Je m’égare, je m’égare alors comme je m’exprime en tant que maman (cela s’appelle aussi parent d’élèves) je ne vais évoquer que l’école de mes enfants où, deux jours par semaine, les enfants ont 1h20 de TAP de 15h10 à 16h30.
Fin août les parents ont dû s’engager pour l’année et décider d’inscrire ou non leurs enfants aux TAP, bien souvent par dépit parce que pour l’instant on ne fait pas encore tout comme les Allemands euh… les Allemandes et que, honte aux mauvaises mères, les Françaises n’arrêtent pas massivement leur activité professionnelle pour torcher leur marmots. Voici les informations que nous avions :
- A travers les TAP, la Ville de Brest propose des activités visant à favoriser l’épanouissement des enfants, à développer leur curiosité intellectuelle et à renforcer leur plaisir d’apprendre et d’être à l’école (activités sportives, culturelles, éducation à la citoyenneté, au développement durable, découverte scientifique,…)
- Ces activités sont facultatives, ont un caractère non payant, mais nécessiteNT (c’est moi qui rajoute l’accord) un engagement pour l’année.
- les TAP sont régis par la règlementation encadrant les ALSH. L’encadrement des activités est confié à des animateurs qualifiés conformément à cette règlementation (B.A.F.A., BAFD, CAP petite enfance, licence STAPS,…). Ils proposent aux enfants des activités variées prolongeant l’action éducative de l’école. »
cf :http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Jeunesse_Education/Activites_periscolaires/Fichiers/R%C3%A8glement%20int%C3%A9rieur%20des%20TAP%20rentr%C3%A9e%202013.pdf
Voilà, c’est parti ! Toutes les infos sur le sujet sont venues depuis via les dires de nos enfants alors je retranscris ceux des miens. Les trois premières semaines sont consacrées à la découverte des TAP afin de s’y inscrire selon leurs goûts mais les activités changeront après chaque période de vacances. Il y a basket, athlétisme, développement durable, conseil des enfants, travaux manuels, expériences scientifiques, enquêtes policières.
Au bout de 3 semaines ma sportive de fille (CM2) avait choisi conseil des enfants et travaux manuels quant à mon fils (CP) il me dit avoir choisi les temps et les eSpériances pendant que la mère, elle, entrait en totale désespérance. Heureusement ma grande traduisit (parce que moi les temps ça veut dire imparfait, présent etc.), il s’agissait en fait de l’athlétisme, et oui, on y chronomètre les performances, d’où « les temps ». OK. Total, ça devait commencer la semaine du 23 septembre. Ma fille fait du basket et du développement durable et mon fils fait du basket et il me dit aussi avoir fait des personnages en laine « on fait que des trucs qui sont moches et d’autres qui sont pas moches, c’est super ! ». En arrivant à la maison il sortit de sa poche un magnifique pompon couleur rose layette. C’était le pompon ! Mais non, ils n’ont pas leur choix initial, et alors ? La mère est bien de celles qui pensent qu’on leur demande bien trop leur avis à ces sales gosses. Alors, où est le problème si la fabrication de pompons rose layette vise « à favoriser l’épanouissement des enfants, à développer leur curiosité intellectuelle et à renforcer leur plaisir d’apprendre et d’être à l’école » [enfin on nous fait bien comprendre aussi que ce n’est pas vraiment du temps scolaire car la pérennité de la gratuité n’est pas gagnée]. Alors, qui suis-je pour juger ? Il y a eu assez d’études à grands renforts de chronobiologistes pour apporter la preuve scientifique du bien-fondé de la mesure. Bien sûr il serait malicieux de mettre des bâtons dans les roues à cette merveilleuse idée alors qu’elle vient de se mettre en place. Oui, il n’est pas facile pour le personnel qualifié de faire tourner une école quand tous les instits (à qui on n’a jamais demandé leur avis) ont quitté le navire, alors, ces pauvres qualifiés ont du mal à reprendre le gouvernail et les TAP commencent bien souvent à presque 16h00 (mais bon, ce sont nos enfants, ces pervers polymorphes, qui le disent). Bien sûr il serait mesquin d’affirmer que tous les personnels qualifiés n’ont pas les diplômes sus-cités : B.A.F.A., BAFD, CAP petite enfance, licence STAPS,…(j’en connais au moins un qui m’a avoué se trouver dans les trois petits points mais zut, il travaille dans l’école d’à côté alors ça compte pas), parce que sinon 1- attention la mairie menace subrepticement de rendre les TAP payants, 2- ça serait stigmatisant pour ces pauvres personnels recrutés à la va-vite, plus ou moins qualifiés, au contrat précaire et payés au lance-pierre qui, en temps de crise ne peuvent pas faire autrement que de participer à l’ambition d’une réussite éducative pour le bien de tous.
