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Accueil du site > Tribune Libre > Télévision : l’aventurier de la musique perdue

Télévision : l’aventurier de la musique perdue

Ecouter de la musique sur les chaînes hertziennes relève actuellement de la gageure. Si vous avez le malheur de ne pas apprécier la chanson française chiante, les tubes du paléolithique déclamés par des zombies des sixties ou les Sarkozy avec bandana et chaînes en or, vous pouvez éteindre votre poste directement. Cependant, avec un peu d’entraînement, il est possible d’écouter d’autres mélodies.

Du reggae, du metal, du punk, de l’électro, du garage ? Désolé, on ne connaît pas ça dans la boîte à images. Seul bémol à ce constat, l’émission Tracks sur Arte. Mais le format même de l’émission et le nombre de sujets abordés, qui dépassent souvent le cadre musical, accordent, finalement, assez peu de temps au son en lui-même.

Seuls me reviennent à l’esprit l’époque, il n’y a pas loin de 15 ans de cela, où Canal + et M6 offraient un choix relativement varié de styles musicaux. La première, via Nulle part ailleurs, qui permettait à des groupes comme Bodycount, Sepultura et bien d’autres de se faire connaître auprès du public français. Un artiste comme Max Cavalera bénéficiait même à l’époque d’une émission spéciale. Chose qui apparaît actuellement de l’ordre du fantasme. Si l’on excepte la venue l’année dernière du groupe Motörhead à Taratata. Maigre reconnaissance cependant, pour un groupe qui joue depuis plus de 30 ans, d’avoir enfin un créneau de 2 mn à la télévision française.

Mais l’émission qui m’a peut-être le plus marqué était Best of trash, sur M6. Oui, oui, cela paraît dingue, mais cette chaîne accordait un créneau, certes ténu, certes logé à 1 ou 2 heures du matin, à la musique "amplifiée", à des groupes relativement peu connus pour l’époque. Pour un gamin de 15 ans, découvrir des groupes comme Cypress Hill, les Beastie Boys ou Machine Head, ça fait un choc. Pouvoir échapper un instant à la bouillie musicale de l’époque, ça n’avait pas de prix.

Cela n’a pourtant pas duré. La pop fadasse, le R’n’B putassier et la pseudo scène alternative ont vite repris le contrôle des plages nocturnes. Et il a fallu faire une croix sur la télévision pour assouvir ma curiosité musicale.

La télévision française resterait donc imperméable à des musiques hors des sentiers mainstream ? Pas tout à fait. Les téléspectateurs peuvent certes faire le deuil d’un espace proprement dit consacré à ces musiques. Et ce n’est pas un présentateur comme Michel Drucker qui me contredira. Ses commentaires (visibles notamment sur Youtube : ), lors de l’Eurovision sur Lordi, le groupe vainqueur, ont été plus que consternants. "Je vais le faire écouter à ma chienne qui va devenir dingue." Formidable, Michel, tu découvres le heavy metal avec 30 ans de retard.

Mais le téléspectateur peut encore écouter des sons différents. Ne cherchez pas dans les émissions estampillées "musique" : pour devenir un aventurier musical il va falloir plonger dans les méandres de la télévision et profiter de la profusion des reportages de société sur tout et n’importe quoi.

Que cela soit diffusé dans Capital, Zone interdite, Confessions intimes et autres émissions de télé-réalité, le reportage se doit, en plus du propos, de faire de l’image. Mais écouter une voix off en continu ou le simple son ambiant, c’est bon pour Arte. Ca plombe le rythme et ça risque de ne pas accrocher le téléspectateur.

Il faut recourir alors à des techniques visuelles (ah, les ralentis et les passages en noir et blanc d’Opération séduction) ou à la musique pour appuyer les effets voulus. Et c’est là qu’apparaît une zone de liberté relative concernant le choix des musiques.

