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Témoignage : Apprentissage, la galère de l’été
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Personne n’aime la chaleur, encore moins perdu dans une chambre, à la recherche désespérée d’un apprentissage. Je devrais être quelque part, mais pas ici, pas affalé là sur un matelas, la main vissée sur la souris de mon ordinateur à cliquer l’option « article aléatoire » de l’encyclopédie participative en ligne. Je devrais être en vacances, quelque part au bord d’une mer, d’un océan ou bien de quelque autre étendue d’eau artificielle sur-chlorée que ce soit. Je devrais, j’aurai dû. J’aurai dû travailler aussi : Quelque chose de fixe, de sûr, en tout cas pour un peu plus d’un mois. En fait au lieu de ça, je me retrouvais à attendre un coup de fil, un mail, un signe, une réponse. J’étais l’esclave de mon avenir et je croupissais de chaud sous le cagnard estival du Poitou.
Ça avait débuté en mars, assez tôt en fait. Mes études d’urbanisme battaient encore leur plein. A cette période on me disait que j’étais du genre à prendre les devants, à partir presque trop vite. A chaque appel que je passais auprès des collectivités publics et autre bureau d’études, j’avais toujours le droit aux mêmes réponses, au même refrain, comme une mauvaise chanson du mec et de son plus grand cabaret du monde. Bref, à chaque fois que j’appelais, on me disait que les calendriers n’étaient pas faits et que tout cela se déciderait au mieux en juin, au pire en aout. A l’étudiant de faire avec.
Alors sur ces mots j’ai laissé filer, un peu. En mai, il a bien fallu rependre. J’ai repris. Le téléphone greffé à l’oreille, la main transmutée en annuaire des professionnels de l’urbanisme, ma chambre se métamorphosa bientôt en un centre d’appels et de démarchages téléphoniques des plus actifs de France. Mais surtout et très vite, en un des moins rentables. Pour la plupart des personnes contactées, il n’y avait tout simplement pas de places réservées à l’apprentissage, pour d’autres il y avait des excuses, maladroites et fausses, qui parvenaient à mes oreilles sur le fil ténu d’une voix chevrotante. D’autres encore paraissaient avoir perdu tout moyen de communication : « Euh…, l’app…, l’apprentissage, mais, qu’est-ce que c’est au juste ? C’est comme un stage en fait ? » Non monsieur, pas vraiment comme un stage. L’apprentissage c’est un peu plus. Disons que l’entreprise doit accompagner et participer à la formation de l’étudiant, et ce à part égale avec l’institution ; l’école dont il provient. « Et, euh…, c’est quoi la rémunération, je veux dire, les conditions ? » Et bien c’est 81% du SMIC pour les …
Le combiné fixé à mon oreille n’émit bientôt plus rien d’autre qu’une longue onomatopée monocorde. …Et sinon, l’entretien, on le fixe quand ? Les premiers entretiens justement arrivèrent en juin, en plein milieu des partiels pour plus de challenge. J’aimais parfois à croire que les entreprises prenaient le temps d’éplucher notre emploi du temps en ligne pour mieux nous emmerder et contribuer à notre réussite scolaire. Le tout premier des entretiens, je le passais dans un EPA, un Etablissement public d’Aménagement. Je me souviens que j’y étais allé relativement tendu, au moins autant que j’aurai pu l’être un jour de rendez-vous chez le proctologue. Nous étions sept sélectionnés. Tous de la même école. Mon entretien s’était bien déroulé. J’avais même réussi à m’exprimer en français scolaire et à leur parler de Lamaizière, architecte aujourd’hui disparu, mais déjà mort en son temps. Enfin, Lamaizière n’avait pas suffit et à la lecture d’un mail je m’étais vu recalé.
Par la suite à Saint Etienne, on m’a proposé un stage au sein du service Maitrise d’Ouvrage de la ville : Un stage conventionné un peu particulier, rémunéré à hauteur de 290 euros par mois, quand une convention classique s’élève à 399 euros ! Il faudra que je me renseigne s’ils ont le droit de faire ça…
Aujourd’hui, mon institut est fermé. Lui est en vacances. En attendant de trouver mieux et de valoriser ma formation par l’obtention d’un apprentissage, je parcours le pays dans le cadre d’un voyage thématique : « La France des entretiens », après celle des vins et des fromages. Plus les jours passent, plus l’été passe, plus je me dis qu’il faut être un étudiant riche pour chercher. Et plus je me dis aussi que l’ouverture à la privatisation du rail ne serait pas forcément une mauvaise chose.
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