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Thaïlande : entre junte militaire et frilosité européenne

Un an après son coup d'Etat en Thaïlande, la junte militaire dirige toujours le royaume sud-asiatique d'une main de fer. Tandis que l'UE a été l'un des premiers acteurs à s'élever contre la dictature qui a pris place petit à petit, elle doit aujourd'hui réaffirmer le besoin d'une transition démocratique à Bangkok.

Comme si le fait d'avoir révoqué ses deux passeports nationaux ne suffisait pas, la junte militaire actuellement au pouvoir en Thaïlande a récemment accusé Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre du royaume sud-asiatique de 2001 à 2006, de « crime de lèse-majesté ». Son tort ? Avoir égratigné, dans une interview accordée à un média coréen quelques jours plus tôt – et grandement relayée sur les réseaux sociaux –, le régime en place, en accusant notamment la monarchie thaïlandaise de complotisme.

Le 19 mai dernier, Thaksin Shinawatra, en exil, avait également accusé la justice de partialité, tandis que s'ouvrait le procès à Bangkok de sa sœur, Yingluck, Premier ministre de 2011 à 2014... Avant d'être destituée de son poste par la Cour constitutionnelle. Présentées au départ comme un régime de transition, les autorités qui gouvernent le royaume depuis un an ont de plus en plus de mal à cacher leur vrai visage : celui d'une junte militaire hostile à tout changement et, de facto, à l'instauration d'une réelle démocratie.

Un an de loi martiale en Thaïlande

Le ministère des Affaires étrangères, dans un communiqué, a estimé que les propos tenus par l'ancien Premier ministre, par ailleurs riche industriel du secteur des télécommunications, étaient de nature à « endommager la sécurité nationale, la réputation et la dignité de la Thaïlande ». Sa sortie médiatique a été jugée « dommageable », selon les termes de la diplomatie thaïlandaise, et pourrait en tout cas lui valoir jusqu'à 15 ans de prison.

Lorsque, en 2006, il est renversé par un coup d'Etat militaire – on en dénombre 19 depuis 1932 et l'instauration de la monarchie –, il préfère fuir le pays plutôt que de connaître les geôles du royaume. Cependant, malgré la poigne de fer – les accusations de lèse-majesté sont légion aujourd'hui – du régime militaire en place, l'ancien Premier ministre possède encore une aura non négligeable à l'intérieur des frontières. Ses partisans, les Chemises rouges, se relaient pour dénoncer à leur tour la mainmise de la junte sur le pouvoir.

Un activisme au nom du pluralisme politique que chercherait à étouffer le pouvoir en place, quitte à bafouer de manière manifeste les droits de l'homme et la liberté d'expression. Prayuth Chan-Ocha, le chef auto-proclamé du gouvernement thaïlandais, a, en même temps que l'instauration de la loi martiale en mai dernier, eu recours à la censure sur tout le territoire national. Selon lui, ces mesures attentatoires aux libertés fondamentales sont nécessaires « pour que le pays revienne à la normale », afin de « restaurer l'ordre et lancer des réformes » – dont les Thaïlandais attendent toujours de voir la couleur. Comme si de rien n'était, il avait à l'époque exhorté les Thaïlandais à « rester calmes et les fonctionnaires à continuer de travailler comme d'habitude ».

Des réactions européennes trop frileuses

Si la population locale pouvait avoir des doutes quant au caractère transitoire du gouvernement militaire, en 2014, ces derniers sont totalement confirmés aujourd'hui. Pourtant, devant la répression d'opposants et les multiples atteintes aux droits de l'homme, la communauté internationale est restée, sinon indifférente, du moins très silencieuse. L'Union européenne (UE) n'échappe pas à la critique : si elle s'était élevée l'an dernier contre le coup d'Etat, elle apparaît aujourd'hui plus discrète. Le Conseil des ministres des Affaires étrangères avait en effet appelé la junte militaire à « restaurer de toute urgence le processus démocratique et la constitution, et organiser de vraies élections ».

Les chefs européens de la diplomatie avaient alors suspendu leurs relations avec Bangkok jusqu'à ce que le régime « transitoire » fasse un pas en ce sens. De son côté, Bruxelles avait indiqué qu'elle ne signerait aucun accord de partenariat et de coopération pour resserrer les liens économiques et politiques avec un gouvernement militaire. Tout en minimisant ces débuts de sanctions européennes, les militaires thaïlandais avaient affirmé que « la suspension des accords » ne les « affectera pas beaucoup en pratique, étant donné que la Thaïlande n'en est qu'aux phases initiales de la signature du document ».

