The Big Reset
La pression démographique, les contraintes écologiques, étaient telles qu’il fallait urgemment établir un plan de survie. Qui le dirigerait : les chefs d’État, l’Organisation des Nations Unies, les Marchés ? Qui d’autres ? Quoi d’autres ? Qui dirigerait en fin de compte ?
Un tri des humains a toujours consisté à faire trois groupes : les Grands (ou élites, leaders, dirigeants), ceux qui les servent et les autres, la multitude. Les ressources disponibles de la planète et le niveau technique atteint limitent le nombre total d’individus qui peut subsister. Celui-ci ne peut plus être, bien évidemment, qu’une infime fraction du total actuel de l’humanité : 7 800 124 859 habitants. Les projections les plus rigoureuses donnaient le chiffre de 7 800 124 qui permettait de pérenniser l’espèce humaine, un peu plus de 7 millions donc, 0,1% de l’ensemble. Que faire de ceux qui se révéleraient surnuméraires ? Heureusement ils pouvaient espérer faire partie des esclaves associés aux membres de l’élite. Il avait été calculé qu’avec des conditions minimales de nutrition et de soins, chaque maître pouvait avoir 300 esclaves pour biner, bêcher, semer, chercher le bois sec ou les nouveautés technologiques, ventiler la sommité l’été venu… Ceci conduisait, si l’on comptait ensemble maîtres et esclaves, à un total d’un peu plus de 2 milliards d’individus, chiffre à ne pas dépasser pour limiter les contraintes sur les plus pauvres.
Encore fallait-il effectuer le ‘Grand Tri’ : qui constituerait l’élite, qui serait esclave, qui devait-on éliminer pour permettre aux autres de bien vivre ou de survivre selon sa communauté ?
L’état d’urgence étant proclamé partout dans le monde, les chefs d’État purent se préoccuper d’autres choses que de leurs occupations habituelles : (i) favoriser la croissance, (ii) faciliter la compétitivité des entreprises, (iii) travailler à la régulation de la finance… Il était d’ailleurs temps car plus aucun des électeurs qui restaient (l’abstention aux diverses élections atteignait maintenant 74,5%) ne croyaient une seule seconde qu’ils pouvaient influer sur le cours des choses. Bien entendu, les émois les plus criants étaient encore temporairement apaisés en empruntant de l’argent virtuel aux spéculateurs qui prenaient ainsi le pouvoir. Leur rôle s’arrêtait là. Et il ne reprendrait jamais le pouvoir pour prendre une quelconque décision, ils appliquaient ‘le principe de précaution’ : ne rien faire mais prudemment. La réunion des chefs d’État n’eut à donner pour résoudre la crise que des données techniques concernant leur ‘peuple’ : nombre d’habitants par tranche d’âge, nombre d’étudiants, espérance de vie de chaque cohorte, liste nominative des délinquants classés par la gravité du délit ou des crimes, nombre d’injures proférés sur internet, genre, état marital, nombre de compagnons par personne (homme/femme), expériences homosexuelles, le nombre résiduel de catholiques, la quantité annuelle de charcuterie alsacienne consommée, les commentaires politique publiés sur les réseaux sociaux, le nombre de fumeurs, de diabétiques, de bipolaires, d’éjaculateurs précoces, de philanthropes, de boulimiques, d’idéalistes, d’exhibitionnistes… Le Comité International des Droits de l’Homme avait limité à 400 giga-octets par personne les données que l’on avait le droit de collecter et traiter pour chaque citoyen de plus de 3 ans, 100 giga-octets pour les plus jeunes.
Le Forum Mondial de Davos était organisé par les 1000 entreprises multinationales engendrant plus de cinq milliards de dollars de chiffre d’affaires. On devenait membre du Forum en acquittant les droits d’adhésion requis (42 500 francs Suisse). Le Forum mandata 10 personnalités éminentes pour l’organisation pratique de la sélection, les choix finaux faisaient l’objet de débats et de votations par les seuls 1000 PDG membres de droit, furent pressentis :
Condoleezza Rice, Ban Ki-moon, Recep Tayyip Erdoğan, Hamid Karzai, Shimon Peres, Al Gore, Bill Clinton, Bill Gate, Paulo Coelho et Tony Blair. Bill Gate en fut proclamé Président à vie et reçut le prix Jean-Bédel Bokassa pour l’ensemble de son œuvre.
Les critères moraux, d’honnêteté, de droiture, de respect d’autrui, de sentiment de justice, ne pouvant pas être quantifiés, ne purent donner lieu à un classement fiable et furent rapidement écartés.
Pour préserver une certaine diversité biologique et culturelle, le cénacle des décideurs de Davos instituèrent que chaque Nation proposerait elle-même les 0,1% de la population qu’elle sauverait. Pour ne pas créer de tensions par la suite, seuls les plus riches seraient concernés, ils étaient connus pour savoir aisément surmonter leurs différences sans animosité. Toutefois, la population sélectionnée devra subir une analyse génomique poussée pour détecter d’éventuelles anomalies, elle ne devra comporter que des gens âgés de moins de 30 ans et devra appartenir aux différentes strates sociales représentatives d’un système sociologique stable : les 0,1% les plus riches footballeurs, hommes d’affaires, malfrats, bedeaux, scientifiques, mannequins, chanteurs de rock (ou apparentés), nageurs de 100m, politiciens, philanthropes, musulmans du golfe… le succès était le gage de leur qualité. L’harmonie dans la diversité de la ‘upper class’ ainsi sélectionnée était assurée. Il était entendu que seuls les hommes pouvaient faire partie de l’élite ultime, les femmes formeront elles exclusivement le bataillon des ‘soft slaves’. Le ratio d’un homme pour 300 esclaves femelles assure selon l’algorithme une non compétition entre mâles pour ce qui les préoccupe au plus haut degré : l’acte sexuel. Ceci laisse également le loisir aux femmes de se préoccuper d’autres choses que de satisfaire les besoins masculins et leur donne le temps nécessaire à subvenir à d’autres nécessités, moins essentielles probablement mais plus nombreuses.