L’exemple le plus représentatif est peut-être Clint Mansell. Le morceau d’ouverture du film Requiem for a Dream a été repris dans un nombre tellement énorme de reportages (sur tous les sujets possibles) que cela donne le vertige. Alors qu’au final, cet artiste reste relativement inconnu en France.

Plus comiques restent les reportages politiques où il est assez difficile de voir le rapport immédiat entre le sujet et la musique utilisée. Ecouter du Beastie Boys dans un reportage sur Renaud Muselier ou sur David Martinon, le porte-parole de Nicolas Sarkozy, cela laisse plus que songeur. Je ne pourrai donner une liste exhaustive des groupes que j’ai entendus mais je me souviens encore d’extraits d’Asian Dub Foundation, No Fx ou Bloodhound Gang utilisés à toutes les sauces.

Profiter de ces quelques secondes éparpillées tout au long de la semaine, et ce sur plusieurs chaînes, reste malgré tout ardu. Cela nécessite une oreille et des réflexes bioniques pour capturer ces moments. Mais le problème le plus important est que ces extraits musicaux ne sont que de l’habillage et, dès lors, il n’y a aucun moyen de savoir qui est à l’origine du morceau, les artistes n’étant pas crédités (ou alors en 2s montre en main dans le générique de fin).

A moins de connaître déja ces artistes. Certes, c’est amusant de voir un morceau ainsi utilisé dans une optique grand public et cela peut satisfaire un instant l’auditeur averti, fier d’en connaître l’auteur. Mais, au final, les gens n’en savent toujours pas plus. Si tant est qu’ils aient prété attention à l’habillage sonore.

Pourquoi donc utiliser ces groupes et pas les 50 artistes ayant leur carte "je passe à la télé" ? Impossible pour moi de vous donner une réponse définitive. Mais il faudrait voir du côté de ceux qui fabriquent ces reportages. L’hypothèse qui me paraît la plus probable est que monteurs et journalistes utilisent la musique qu’ils écoutent. A eux ensuite de les incorporer à leurs reportages afin de créer l’effet voulu.

Qu’ils aient utilisé du Lorie ou du Cannibal Corpse, peu importe. Du moment que cela colle au propos et que l’audience prévue est là. Alors autant se faire plaisir. Un peu d’air frais au milieu de l’avalanche quotidienne de guimauve musicale n’a jamais fait de mal.


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11 réactions à cet article    


  • le mave 23 novembre 2007 13:16

    Je suis toujours étonné aussi d’entendre derrière des commentaires une zik de Led Zeppelin ou autre en fond sonore .

    Il y a parfois de quoi rire ,dans un minisujet sur les Stones sur M6 ,ils avaient réussi à mettre Hendrix en fond sonore .


    • Gwenboul Gwenboul 23 novembre 2007 13:54

      Le lien que j’avais mis sur youtube a sauté, le voici : http://www.youtube.com/watch?v=Cj-p3U57qX0


      • Wlad Wlad 23 novembre 2007 14:16

        C’est vrai que pendant la Coupe du Monde de rugby, l’utilisation frénétique et systématique de la BO de 300 par TF1 m’avait soutiré des hoquets de rire (pas trop violents, c’est quand même une sacrée partition).

        Mais heureusement, les sites comme feue Pandora, ou Lastfm.fr, où on entre un nom de groupe pour se voir proposés divers autres groupes en rapport, permettent de découvrir tout plein d’artistes.


        • Bouli Bouli 23 novembre 2007 15:58

          Conclusion : pour entendre de la bonne musique à la tv française, regardez les émissions pourries de TF1 et M6 ! C’est d’un triste mais tellement vrai. smiley

          Je vous rejoins tout à fait sur l’utilisation de la BO de Requiem... De même, on trouve énormément de Massive Attack (en particulier Teardrop et Angel) en fond des reportages de M6.