Un an après ces déclarations, la situation n'a pas ou peu évolué. Le 7 mai dernier, dans la capitale thaïlandaise, les ambassadeurs des Etats membres de l'UE en poste dans le royaume se sont réunis, avec des membres du gouvernement local, pour célébrer l'anniversaire de l'armistice de 1945 et la déclaration Schumann – soit les débuts de la construction européenne. Si l'Ode à la joie a pu résonner dans le hall du Mandarin oriental, à Bangkok, il y a fort à parier que les sujets les plus polémiques ont été éludés. Bruxelles doit pourtant continuer à mettre la pression – économique notamment – sur la junte militaire, et ce pour le respect de la démocratie.


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10 réactions à cet article    


  • asterix asterix 18 juin 2015 19:24

    Junte militaire ( la Maison royale ) ou affairistes corrompus ( Thaxin and company ) tel est le seul choix démocratique ( ? ) possible auquel est confrontée la Thaïlande. Parler de démocratie alors que depuis toujours le Thaï vend sa voix au plus offrant, c’est discourir dans le vide. Preuve en est, malgré le régime très liberticide du « Conseil du Peuple » non élu, aucune lame de fond démocratique ne se lève.
    Pourquoi ? Parce qu’il n’existe aucune tradition démocratique. Le Thaï obéit à l’ordre public à condition que celui-ci le laisse faire ses petites affaires qui vont de la simple survie aux empires industriels ou liés aux télécommunications.
    Franchement excuse-moi l’auteur, tu n’as rien compris au thaï way of life. On ne choisit pas entre la peste et le choléra. On s’adapte à l’un ou à l’autre et on ferme sa gueule, point. Voilà pourquoi la population ne bouge pas. Et de l’extérieur, de bonnes âmes estiment sans doute à raison qu’il s’agit d’une dictature militaire. C’est parfaitement vrai avec nos yeux d’Occidentaux. Le Thaï s’en fout : il est nationaliste enragé, convaincu de sa supériorité, jouette, amateur de picole et veut de l’ordre. Demain est un autre jour, Bouddha y pourvoira. Si la situation est telle aujourd’hui, c’est parce que la divinité l’a voulu. Fatalisme ? Mais non : il ne demande qu’une chose en dehors des bières qu’il s’enfile, les chansons de bélâtres qu’il écoute, les vilains fantômes qui peuplent son esprit, tout ce qu’il achète à crédit et les salons de massage qu’il fréquente : qu’on lui foute la paix.
    Ne le dérangez pas avec la politique, il n’en a strictement rien à faire puisque le seul choix se résume entre le parti de l’armée ( les jaunes ) et le parti de la police ( les rouges ). Pragmatique, il restera soumis parce que Bouddha lui a dit qu’il faut respecter plus puissant que lui et espère franchir quelques échelons dans sa prochaine vie.
    D’ici là, il doit faire du fric. C’est la seule chose qui l’intéresse : son MOI et devenir riche pour que les autres soient jaloux de l’importance qu’il a acquise Un MOI qui se fond dans un collectif de MOI dont chacun ne pense qu’à ses combines petites ou juteuses que son inventivité sans cesse renouvelée lui permet d’envisager. 
    Tout va bien à bord... Se plaindre fait mauvais genre. Il faut profiter de tout et vive la Nation !
    Ne pas voir la Thaïlande autrement qu’avec les yeux d’un thaï, c’est d’avance être à côté de la plaque. Pourquoi venez-vous l’emmerder avec des grands principes dont il n’a rien à cirer ?
    Jeudi, ce sera le jour de la loterie. Si Bouddha est bon avec lui, s’il a accumulé assez de mérites en restant soumis ou s’il n’a pas le mauvais oeil, il gagnera beaucoup d’argent sans rien faire, le summum de la réussite..
    L’autre moyen, c’est de faire turbiner les autres sans leur accorder la moindre importance.
    Fichez lui la paix, il est tellement plus astucieux que vous...
    Un régime militaire dites-vous ? Ah bon, il ne le savait pas !