Les études sociologiques assistées par l’intelligence artificielle montrèrent que les groupes de femmes exempts d’hommes, bien qu’ayant une productivité et une créativité inférieures, permettaient d’obtenir une excellente quiétude sociale ce qui rendait inutile les divers processus de coercition envisageables. L’économie faite était réelle même si quelques phénomènes de dominance calqués sur celles des mâles alpha pouvaient apparaître et perturber transitoirement la cohésion sociale. Quelques remontrances suffisaient à remettre les choses en ordre.
Même si chaque mâle du cénacle du peuple élu pouvait choisir librement les esclaves féminines de son choix, il était entendu qu’elles devenaient par la suite la propriété de la collectivité.
Les hommes du cénacle comme les femmes esclaves, s’il leur était loisible de se livrer à toutes les fantaisies susceptibles de les occuper, n’avaient pas le droit de se reproduire ensemble. Une banque mondiale de gamètes (spermatozoïdes et ovules) avait été constituée préalablement au grand remplacement et c’est à partir de celle-ci que de nouveaux êtres étaient créés conformément aux recommandations de l’Algorithme suprême qui veillait à la pérennité de l’espèce humaine.
Restait à éliminer le reste de la population !
Le cénacle pensa immédiatement aux vaccins qui tuent. Faire des vaccins tueurs était un jeu d’enfants, mais les vagues successives de variants ou de mutants de virus anciens avaient avivé les méfiances de tous et de chacun, personne ne se pressait pour se faire vacciner. Et le temps pressait : la température montait, elle atteignait déjà 3,9°C et d’immenses régions en Afrique équatoriale, au Brésil, au Venezuela, en Inde, en Chine connaissaient des seuils létaux, les personnes succombaient dès que le soleil perçait les nuages. La panique s’emparait des populations, des émeutes sans buts, sans objectifs, éclataient, juste pour se prémunir de la peur, pour penser à autre chose qu’à la mort.
Les experts trouvèrent la solution : il fallait vacciner à leur insu les personnes que l’on souhaitait épargner avant que de répandre par tous les moyens à disposition le virus qui exterminerait les quelques milliards d’habitants restants. Le cénacle approuva !
Avant que de procéder à la solution ultime, il fallait trouver des dérivatifs aux populations. L’Amour sous forme d’un dieu avait dangereusement dérivé vers des tendances égalitaires voire collectivistes depuis Bossuet et son sermon sur ‘l’éminente dignité des pauvres’. Il fallait s’en débarrasser ! Éradiquer l’Amour, c’était mettre fin à la famille, au Père, à la Mère, à l’amitié, aux sentiments les plus nobles. Pour ce faire, seul le cul pouvait convenir. Ce qui fut fait ! Noël fut remplacé par la fête de la défloration anale, les vidéos pornographiques furent mises à disposition gratuitement dès le plus jeune âge, les gens mariés depuis toujours furent ridiculisés par les animateurs télévisuels… Le schéma fonctionna, rien ne résiste à la médiocrité lorsqu’elle est recommandée par les puissants.
Les infectiologues Costaricain conservaient depuis le temps de la guerre froide une souche virale nommée H5N1-Modif qui s’était révélée d’une telle dangerosité que sa présence n’avait pas été révélée, même auprès de la communauté scientifique. La transmission virale pouvait s’effectuer avant l’apparition des symptômes via les voies respiratoires, la seule proximité, même sans contact, permettait à l’infection de se répandre. Le taux de mortalité était proche de 100%.
Les personnes ciblées de l’élite reçurent par la poste traditionnelle un paquet en recommandé : il contenait une girafe Gulli. En la pressant un aérosol contenant le vaccin permettant de combattre le virus H5N1-Modif venait imprégner le tissu bronchique de la personne qui l’avait actionnée. Elle serait sauve, elle ne le savait pas, elle ne le saurait jamais, tout serait fait pour qu’elle croie à la providence. L’élite élue devait transmettre la girafe aux 300 personnes de son choix, tel qu’il était indiqué dans la lettre d’accompagnement. Le taux de protection effectif de la population ciblée n’excéda pas 78%. Malgré le déchet vis-à-vis de l’objectif, la seconde phase fut entamée, les désordres, les émeutes, les troubles éclatant chaque jour de plus belle.
Les avions, les drones, les hélicoptères, les camions équipés de pulvérisateurs et toutes sortes d’autres engins entamèrent des rondes incessantes en pulvérisant des centaines de milliers de mètres cubes de liquides contenant le virus H5N1-Modif. Une prime fut offerte aux ouvriers les plus laborieux, ce qui n’empêcha pas leur élimination ultérieure à la machette. En quelques semaines tout fut consommé.
Et un monde merveilleux, digne des promesses du Paradis perdu, put s’installer. Les peuples élus ne craignaient plus qu’une chose : mourir d’ennui.
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