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Terrorisme et grand banditisme : des retours de manivelle menacent les Émirats Arabes Unis

Les Émirats Arabes Unis ne sont peut-être plus le havre de paix que les magazines touristiques continuer de promouvoir. À Dubaï et Abu Dhabi, la sécurité – menacée par des groupes terroristes et fragilisée par leur position dans le dossier israélo-palestinien et par différents trafics – est désormais remise en question.

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À Londres, le Foreign Office prend la menace suffisamment au sérieux. Le 29 octobre dernier, il a même prévenu ses ressortissants, touristes comme résidents permanents à Dubaï et Abu Dhabi : des terroristes sont « très susceptibles » de mener des attaques contre les intérêts des Émirats. Selon le ministère britannique des Affaires étrangères, ces attaques pourraient « être aveugles et viser des lieux visités par des ressortissants étrangers. Les terroristes continuent de publier des déclarations menaçant de mener des attaques dans la région du Golfe. Celles-ci incluent des références à des attaques contre les intérêts occidentaux. Vous devez maintenir un niveau élevé de sensibilisation à la sécurité, en particulier dans les lieux publics et lors d’événements publics  ». La menace est réelle, et la prochaine COP28 (du 30 novembre au 12 décembre) qui doit avoir lieu à Dubaï et qui réunira des officiels du monde entier pourrait constituer une cible privilégiée.

 

Les Émirats payent leur interventionnisme au Yémen ?

Mais pourquoi ces petits émirats – synonymes pour beaucoup de modernité parmi les pays du Golfe – seraient-ils victimes d’attaques terroristes ? Les causes sont nombreuses en réalité car derrière la vitrine jet-set véhiculée par les réseaux sociaux, les Émirats Arabes Unis développent une diplomatie militairement agressive et politiquement ambiguë pour les opinions publique arabes.

Tout d’abord, la guerre au Yémen a entaché la réputation d’Abu Dhabi dans la région. Engagés aux côtés de l’Arabie saoudite depuis 2015 dans ce conflit sanglant mais oublié par les médias occidentaux, les Émirats ont connu des victoires et des déboires sur ce théâtre d’opérations situé à plus de 2400km de leur territoire. Parmi les victoires affichées depuis 2018, la prise de plusieurs îles – comme l’archipel de Socotra et l’île de Mayun – qui ressemble fort à une annexion en bonne et due forme d’une partie de territoire yéménite. Sans que la communauté internationale ne s’en émeuve.

Cette politique d’annexion qui ne dit pas son nom repose sur une stratégie vieille comme le monde : la corruption. Après leur prise de pouvoir à Socotra par exemple, les Émiratis sont allés droit au but pour s’attirer les faveurs des chefs de tribus locaux, comme le révèle un article du magazine The Cradle : « Le général des Émirats Arabes Unis Khalfan al-Mazrouei est arrivé sur l’île de Socotra et est depuis considéré comme son dirigeant de facto. Sous sa direction, les Émiratis ont gagné la loyauté des tribus locales en utilisant la corruption sous couvert d’aide humanitaire. Ils ont offert aux résidents de Socotra des passeports des Émirats Arabes Unis et leur ont promis une meilleure qualité de vie. » Les Émiratis ont cru pouvoir acheter la paix. Mais en janvier dernier, les rebelles houthis – soutenus militairement par l’Iran, le Hezbollah et la Corée du Nord – ont renvoyé la note, en tirant des roquettes en direction de la capitale émiratie. Une première.

En début d’année en effet, les autorités émiraties ont reconnu avoir été la cible de plusieurs attaques venues des airs, contre des zones résidentielles d’Abu Dhabi, les 17, 24 et 31 janvier. Des informations très vite prises au sérieux par les chancelleries occidentales. « La grande majorité de ces missiles et drones ont été interceptés et détruits, mais il y a eu un petit nombre de victimes, a commenté le Foreign Office avec prudence. D’autres attaques sont probables.  » À quelques jours de l’ouverture de la COP28, les autorités du pays sont donc sur les dents pour assurer la sécurité de l’événement.