    • Iren-Nao 19 juin 2015 10:01

      @asterix
      Je vois que vous avez compris la Thaïlande et ses habitants.
      J’y vis maintenant depuis près de 10 ans et pour dire vrai ce coup d’état n’a guère change ma vie et celle de mon environnement.
      Et puis il faudrait cesser de vouloir donner des leçons de democrassouille partout, comme en Libye ou en Syrie,, et maintenant en Ukraine avec les brillants résultats que nous constatons.
      On pourrait aussi suggérer aux Thaï un admirable referendum façon 2005...
      Par ailleurs j’ai toujours plus ou moins été un émigre, avec règle d’or que chez eux c’est chez eux et surtout pas mes oignons.
      Si ça me va pas je peux me barrer.
      Iren-Nao


    • MILAREPA 19 juin 2015 12:31

      @Iren-Nao
      Vous n’ êtes surtout qu’un farang et resterez un farang aux yeux des thaïs.

      Que vous y habitiez depuis 10,20 ans ou plus.

    • Iren-Nao 19 juin 2015 16:47

      @MILAREPA
      C’est absolument exact, et mon fils métis ne sera jamais vraiment un vrai Thaï.
      Mais je trouve qu’ils ont raison et on ferait bien d’en prendre de la graine.
      Iren-Nao


    • cevennevive cevennevive 19 juin 2015 10:51

      L’auteur,


      Mais pourquoi vouloir toujours aller « foutre son nez » dans les us et coutumes des autres Pays ?

      La Thaïlande, les Thaïlandais vous gênent ?

      A force de vouloir suggérer, voire « imposer », une démocratie à l’occidentale, nous en devenons inquiétants et criminels.

      L’une de mes filles a choisi d’y vivre. Et croyez-moi, les Thaïs sont magnifiquement sociaux, calmes, amicaux et apaisants, si loin de nos frénésies de consommation, d’urgence et de belliqueuses colères.

      Interrogez-vous : nos « magnifiques » démocraties occidentales ne se déguisent-elles pas, parfois, avec des vêtements puant la dictature ? Et nous ne le voyons pas...


      • MILAREPA 19 juin 2015 12:37

        @cevennevive
        Vous ne connaissez pas la Thaïlande pour déclarer que les thaïs sont loin de nos frénésies de consommation.

        Ils sont encore plus friands que nous de la « consommation ».
        Et certes ce sont des gens charmants, mais leurs caractères sont très forts.
        Mieux vaut éviter chez eux de commettre des impairs, critiquer le roi, la monarchie,s’ énerver et foutre le bordel sinon c’ est direct la case prison.

      • cevennevive cevennevive 19 juin 2015 10:57

        Bruxelles n’agit-elle pas quelquefois comme une dictature ? Peut-elle se permettre de donner des leçons, alors qu’elle tient la Grèce (et d’autres pays, hélas) sous le boisseau ?


        La « communauté Européenne » n’est certes pas une junte militaire. Mais ne se conduit-elle pas, de temps en temps, comme une autorité à l’emporte pièce, laminant les peuples sous ses fourches caudines lorsqu’elle ne tient pas compte des différences et des aspirations ?
         

        • asterix asterix 19 juin 2015 13:23

          Je constate qu’à une exception près, sûrement quelqu’un d’ébloui qui vit depuis six mois en Thaïlande et n’a encore rien compris au thaï way of life, que nous pensons tous de même sur ce qu’est vraiment le pays du sourire, un attrape-nigauds où il fait peut-être bon vivre si l’on s’assied sur toutes les valeurs qui ne sont pas celles DE L’ARGENT !!!
          La différence entre le Conseil du Peuple et le régime corrompu à l’extrême de Thaxin est que le racisme anti-blanc est beaucoup plus ouvert que par le passé.
          T’as du fric, cher visiteur bien-aimé ? Tu as droit à tout notre respect.
          T’en as à peine plus que nous ? Va te faire voir ailleurs, méprisable insecte.