          • Julien Julien 23 novembre 2007 16:02

            « il n’y a aucun moyen de savoir qui est à l’origine du morceau, les artistes n’étant pas crédités »

            Vous avez totalement raison. J’ai été très déçu récemment par Canal+ à qui j’avais envoyé un mail car j’avais entendu dans l’émission « + Clair » plusieurs excellents morceaux electro que je n’arrivais pas à identifier. Je pensais naïvement que cette chaine, à vocation culturelle (en tout cas c’est ce qu’elle prétend) me répondrait. Tu parles Charles ! D’ailleurs je m’étonne qu’aucune loi ne les oblige, au moins, à créditer le nom de l’artiste en fin d’émission...


            • Mescalina Mescalina 23 novembre 2007 16:03

              J’avoue partager le constat de l’auteur, la diversité musicale a complètement disparu à la télé, on ne sert que de la soupe.

              Mais j’ai envie de rajouter « et alors ? ». Quel est l’intérêt de choper 10 secondes de radiohead par ci par la ? La télé ne vaut rien, 90% de ce qui y passe ne vaut rien et rend stupide. La bonne musique n’a finalement rien à faire sur ce média.

              Sortez, lisez la presse spécialisée (l’offre y est large), surfez sur Internet, ayez des amis mélomanes qui vous feront découvrir des groupes, allez à des concerts...

              La télé ne sert à rien... à part lire des dvd.


              • Gwenboul Gwenboul 23 novembre 2007 22:06

                Wlad : l’utilisation de la musique de 300 est un peu différente, à mon avis. Dans le sens où il y avait un aspect marketing autour de l’amalgame rugbymen=spartiates qui permettait de mieux vendre la coupe du monde. Cette musique devenait alors un « thème imposé ». Dans des reportages habituels, la marge de manoeuvre est légèrement plus grande. Le procédé reste cependant le meme : utiliser une musique (et pas un morceau formaté télé) pour suggérer quelquechose au téléspectateur.

                Julien : A mon avis, mais il me faudrait la confirmation d’une personne plus qualifiée que moi en droit, les extraits utilisés dépassent très rarement dix à quinze secondes. Dès lors, il ne doit pas avoir une obligation de créditer les artistes utilisés. De plus, dans le cas de reportages longs (comme ceux de Zone interdite par exemple) le nombre d’extraits peut vite devenir conséquent, ce qui aboutirait à une liste expédiée vite fait à la fin. Et je ne pense pas qu’au final le téléspectateur y fasse attention. Ta démarche de contacter Canal + me parait au final la plus intelligente. Encore faut il que la chaine veuille bien prendre en compte ces demandes (ce qui, face au nombre de courriers qu’ils doivent recevoir, est bien sur une tache énorme et donc couteuse).

                Mescalina : « Quel est l’intérêt de choper 10 secondes de radiohead par ci par la ? » Disons que c’est juste pour le fun. J’ai abandonné depuis longtemps l’idée de découvrir de la musique grace à la télévision. Aussi, j’ai trouvé particulièrement étrange que, parallèlement à la « musique » que les chaines nous proposent, il puisse exister des micro-espaces avec d’autres sonorités. Du coup, plutot que d’espérer un changement quelconque dans la politique des chaines, j’ai essayé d’y trouver le coté amusant de la chose. C’est certes triste comme constat, comme l’écrit Bouli, mais il vaut mieux essayer d’y trouver matière à en rire.

                C’est au final une aventure télévisuelle à la portée de chacun : il suffit d’ouvrir ses oreilles à la recherche de musiques « autres » en regardant ses programmes habituels. Il y aurait meme matière à faire un jeu entre amis pour savoir qui trouvera la musique la plus décalée


                • 1984 1984 23 novembre 2007 23:36

                  Je me demande encore comment on peut s’insurger contre la musique fadasse à la télévision.

                  Je veux dire...C’est un peu comme les informations, non ? Ceux qui cherchent des informations réfléchies fréquentent des sites comme rue89.com, et n’attendent rien du JT.


