Taxe sur les billets d’avion : lettre ouverte à M. Jacques Chirac
Monsieur le Président,
Me permettrez-vous de vous remercier pour la bienveillante réponse [ [1] ] (mais vide de toute substance) que vous avez faite, par délégation, à ma lettre du 27 juillet 2005 [ [2] ], ce qui m’amena à publier un article en date du 25 novembre 2005 [ [3] , et aujourd’hui, à reprendre cette affaire de manière publique ?
Vous allez, à partir du 28 février et pour deux jours, présider une réunion consacrée à la taxe sur les billets d’avion [ [4] ]. Comme je vous le disais dans ma lettre, je crois que vous faites fausse route, une fois de plus ; une fois encore, vous vous obstinez, alors qu’il est flagrant que toute la filière de cette industrie y est opposée, ainsi que la plupart des pays dans lesquels une taxe de cette nature, si elle avait un sens réel, pourrait avoir un effet significatif.
Seule la France défend le projet sur la scène internationale, et ceci, même si 79 Etats (généralement ceux qui devraient en être bénéficiaires) ont apporté en septembre dernier, à New York, leur soutien de principe à cette idée.
L’article mentionné dit que : « Côté français, on affiche néanmoins une confiance inébranlable, et c’est devenu "un sujet central dans le débat sur le financement du développement", souligne un spécialiste du dossier. Et la conférence de Paris doit marquer "le passage à la phase irréversible d’application" ».
Il va de soi, encore une fois, que vous vous faites le champion d’une cause, certes louable et généreuse, mais encore une fois, avec l’argent des autres. Quand on parle de la phase d’irréversibilité que cette conférence est censée consacrer, s’agit-il de celle votée en novembre par le Parlement français, ou bien s’agit-il d’une décision des pays présents (95 dont combien de récipiendaires), dont, comme le souligne l’article, une dizaine, voire le double, vont, durant cette grand-messe, s’engager sur une taxe qui non seulement ne représenterait qu’un montant dérisoire, mais rendrait encore plus difficiles les voyages des populations de ces pays en voie de développement, et dont le contrôle de la perception et des versements relèverait, comme c’est le cas de tous les financements passés, présents ou à venir, de la boule de cristal ?
L’article nous apprend aussi ceci : « Ce mécanisme, qui pourrait être intégré à des structures existantes comme l’OMS ou l’UNICEF, aurait pour objectif de peser sur le marché des médicaments anti-rétroviraux, en encourageant un développement de l’offre de génériques, en faisant baisser les prix via des négociations avec les industries pharmaceutiques et en solvabilisant la demande des pays pauvres grâce au financement garanti que permettrait la taxe internationale » ; et : « En 2003, l’OMC a consacré le droit des pays en développement à se déclarer en état d’urgence sanitaire et à émettre une "licence obligatoire" leur permettant d’acheter des génériques, alors même que les molécules seraient encore soumises à des brevets. Transposée dans le droit européen fin 2005, cette disposition n’a néanmoins pour l’heure connu aucune application concrète, les ONG dénonçant des procédures trop lourdes ».
Alors même que l’OMS et l’OMC reconnaissent que si les prix des traitements sont passés de 10 000 dollars par an et par malade à 500 dollars par an et par malade, on est loin du compte lorsqu’il s’agit de pays dont le revenu annuel est de l’ordre de 20 dollars.
Le problème ici posé ne relève pas d’une taxe sur les billets d’avions, il relève du développement économique durable. Dans un article de presse de l’AP du 3 décembre 2005 [ [5] ], citant votre discours, en partie, il est dit : « "Les paysans africains doivent recevoir la juste rémunération de leur travail. Nous ne pouvons accepter qu’une libéralisation hâtive et généralisée des échanges agricoles ruine les efforts des pays les moins avancés" » et encore : « Alors que crises et conflits continuent d’agiter l’Afrique, Jacques Chirac s’est prononcé en faveur d’un "traité international sur le commerce des armes", qui faciliterait les actions menées par l’Union africaine (UA) et l’ONU pour que "la paix et l’état de droit progressent" ».
Comment pouvez-vous parler d’un juste revenu des paysans africains et en même temps vous faire le défenseur des subventions européennes à l’agriculture française, surtout lorsqu’on sait que l’importation des produits agricoles, fussent-ils de nos partenaires européens, donne des boutons à nos représentants syndicaux agricoles...
