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Accueil du site > Tribune Libre > Technologie française contre bouddhisme : l’affaire Maokong

Technologie française contre bouddhisme : l’affaire Maokong

Ce qui suit est un résumé, rédigé de manière humoristique pour ces temps de vacances, de plusieurs articles de presse parus à Taïwan sur une affaire totalement véridique qui pourra faire sourire, même s’il convient bien évidemment, au-delà des choses amusantes, de garder un véritable esprit scientifique.

Le téléphérique de Maokong est une installation onéreuse qui permet aux touristes d’être transportés sans effort ni fatigue, du sol de la ville de Taipei vers le sommet d’une montagne qui domine la ville par son flanc sud-est, permettant une vue d’ensemble sur la cité.

Ce téléphérique a été construit par une entreprise française ayant passé un contrat pour ce faire avec les autorités de Taipei. Le dispositif a été inauguré récemment et, dès le début, des dysfonctionnements techniques divers (pannes subites, blocages de ligne, arrêts soudains des moteurs) ont mis à mal la réputation solide de la technologie française dans ce domaine.

J’ai donc mené l’enquête humoristique sur cette "affaire" pour Agoravox car ces "bizarreries" portaient atteinte à notre belle technologie.

Le grand pilier en béton et le petit temple en briques

Rséumons donc les faits bruts : depuis sa mise en service, ce téléphérique magnifique connaît des interruptions incessantes importunes de son fonctionnement normal.

Après la première grosse "panne" qui a mis en danger la vie de touristes bloqués dans des cabines par une température qui avoisinait les 38° celsius, la mairie de Taipei a exigé que les techniciens expertisent les causes matérielles de ces fâcheux arrêts inopinés.

Aidés par des ingénieurs français hautement qualifiés, une vérification première, assez sommaire, a donc été entreprise. Son résultat n’a rien apporté de concluant.

Quand les gestionnaires du téléphérique remirent en route le système, pleins de confiance, les mêmes maux se répétèrent, conduisant cette fois à une encore plus profonde étude de l’ensemble. Il en résulta que des câblages et matériaux électriques étaient probablement inadaptés ou défectueux et qu’il fallait les changer.

Pendant ce temps, des habitants du lieu, qui étaient de braves gens sans malice, adressèrent une lettre polie et très respectueuse au maire de Taipei.

Dans cette missive, ils donnaient leur explication propre des pannes constatées : selon eux, la cause de tous ces tracas était que Bouddha, qui aimait beaucoup le petit temple en briques rouges qu’ils fréquentaient eux-mêmes depuis de longues années, et qui avait une statue de lui dans celui-ci, avait eu sa vue sur la nature environnante empêchée, gênée, obscurcie, par la construction d’un des gros piliers en béton qui soutiennent la ligne du téléphérique.

A Taïwan, les croyances bouddhistes sont fortes et la culture populaire en est imprégnée profondément.

La mairie de Taipei et l’affaire du temple de Maokong

Ayant reçu et lu avec soin, comme il convient à un édile sérieux, ce courrier de ses administrés, le maire de Taipei convoqua en urgence le Conseil municipal en séance spéciale. A l’ordre du jour : l’affaire du temple de Maokong, c’est son nom administratif, faisant face à l’énorme pilier.

Les photos apportées au dossier de faisabilité par les fonctionnaires municipaux sont nettes et claires : le pilier accusé est effectivement, mathématiquement, géographiquement, face à la statue de Boudha et lui bouche la vue sur le paysage.

Après étude technique et financière des propositions de solutions concrètes, tous les élus conviennent que le cas doit être rapidement résolu, dans l’intérêt public.

Comme on ne peut pas, matériellement, déplacer le pilier, la décision unanime prise par les élus fut la suivante : on va déplacer et reconstruire le temple bouddhiste de manière à ce que la vue de la statue de Bouddha qui est à l’intérieur soit dégagée et libre sur les splendides montagnes alentour !

Avant, par mesure de précaution, le maire sollicite des citoyens de Maokong qu’ils vérifient si la décision municipale agrée au Bouddha. Les habitants vont donc, avec un officiant officiel bouddhiste, requérir l’avis de l’intéressé au petit temple.