Les encadrants des TAP devraient, selon les cancans de la sortie des classes, nous rencontrer prochainement lors d’une réunion mais du côté de la mairie, silence radio et, permettez-moi de prédire que ce jour-là aucun des petits soldats du ministère ne viendra répondre à nos interrogations.
Dans le ressenti quotidien, nos gosses ne sont pas moins fatigués et même, pour beaucoup, plus fatigués et la page de lecture est beaucoup plus trouble après le basket qu’en sortant de classe (comme c’est un jour sur deux, on peut comparer). Il est trop tôt pour juger la mesure ? Je me souviens pourtant que des spécialistes, diplômés ceux-là, nous avaient donné le résultat de l’équation avant même de l’avoir posée et ils étaient scientifiquement convaincus de son action bénéfique. Je me permets, sans science ni diplôme, d’en douter. Je sais, je suis mesquine et qui plus est prof dans le secondaire alors je fais partie de ces fout-que-dalle jamais contents même en tant que parents.
Bon alors, il est où le pompon ? Sur la photo certes, mais le vrai, celui de l’expression ? Tout le monde aura compris au moins une chose : c’est le bordel et en tant que personnel compétent le chef des encadrants (un animateur-emploi-aidé recruté l’an dernier pour faire médiateur dans l’école classée ZEP) a mis son point d’honneur à essayer de clarifier les choses. Tous ces petits groupes seront plus faciles à gérer regroupés en deux sous-groupes, mon fils a la chance de faire partie des TAP 2 alors que ma fille (et n’y voyez aucun sexisme de leur part) est inscrite en TAP 1. Je ne suis pas spécialiste du langage SMS mais la lecture à haute voix du sous-groupe me fit sourire de dépit. Il est vrai que pour l’instant il n’existait à ce sujet aucune formation académique !
Conclusion : je suis, et pas uniquement sur les sujets pédagogiques, une arriérée préhistorique avec un portable qui ne prend même pas de photos et à mon retour à l’école l’affiche des groupes TAP avait disparu, peut-être ma moquerie de hier soir y est-elle pour quelque-chose.
Remarque : à la question « elle fait quoi ta fille en ce moment ? » je répondrai elle fait TAP 1. J’espère au moins qu’avec ça au moins ils comprendront un jour l’importance de l’article.
Suggestion : Je ne résiste pas à l’envie de terminer par une note musicale même si, en tant que mélomane incomprise, mon illégitimité sur la question risque malheureusement de faire l’unanimité. J’ai pensé proposer TAP rap ou TAP slam vu qu’un rappeur Passi con qu’ça et sûrement visionnaire avait déjà ébauché le sujet avec
« Dans la vie y a les TAP au fond et les TAP à côté,
Les "TAP’ A un euro ?" ou la TAP à l'arrachée,
…
TAP’A connu ça toi, l'envie d'empocher les patates,
Être à gauche droite face à la mer loin des galères.
TAP’A connu ça, l'envie de t'en sortir distribuer des patates
Des gauches droites avec un air patibulaire »
(Passi Calogero face a la mer)
Formateur non ?
(1) École Supérieure du Professorat et de l’Éducation
(2) Institut Universitaire de Formation des Maîtres
(3) École Supérieure de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
(4) Inspecteurs généraux
(5) dans le primaire Aide Personnalisée qui deviendra Accompagnement Personnalisé dans le secondaire
(6) Accompagnement Éducatif
(7) Programmes Personnalisés de Réussite Éducative
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