Comment pouvez-vous être en faveur d’un traité international sur le commerce des armes, qui serait garant de la paix et de la progression de l’état de droit, alors qu’au même moment, en matière de bonne gouvernance et de système judiciaire, nous sommes, nous-mêmes, les moins à même d’en parler, nous ne leur donnons pas forcément la meilleure image qui puisse être en matière d’état de droit...
Nous avons deux forums créés depuis l’indépendance de ces nations, ‘’ La francophonie’’ et ‘’ France-Afrique’’ : hors de discours sur la bonne gouvernance, a-t-on jamais pris de mesures qui écartent les faiseurs de coup d’Etat des relations multilatérales, a-t-on jamais cessé de recevoir les dirigeants issus de tels coups d’Etats ?
Ce n’est certainement pas par une nouvelle taxe que, par dérision, dans mon article cité plus haut, j’ai appelée "taxe sur les billets d’ascenseurs", que le problème des soins aux malades ou le développement durable sera réglé, mon article [ [6] ] à ce sujet, tout imparfait qu’il soit, me conduit ici à vous interpeller, à la manière d’Emile Zola, autrefois, dans " J’accuse" :
Cet article se fait long, Monsieur le Président, et je n’ai comme tribune que ce média citoyen, il est donc temps pour moi de conclure en vous demandant instamment que vous vous fassiez, avec la même détermination et obstination, l’avocat d’une cause, qui vous vaudra bien des lauriers, sur les points suivants :
A. Que sur la liste officielle des 191 pays qui composent, à ce jour, les Nations unies, tous, sans exception d’aucune sorte, soient, dans un délai maximum de deux ans, issus d’un processus démocratique électif, et deviennent donc des États de droit.
B. Qu’ils laissent s’exercer une presse libre, qui permette de rendre compte de manière ouverte des faits nationaux et internationaux.
C. Que ces pays n’ayant pas encore un processus démocratique électif et qui sont néanmoins parties prenantes de multiples organisations internationales n’y soient plus acceptés en tant que membres à part entière.
D. Que les choix des projets à vocation de développement durable ne soient plus liés aux suggestions pressantes des pays prêteurs, qui, souvent, sont de connivence avec le pouvoir des pays où ces projets doivent voir le jour, mais qu’ils soient confiés à une commission d’experts internationaux tournante, afin d’éviter les manœuvres que tout le monde dénonce en matière de commissions occultes.
E. Que les prêts alloués pour le financement des infrastructures liées au développement durable soient évalués par une autre commission d’experts tournante qui définira la durée du remboursement par rapport à l’amortissement de l’infrastructure, le taux d’intérêt sur le prêt qui rendrait la charge de la dette supportable.
F. Que cette infrastructure soit définie par une autre commission d’experts et à la mesure des réels besoins locaux, et ne soit plus construite seulement par l’un des pays donateur.
G. Permettre que ces experts totalement indépendants soient responsables, devant les tribunaux internationaux, de la validité de leurs recommandations sur l’évaluation technique, économique et financière de tels projets. Cela aurait pour mérite d’éviter les projets pharaoniques dont nombre de potentats rêvent.
H. Qu’enfin, et concomitamment à tout cela, on fasse, sous l’égide de la Banque mondiale et du FMI sous contrôle d’experts internationaux indépendants un audit et des finances publiques et des ressources naturelles de ces pays, afin de permettre d’évaluer la pérennité de leur développement durable, et les budgets de fonctionnement nécessaires, qui seront contrôlés jusqu’à la réalisation de ce développement.
Il va de soi que l’ensemble de ces commissions et de ces groupes d’experts internationaux seraient constituées par les ONG, qui de plus en plus pallient la carence des gouvernements.
Je n’ai qu’une passion, c’est qu’au nom de l’humanité, qui a tant souffert et qui a droit au bonheur et à la vérité, on veuille enfin se pencher sur de vraies solutions pour résoudre de vrais problèmes.
Voilà, Monsieur le Président, un combat qui vous vaudra pas seulement mon profond respect, mais celui d’un nombre sans cesse croissant de citoyens informés et intellectuellement capables de faire des choix.
par Philippe Murcia
DOCUMENTS WORD JOINTS (ZIP)
[1] Copie du courriel reçu le 21/10/2005
[2] Ma lettre à Monsieur Chirac en date du 27/07/2005
[3] Taxe sur les billets d’avion une fausse bonne idée présidentielle
[4] Article paru le 27 Février 06 dans la rubrique Monde de Yahoo.
[5] Article de AP du 23/12/2005 “23e sommet Afrique-France : Jacques Chirac se fait l’avocat du continent africain et de sa "renaissance"
[6] Développement durable et utopie
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON