Teresa Lewis : une femme, déficiente mentale, condamnée à la peine de mort aux Etats-Unis
Lettre ouverte aux autorités américaines et à Barack Obama en particulier
Mais il me vient, à présent, un autre terrible cas de conscience, non moins tragique, que celui qui m’a vu me battre aussi vigoureusement pour sauver la pauvre Sakineh de cet abominable sort : c’est celui, cher Barack Obama, Président des Etats-Unis d’Amérique, de votre compatriote Teresa Lewis, une femme âgée de 41 ans qui, bien que considérée médicalement comme une déficiente mentale, avec un quotient intellectuel des plus bas, a néanmoins été condamnée, dans votre Etat de Virgnie, à la peine capitale, avec une exécution, par une non moins cruelle injection létale, prévue ce 23 septembre 2010, pour avoir prétendument planifié, elle qui sait à peine lire et écrire, l’homicide de son mari et de son beau-fils.
Certes ne m’appartient-il pas, faute d’éléments suffisants pour trancher la question, de porter ici de jugement définitif sur la culpabilité présumée ou l’innocence avérée de cette femme. Je n’entends pas non plus, ainsi, rentrer dans la dynamique, encore moins dans le détail, de ce procès. Mais il est une chose dont, toutefois, je suis certain en cette procédure judiciaire : c’est que ce type de châtiment, comme d’ailleurs toute autre peine capitale, s’avère en tout point contraire, non seulement aux pratiques d’une démocratie moderne, mais, plus généralement encore, au respect de la vie humaine. Et ce quelle que soit, sans exclusive, la gravité des faits incriminés.
A cet argument essentiel - le respect de la vie d’une femme, en l’occurrence - même le plus fondamentaliste des croyants, et ils sont nombreux dans votre très religieux pays, devrait, au regard de la charité chrétienne et en toute logique compassionnelle, se montrer sensible. A mort donc - je le répète ici aussi, comme pour Sakineh - la peine de mort !
C’est pourquoi les intellectuels les plus engagés, consciences s’efforçant inlassablement de demeurer vigilantes quant à la marche claudicante du monde, appellent solennellement les autorités politiques et judiciaires américaines à arrêter définitivement, ne fût-ce que pour des raisons humanitaires ou par simple clémence, ce genre de mise à mort : une exécution, celle par injection létale ou sur une chaise électrique, aussi inique qu’intolérable, même si « techniquement plus propre » (mais non point, pour autant, moins hypocrite ou cynique), que la lapidation ou même la pendaison, pratiques courantes dans les pays (y compris certaines monarchies pétrolières, telle l’Arabie Saoudite, alliée inconditionnelle des USA en cette partie du monde) préconisant, en guise de code pénal, la charia (une pseudo loi coranique).
Pis : selon des chiffres parfaitement crédibles révélés par Amnesty International, ONG reconnue pour ses activités en faveur des droits de l’homme, 1.224 personnes (1.213 hommes et 11 femmes) se sont vues ôter tout aussi honteusement la vie, aux Etats-Unis, depuis la reprise, en 1977, des exécutions judiciaires ! Non moins choquant et révoltant, pour une raison normalement constituée, 38 personnes, dont deux en Virginie, y ont déjà été exécutées, dans le silence le plus complet et l’anonymat le plus effroyable, pour cette seule année 2010 : triste et indigne record macabre, au-dessus même de celui de la très contestée et arbitraire République islamique d’Iran et battu par la seule et peut- être encore plus dictatoriale Chine !
Certes, à l’heure où je vous écris ces mots, la pauvre Teresa Lewis, pour laquelle nous avons été malheureusement moins prompts à nous battre, en Occident, pour lui sauver la vie (mea culpa !), est-elle peut-être déjà morte elle aussi, lâchement assassinée par vos bourreaux mêmes. Mais sachez néanmoins, cher Barack Obama, qu’à cet appel pressant s’associent - j’en suis sûr - des millions d’autres hommes et femmes de bonne volonté de par le monde démocratique !
Ainsi, cher Président, telle est donc notre requête aujourd’hui : battez vous, du haut de votre pouvoir suprême tout autant que de votre autorité morale, pour libérer du châtiment le plus atroce qui soit tous vos concitoyens prisonniers eux aussi, dispersés dans vos sordides pénitenciers, du couloir de la mort. C’est là, après la bataille contre l’esclavage tout autant que le combat contre l’apartheid, auxquels vos propres et admirables ancêtres se sont livrés avec tant de courage, la prochaine grande cause sur laquelle se mobiliser dans les Etats-Unis d’Amérique.
Davantage : peut-être, ainsi, mériterez-vous vraiment ce prix Nobel de la paix dont, nanti de la beauté vos seuls discours théoriques mais somme toute suivi d’assez peu d’effets pratiques, vous avez été un peu trop vite honoré !
* Philosophe, écrivain, promoteur de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes » en défense de Sakineh : pétition ayant recueilli jusqu’à présent, en un mois, 150.000 signatures.
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