Après moult prières et un temps de réflexion accordé à la réponse du Bouddha, ils informent le maire et son Conseil que le Bouddha est d’accord avec sa proposition et qu’il ne manifestera plus son mécontentement, de cette manière peu discrète.

Et, ce matin, 2 août 2007, des ouvriers ont commencé les travaux financés par la ville lors du vote unanime des élus municipaux.

Et la technologie repartit...

Pendant ce temps, les techniciens, de leur côté, avaient réparé certaines installations, notamment de câblage électrique pouvant être défectueux et ont renforcé la puissance électrique disponible pour les moteurs.

Le bilan de cette affaire est clair : le téléphérique fonctionne de nouveau normalement et la statue de Bouddha pourra bientôt de nouveau regarder les montagnes vertes sans être gênée.

Interrogé sur la décision municipale prise quant au temple, et sur les réparations intervenues après de longues et patientes recherches, un proche de la mairie donne ce commentaire souriant et philosophique :

"Nous avons pris en compte tous les paramètres du dossier afin de sécuriser au maximum les installations et garantir leur fonctionnement, car, dans un tel cas, nous ne voulons pas d’autres problèmes avec aucune cause possible : on ne sait jamais."

Morale de l’histoire : à chacun de la tirer dans un esprit scientifique distinct du versant philosophique.

Celle donné par les habitants de Maokong est précise, il convient de la donner ici par souci d’information : "Tout le monde dans cette histoire est satisfait de sa conclusion".


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6 réactions à cet article    


  • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 2 août 2007 10:17

    il est trop fort ce Boudha smiley


    • Francis, agnotologue JL 2 août 2007 11:26

      Merci pour cet article sympathique.

      Et puisque dans cette histoire «  »Tout le monde est satisfait de sa conclusion«  », je ne vois pas quel commentaire on pourrait y ajouter. smiley


      • mike-tango 2 août 2007 11:47

        J’aime bien cette histoire qui me semble assez représentative de la façon de penser de beaucoup de Taiwanais avec ce mélange d’ultra-modernisme et de traditions maintenues qui me plait beaucoup. Ce serait bien si en France on avait ce genre de réactions, que certains, très certainement, taxerait d’attardée et moyen-ageuse ! Et si, effectivement le Buddha n’aimait pas avoir sa vue gênée ? Peut-on prouver le contraire ? smiley


        • aquad69 2 août 2007 12:48

          Bonjour Philippe,

          c’est amusant, en effet ; mais on a aussi rapporté des histoires de ce genre en Afrique du Nord, en Tunisie en particulier, lors de travaux qui menaçaient des maqâmat, des tombeaux de saints tutélaires. Et celà doit bien être arrivé ailleurs également.

          Après ça, chacun l’interprète selon sa propre vision du Monde...

          Cordialement Thierry


          • Philippe Vassé Philippe Vassé 3 août 2007 06:24

            Thierry,

            Oui, vous avez raison. C’est pour cela que j’ai souhaité redonner tous les « versants » de cette petite histoire car j’ai souvent constaté la naissance de légendes héritées de faits sciemement déformées après les faits eux-mêmes dans des cas similaires, touchant au « religieux » ou « au mystique ».

            Cette histoire me paraît être instructive de la méthode de formation de ce qui, ailleurs et étudiée par des personnes moins scientifiques, plus sensibles aux ésotérismes et faits religieux, pourrait mener à des interprétations mystiques, voire obscurantistes et anti-technologiques.

            Au-delà donc de l’aspect moral et humoristique, il me paraît y avoir ici un enseignement profond sur les formations de « cas légendaires mystificateurs » : rappelons-nous les légendes sur la malédiction de Toutankhamon ou d’autres sites célèbres dans le monde.

            Ici, les raisons des pannes sont bien sûr très « techniques », mais la tradition populaire en fera certainement à Maokong un récit « différent » que retiendront plus facilement les esprits simples, d’autant que ce sera la version populaire massivement colportée.

            Hors, la croyance du nombre, ici comme ailleurs, ne vaut vas vérité scientifique.

            Une leçon à retenir pour l’avenir et qui éclaire bien des faits passés que vous citez à juste titre.

            Bien cordialement vôtre,


          • Zorba La Mouche 2 août 2007 15:39

            Ouais, c’est ça la vie smiley

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