Theresa May continue à creuser… sa tombe
Lors du banquet du Lord-Maire – un rassemblement traditionnel de l’élite financière de Londres organisé par la municipalté – lundi dernier, Theresa May s’en est prise à Vladimir Poutine qu’elle a accusé de s’ingérer dans les élections britanniques et de répandre de fausses nouvelles, propos qui, à défaut de convaincre son auditoire ont révélé au public son désarroi politique.
Sa tendances naturelle à reprendre les succès du hit-parade écrits par Hillary Clinton illustre le fait que, à l’image de la grande perdante des élections présidentielles américaines, le premier ministre du Royaume-Uni refuse d’admettre sa responsabilité personnelle dans la déroute politique qu’elle est en train de vivre à travers une négociation du Brexit calamiteuse.
Telle une enfant gâtée habituée aux cadeaux sans se demander d’où ils viennent, Hillary Clinton avait arraché son investiture comme candidate du Parti Démocrate à Bernie Sanders grâce à ses appuis au Comité National Démocrate. Elle était persuadée que rien ne pouvait lui résister et qu'elle ne pouvait pas perdre contre Donald Trump, Elle avait tort car elle n’avait pas compris quel niveau de ressentiment elle avait elle-même nourri chez les électeurs américains en affichant ses connivences avec Wall Street.
Au Royaume-Uni, Theresa May a pris la succession de David Cameron qui avait perdu un pari risqué sur la sortie de l’UE mais bénéficiait d’une majorité parlementaire viable. Elle aurait pu faire fructifier ce fond de commerce « familial », mais elle a préféré faire un autre pari risqué en provoquant des élections législatives anticipées parce qu'elle a cru aux prédictions quasi astrologiques de médias plus à l’aise dans l’incantation que dans l’analyse. Les journaux l’avaient convaincue, parce qu’elle voulait y croire, que le parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn s’écroulerait à cette occasion, lui laissant une victoire écrasante.
Or, ce qui s’est passé, c’est que le parti travailliste a gagné des sièges, que la position de Corbyn s’en est trouvée renforcée alors qu’elle-même est ressortie affaiblie de ce scrutin et qu’elle s’est retrouvée pieds et poings liés avec des manipulateurs comme Philip Hammond et Boris Johnson qu’elle a préféré conserver dans son Cabinet pour ne pas s’en faire des ennemis dangereux en les limogeant. Puis elle a dû se séparer coup sur coup de deux ministres qui ont déferlé la chronique, l’un pour ses frasques mondaines, l’autre pour incapacité à accomplir des missions pour le compte du MI6 (Pour qui sonne le glas ? Madame Patel ou Madame May ?)
Après ces erreurs tactiques magistrales, plutôt que de se livrer à une autocritique salutaire, Mme May s'en est prise lundi soir… aux dirigeants russes. Pour elle, Moscou s'est ingérée dans les élections britanniques en faisant circuler de « fausses informations et des images retouchées dans le but de semer la discorde en Occident après avoir provoqué un conflit en Ukraine ». De telles allégations ressemble à s’y méprendre à une esquive, ce qui s’appelle prendre la tangente ou botter en touche.
Pourtant, elle devrait connaitre l'histoire du pays dont elle est le premier ministre. Pense-elle que les services de sécurité britanniques n'ont joué aucun rôle dans les événements qui ont affecté les pays qui étaient autrefois de proches alliés de Moscou ou certaines des républiques qui constituaient l'Union Soviétique ?
Le conflit en Ukraine n'a jamais fait partie l’objet d’une planification de la part de Poutine. La Russie était favorable à l'ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch, qui souhaitait être membre de l'Union Européenne tout en maintenant les liens commerciaux existants et les relations amicales avec la Russie. Par contre, pour l'UE, les États-Unis et la Grande-Bretagne, c'était tout ou rien et ils ont soufflé sur les braises de Maidan, l’événement qui a permis d’évincer le président et qui a provoqué un conflit armé dans l'est du pays.
Mme May a aussi fait référence à « l'annexion illégale de la Crimée par la Russie » comme étant « la première fois depuis la seconde guerre mondiale qu'une nation souveraine a pris de force un territoire d'un autre en Europe ». Or, en fait, la Crimée avait été transférée de Russie en Ukraine par Nikita Khrouchtchev en 1954 dans le cadre d’une opération opaque qui n'a été ni expliquée ni débattue à ce moment-là. La Crimée était alors (et est toujours) peuplée massivement par des Russes et Sébastopol était (et reste) le port d'attache de la flotte russe de la Mer Noire.
Après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, les puissances occidentales et leurs sociétés transnationales se sont implantées la Russie avec la complicité du président corrompu Boris Eltsine qui a permis aux oligarques de s’approprier le patrimoine industriel du pays et a offert un marché juteux à ses généreux amis.
Poutine n'est pas bolchevik. Il n'est pas non plus un anti-impérialiste. Il aurait sans doute préféré agir en tant qu’ami de l'Occident, mais la « communauté internationale » ne lui a pas laissé le choix. Si son « régime corrompu » s’est immiscé dans les affaires des Britanniques comme le prétend Mme May, et s’il a « diffusé de fausses nouvelles », il n’a fait que suivre l’exemple donné depuis longtemps par les maîtres de l’art, les meilleurs du monde, les services secrets anglais.
Quels que soient les discours de Mme May, les problèmes de Londres ne viennent pas de Moscou. Ils sont produits localement : « exclusively made in Britain ».
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