Tensions en Ukraine : un énorme malentendu ?
Emmené par Vitali Klitschko, ancien boxeur poids lourd reconverti en harangueur de foules, le parti libéral Udar ne désarme pas, excluant toute forme de compromis avec le gouvernement. Un gouvernement dont les manifestants réclament la démission, ni plus ni moins. Si l’ire de l’opposition s’explique assez, compte tenu du récent pas en arrière du président Ianoukovitch dans le dossier du rapprochement avec l’Union européenne, elle est pourtant démesurée. La fronde ukrainienne repose toute entière sur une lecture tronquée de la stratégie gouvernementale. Ou comment plonger dans le chaos un pays sur la base d’un simple hiatus.
« Pour parvenir à un compromis, j’appelle l’opposition à ne pas rejeter [le dialogue], à ne pas suivre la voie de la confrontation et des ultimatums » s’est époumoné Viktor Ianoukovitch. En vain. Le rouleau compresseur piloté par le colossal Klitschko n’a pas prévu de s’arrêter sur le bas côté pour discuter le bout de gras, mais bel et bien de foncer bille en tête jusqu’à son accomplissement ultime : la destitution du président. Entendons-nous bien. Pour déterminé qu’il soit, Klitschko n’a rien d’un radical. L’homme présenterait même plutôt tous les symptômes de la bonhomie. Reste que son entourage laisse à désirer et qu’il n’a jamais brillé par son sens de la stratégie politique.
Charismatique, Klitschko la gâchette des rings s’est rapidement imposé comme leader du mouvement contestataire né à Kiev dans les cendres de l’accord d’association UE/Ukraine, finalement non signé à l’occasion du sommet de Vilnius, fin novembre. Peu clairvoyant, il pourrait bien, contre son gré, mener l’Ukraine à sa perte s’il n’opte pas pour la solution diplomatique.
La foule des manifestants de Kiev s’est auto-proclamée pro-européenne, laissant à penser, par contraste, qu’elle s’oppose à une phalange anti-européenne. Ianoukovitch, pas plus qu’Azarov, son premier ministre, n’ont pourtant jamais fermé les bras à l’UE. Ce dont ils n’ont pas voulu, c’est d’un accord qui ne tienne pas compte de la porosité historique entre l’Ukraine et la Russie, premier partenaire commercial et influence culturelle (et linguistique) majeure du "grenier à blé". Par l’intermédiaire de Catherine Ashton, haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, les technocrates européens ont proposé aux Ukrainiens un dilemme impossible, nœud gordien qu’ils n’ont d’ailleurs toujours pas tranché, ne coupant les ponts ni avec l’est ni avec l’ouest.
Aujourd’hui, le premier ministre ukrainien réclame 20 milliards de dollars à l’UE pour signer un accord d’association avec elle. Une requête que d’aucuns analysent comme du chantage. C’est pourtant là le prix à payer pour que l’Ukraine, à moyen terme, soit capable de doper son économie et de s’affranchir de la Russie. En refusant d’y accéder, et même de l’étudier, on voudrait que le pays de Ianoukovitch se passe du beurre et de l’argent du beurre, et se rapproche de l’UE simplement pour ses beaux yeux. Inconcevable. On ne saborde pas son propre pays pour le prestige.
Enferrés depuis des siècles dans un rapport vénéneux avec la Russie, les Ukrainiens, excédés, sont descendus dans la rue. Leurs motivations sont légitimes, leurs cibles mal choisies. Ianoukovitch désire ardemment se rapprocher de l’Europe. Doit-on lui reprocher de vouloir le faire dans les meilleures conditions ? D’attendre que l’UE révise sa copie, et propose un accord vraiment arrangeant à son peuple ? Ces questions n’appellent pas de réponse.
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