Témoignage d’une jeune rescapée
Avant tout, je souhaite préciser que cet article n'a aucun rapport de près ou de loin avec la situation actuelle du Liban. Cet entretien a été mené en septembre 2011, il ne s'inscrit pas du tout dans l'actualité mondiale.
« On va se fumer une clope ? », me propose-t-elle. On s’assoit, je ne sais pas par où commencer : c’est mon premier entretien, je stresse un peu. Elle aussi, visiblement. Pour rompre le silence, elle me demande de respecter son anonymat dans mon article.
Un métissage, des problèmes.
Mlle E. est mi-libanaise mi-bulgare. Un père musulman et une mère chrétienne, des problèmes en perspective ! En 1999, alors qu’elle est âgée de 9 ans, elle part au Liban en vacances avec sa mère, mais les vacances durent plus longtemps que prévu. Son père décide alors de ne plus la laisser rentrer dans son pays natal et la prive de contact avec sa mère pendant 4 mois. En octobre, cette dernière débarque au Liban, avec la ferme intention de récupérer la chair de sa chair.
Un plan sera de mise.
Seulement, le mari veille au grain. Au Liban, les femmes doivent être soumises à leur époux. C’est donc à l’ambassade grecque qu’elle demandera de l’aide, pour commencer. Faux papiers en poche, l’ambassadeur leur promet de les raccompagner jusqu’à leur terre d’asile.
« - Ah, il est sympa cet ambassadeur de vous raccompagner.
- Oui mais, le pauvre, il a perdu son travail après ».
Une fois rentrée, elle cache les valises dans le garage avec l’aide de sa fille. Le 1er juin au soir, toutes deux profitent du moment où l’homme quitte la demeure pour aller jouer aux cartes, afin de s’enfuir. Après avoir récupéré leurs bagages, elles demandent trois taxis.
« On ne sait jamais, un taxi pourrait ne pas venir et, un autre, avoir un problème quelconque ».
Un périple qui semble infini.
Tout au long du chemin vers l’aéroport, l’estomac noué, elles craignent que le mari ne s’aperçoive de leur absence et donne leurs noms à l’aéroport, auquel cas elles ne pourraient plus quitter le pays. Sans oublier que la mère risque la prison pour détention de faux.
« Mais le plus drôle, dans tout ça, c’est ma chienne qui nous suivait », me raconte-t-elle en rigolant.
« - Pendant tout ce temps, vous aviez un chien avec vous ?! Ca ne devait pas arranger les choses pour passer inaperçues !
- Oui – répond-elle en allumant une cigarette, en prenant un air triste – Elle est morte. Elle en aura vécu des choses, la pauvre ».
Elles arrivent enfin à l’aéroport, accompagnées de l’ambassadeur et du directeur de la compagnie aérienne. Angoissées jusqu’au bout, elles ont traversé la frontière et ont embarqué vers la liberté.
Rassurez-vous, E. est maintenant en France. Elle vit avec son compagnon, elle a des nouvelles régulières de sa mère et entretient encore quelques relations un peu froides avec son père, qui vient parfois la voir en France. Si elle n’a plus de chien, elle compte par contre un amour inconditionné pour son chat noir.
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