          • Dupain Dupain 19 juin 2015 17:05

            Article très amusant, notre belle democrature européenne ne froncerait donc pas assez les sourcils face au sanguinaire coup-d’état de l’armée thaïlandaise ... ? , j’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aucuns liens corroborant une atteinte manifeste aux droits de l’homme dans l’article, pas très sérieux...
            Je vis en Thaïlande depuis plusieurs années, côtoie des thaïlandais qui travaillent, gagnent leur vie,la construisent, ne se saoulent pas du soir au matin, se foutent comme d’une guigne de la loterie et adorent mon horrible langage thaï.... mon cher Asterix , en Thaïlande aussi, il faut choisir ses fréquentations.
            Pour revenir à l’article, de ce que j’en ai compris en discutant avec les gens, point de réactions de la part des Thais car pour eux , l’armée sifflait la fin de la récréation, voyaient d’un très mauvais œil le système de corruption Thaksin et l’avènement d’une autocratie jaune.
            Les défis actuels de la Thaïlande sont énorme, le Roi est très malade ( bcp d’inquiétudes quant à sa succession, qu’on le comprenne ou non, la royauté est le ciment de ce pays, les thais ne disent pas le roi , mais Notre Roi ), tension permanante dans le sud, crise économique, mise en place de l’Asean où la Thaïlande entend jouer un rôle central et moteur.
            Car que cela plaise ou non aux states ou sa vassale européenne , la Thaïlande se tourne désormais, à grand pas, vers un partenariat avec ses voisins direct et la Chine, elle le fait d’une manière qui est la sienne, propre à sa culture et son histoire. Et pour ma part, j’ai le net sentiment que l’arrivée de l’armée est une réponse anticipée au probable jeu de dupes U.S et son florilège de révolutions colorées, sanguinaires , elles pour le coup !


            • asterix asterix 20 juin 2015 13:45

              Khn Dupain, sawadee khap !

              Figurez-vous que ...je suis d’accord avec vous ! Laissez-moi seulement penser que vous vivez dans un lieu-clos où l’on ne rentre que si on montre patte blanche, c’est à dire où l’on vit entre soi, entre gens de bonne compagnie et, éventuellement, avec des étrangers respectueux de l’ordre et disposant de moyens.
              Mon expérience est différente : ce sont 100.000 km de vélo à travers le pays. Si j’ai souvenance de Thaïs absolument extraordinaires ( celui qui a fait 60 km de voiture pour me rapporter mon passeport que j’avais oublié dans une guesthouse par exemple ) et cuttivés ( un docteur du peuple qui soignait indistinctement tout le monde pour 1 euro ) je pense avoir sur vous l’avantage d’avoir fréquenté des ThaIs de toute origine sociale. Vous savez, quand on arrive à vélo après 100 km sous le soleil, leur première réaction est : encore un européen qui ne sait pas se payer le songtheaw ( le bus rouge ). Ce que je n’ai jamais aimé là-bas, c’est l’intérêt primordial pour l’argent, le boucan phénoménal de leur musique à la con et le recul sensible dès le moment où on leur répond : non merci, je ne bois pas.
              Il s’agit d’un peuple esclavagisé par la consommation, que l’on pousse à vivre à crédit et qui doit respecter tout qui lui est supérieur, une notion étrange qui n’a pas court chez nous. Il se fout complètement de la politique parce qu’à TOUS les niveaux, seule la corruption joue. Il paiera sans sourciller s’il en est victime, mais jalousera fortement de n’avoir pas l’occasion ni les moyens de faire de même. Maintenant, si vous acceptez de verser une rançon de 5 euros à un flic pour qu’il ne vous foute pas une amende et que cela s’érige en système, libre à vous. Moi pas.
              Ne pas perdre la face, c’est d’abord fermer sa gueule et surtout ne pas se faire critiquer en public, car là il deviendra méchant. Pas tout de suite, mais il se vengera un jour, c’est sûr.
              Ariane Walter qu’on ne peut certainement pas soupçonner d’avoir sa langue en poche nous a, il y a quelques années, livré ses impressions sur le pays, elle était enchantée. C’est dire s’il faut du temps avant de le comprendre vraiment et,, forcément, l’expérience de l’un n’est pas celle de l’autre..
              Sujet non abordé, mais il faut bien y revenir : la femme. Objet de plaisir ( où elle prend sa part et du pognon ) c’est elle qui tient toute la structure familiale en main. Sans elle, le Thaï serait encore au niveau tribal ou presque. Les moeurs thaîs sont pour nous un sujet d’étonnement et pas rien qu’à Pattaya, je vous le ferai remarquer. Néanmoins, tous différents des nôtres qu’ils soient, ils reposent sur le même principe : il s’agit d’un être inférieur juste bon à ramasser du fric, à pondre des enfants que les pères abandonnent sans que cela les gêne et qui travaillent du matin au soir - ou font le tapin du soir au matin - parce qu’il n’y a pas de sécurité sociale et toute une famille à nourrir. J’ai pour elles, celles du matin comme celles du soir, le plus grand respect, mais franchement, ce mode de vie est d’une vacuité impensable et est, qu’on le veuille ou non, la règle ou alors vous n’avez pas les yeux en face des trous..
              Ceci dit, toute règle a ses exceptions,
              J’ai donc trouvé votre réaction légitime.
              Mes salutations..  

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Thierrym


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