                  • Gwenboul Gwenboul 24 novembre 2007 12:11

                    Bonjour, Je crois qu’il ne faut pas voir dans cet article comme une facon de s’insurger contre le choix musical à la télévision (ton avis aura plus sa place dans mon prochain article je pense). Je sais très bien quel est le non-choix qui nous est proposé à la télévision. Et c’est justement en en étant conscient que j’ai fait cette observation : le choix musical est plus large dans les reportages, meme si ce ne sont que des bouts, des bribes de sons au final. Dès lors, on peut soit s’insurger contre cet état de fait (ce qui m’arrive par moments) ou y trouver un moyen d’en rire, ce que je propose avec ce petit exercice auditif. Enfin, s’il fallait ne plus parler des situations absurdes, révoltantes, etc et qui ne sont pas pretes de changer, je pense qu’il ne resterait plus grand chose à écrire pour les journalistes smiley


                  • 65beve 65beve 24 novembre 2007 15:57

                    Bonjour à tous,

                    Très bon article qui confirme que rien n’a changé sous les cieux du Rock à la télé depuis l’ORTF.

                    L’avatar de l’ami Gwenboul représente un monument de la musique du 20e siècle et on en a parlé aux infos que le jour de sa mort.

                    Je suis fan depuis les 60s, du british blues et déjà à cette époque je n’ai jamais entendu ni vu à la télé un concert de John Mayall, de Clapton et de tous les autres que j’aimais et que j’aime encore.

                    Bon, je me suis résigné et j’ai fait une croix sur cette musique à la télé.

                    Je dresse l’oreille quand j’entends du Hendrix, des Stones ou du Canned Heat pendant une pub et là, je peux dire que je suis frustré (ça me donne pas du tout envie d’acheter le produit vanté).

                    Alors que faire, comment ai-je assouvi ma passion musicale ? et bien grace à la lecture mensuelle de Rock&Folk et l’achat de nombreux vinyles et CD depuis plus de 40ans.

                    Certes il y a eu à la télé des moments exceptionnels avec des concerts (par ex : 1976, les Stones) mais si rares qu’on s’en souvient encore.

                    Vous citez Tracks et je rajouterai Taratata ou bien l’émission de la petite de Caunes et la série des concerts de l’été sur Canal.

                    Voici-voilà, en rédigeant ce petit mot, je suis en train d’écouter Frantz Ferdinand et ça fait du bien aux oreilles surtout venant après la StarAc.

                    Bien à vous.

                    PS ce que je viens d’écrire peut aussi s’appliquer à la musique classique.


                    • Aspion Catabol 6 juin 2008 00:30

                      très vrai tout ce qui est dit la.

                      Constations, vues de la Belgique : on a droit à "deux chaînes musicales", MCM et Mtv. Je vous assure qu’elles n’ont rien de plus musicales que m6, tfi, et rtl et tralala... Plutôt à longueurs de journées des "jpimp’ ta caisse" ou "tu m’échanges contre 67dollars ?". Ca vole haut... A partir de 1h du mat’ on risque de tomber sur du son intéressant...

                      Effectivement et heureusement, les habillages sonores de documentaires sont souvent de qualité, je le remarque surtout sur France2 par exemple, comme sur notre équivalent en Belgique (service public) La une. Comme cette capsule quotidienne sur le code de la route (j’ai perdu le nom..) habillée par Aphex twin.

                      Dans les pubs et jingles d’ailleurs, le style jungle et drum’n’bass sont très souvent employés. Styles que l’on ne peut définir de populaire et qui se revendiquent d’ailleurs comme underground... Peut-être la drum, , convient parfaitement à la publicité sur nos petits écrans, paradoxalement, nappes sonores posées et beats dynamiques à la fois, un peu pour tout les gouts quoi..

                       

                       

                       

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