 

Le deal avec Israël, l’autre dossier encombrant

Mais l’aventure yéménite n’est pas la seule cause de cette menace de déstabilisation qui plane au-dessus des Émirats. Sur le plan diplomatique, Abu Dhabi et l’émir Mohammed Ben Zayed Al Nahyane – alias MBZ – ont signé les accords d’Abraham en 2020, sous l’impulsion du président américain Donald Trump. Si de nombreux pays ont salué ce rapprochement entre plusieurs pays arabes et Israël, l’actualité depuis l’attaque du 7 octobre par le Hamas palestinien est venue rappeler aux opinions publiques arabes que les monarchies arabes de la région avaient sciemment remisé la cause palestinienne aux oubliettes.

Jusqu’au 7 octobre, tout semblait donc aller dans le meilleur des mondes pour la diplomatie émiratie. En 2022, les Émirats et Israël avaient signé un accord de libre-échange, de nombreux partenariats étant désormais à l’étude dans les domaines de l’énergie, de la médecine, de la défense et même des voyages spatiaux. Avec à la clé un montant attendu des échanges entre les deux pays de 10 milliards de dollars dans les cinq ans. L’objectif des Émirats est clair : le business avant tout, quitte à tourner le dos à la cause palestinienne qui reste pourtant, dans l’inconscient collectif arabe, la mère de toutes les batailles. « Les Émirats Arabes Unis entretiennent les relations les plus étroites avec Israël et ont été très lents et précautionneux dans leurs critiques des événements récents, souligne le Dr Nader Hashemi, directeur du Centre Prince Alwaleed pour la compréhension entre chrétiens et musulmans à l’école de l’Université de Georgetown. Ils adopteront, je pense, une position un peu plus douce que celle des autres États arabes qui critiqueront l’invasion israélienne de Gaza. » Une duplicité que les opinions publiques, du Caire à Islamabad en passant par Beyrouth, ne goûtent guère. Et qui pourrait leur revenir comme un boomerang.

Le gouvernement émirati est d’ailleurs très conscient des menaces émergentes, dans le sillage de la guerre de Gaza : « Nous ne pouvons pas ignorer le contexte dans son ensemble et la nécessité d’apaiser les tensions dans la région, alors que nous approchons d’un point critique, avertit Noura al Kaabi, ministre émirati des Affaires étrangères. Le risque de débordement régional et d’escalade est réel, de même que le risque que des groupes extrémistes profitent de la situation pour promouvoir des idéologies qui nous enfermeront dans des cycles de violence.  » Comme dans le cas du Yémen, Abu Dhabi pourrait payer au prix fort ses choix de politique étrangère. Affaire à suivre.

 

Trafics en tout genre

Au-delà des considérations géopolitiques régionales, d’autres dossiers sont en train de chambouler la vie d’apparence paisible des petits émirats. Ces derniers pourraient en effet devenir le Marseille des années 70, tant le volume des trafics ne cessent de gonfler. En 2022, un « super cartel » – responsable de « trafic de drogue à grande échelle » et de « blanchiment d’argent » – avait été démantelé à Dubaï. Aux Émirats, les grosses affaires se sont enchaînées en 2023 (Mocro Maffia, Irish Connection, etc), les saisies records aussi. En mai dernier, une affaire inédite avait également défrayé la chronique à Dubaï, avec le meurtre sur un parking d’un Arabe israélien dans le cadre du trafic de drogue régional dont les Émirats sont devenus une véritable plaque tournante.

Si les autorités émiraties semblent lutter contre ces trafics, quelques ambiguïtés laissent perplexes, tant elles ont facilité ces dernières années le blanchiment d’argent du grand banditisme en col blanc, devenu une spécialité locale dénoncée par les révélations de la passionnante enquête internationale Dubai Uncovered. De nombreux pays l’ont payé cher : le crime organisé et le blanchiment de l’argent sont souvent synonymes de dérives violentes et incontrôlables. Dans l’inconscient collectif occidental, Dubaï et Abu Dhabi continuent certes de jouir d’une image de petit paradis du terre. Mais l’envers du décor est tout autre.


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1 réactions à cet article    


  • Sirius Grincheux 10 novembre 2023 11:01

    - My father is no different than any powerful man, any man with power, like a president or senator.

    - Do you know how naive you sound, Michael ? Presidents and senators don’t have men killed.

    - Oh. Who’s being naive, Kay ?


    (The Godfather, Michael Corleone et Kay Adams.)


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