Thérèse Pierre, intellectuelle, combattante, martyre de guerre (1908-1943)
Lesbienne, communiste, femme du 20ème siècle. Son histoire a été recontée par le réalisateur alsacien Robin Hunzinger. Un souvenir à l’occasion de son décès, il y a quatre-vingts ans.
Il y a exactement quatre-vingts ans, au plus fort de la folie guerrière, Thérèse Pierre, professeure, jeune femme communiste et combattante de la liberté contre le nazisme, était arrêtée par la Gestapo à son domicile de Fougères, sauvagement battue et torturée par les policiers français du Service de police anticommuniste (SPAC) au point de ne plus pouvoir bouger, et finalement retrouvée pendue à la prison Jacques Cartier de Rennes, sans avoir révélé les noms de ses compagnons de lutte. Nous sommes le 26 octobre 1943. Avant d'expirer, Thérèse, dans un faible souffle de voix, avait dit : « Je ne parlerai pas... Ils ne me feront pas parler... Ils n'ont rien obtenu de moi ». A sa mort, la femme n'avait que 35 ans.
J'ai découvert l'histoire de cette héroïne de la résistance presque par hasard grâce à un documentaire délicat et puissant du réalisateur français Robin Hunzinger, intitulé Où sont nos amoureuses, disponible dans son intégralité en ligne, ici : www.les-docus.com/ou-sont-nos-amoureuses.
Dans cette œuvre réalisée en 2007, la vie privée de Thérèse est mise en lumière par le réalisateur. Fille de deux instituteurs vivant à Épernay, dans la Marne, Thérèse est née le 5 novembre 1908. Elle fréquente des écoles normales de l’État dans la Marne puis à Nancy. Dans cette ville, en 1929, dans une classe préparatoire au concours d'entrée à l'école normale, Thérèse, âgée de 21 ans, rencontre Emma Pitoizet, 23 ans. Un grand amour et une passion sensuelle se développent entre les deux jeunes filles, que le réalisateur Robin Huzinger, neveu d'Emma, reconstitue dans le documentaire à partir de lettres et de documents d'archives des années 1930-40.
Emma est la mère de l'artiste et écrivain français Claudie Hunzinger, la mère du réalisateur.
Emma est diplômée en lettres modernes de la Sorbonne, Thérèse est d'abord institutrice et puis professeur de sciences naturelles.
Emma et Thérèse vivent ensemble pendant un certain temps, rêvant d'une vie active et intellectuellement riche. En 1935, elles partent en voyage en URSS pour étudier l'émancipation des femmes russes et rêvent d'adopter un enfant. Le militantisme politique de Thérèse se manifeste en 1936 par des collectes pour les républicains espagnols et une intense activité politique dans les rangs du Parti communiste de la Meuse. Elle est également responsable du Comité des femmes contre la guerre et le fascisme à Bar-le-Duc, qui publie un bulletin mensuel, Femmes de la Meuse, de 1937 à 1939. Trésorière de la Ligue des combattants pour la paix, elle intervient le 11 novembre 1938 à Verdun (Meuse) lors d'une réunion de femmes pacifistes.
La liaison entre Emma et Thérèse s'arrête brusquement en 1935. Cette année-là, Emma rencontre Marcel Schmitt, un Alsacien, veuf avec deux enfants. C'est le coup de foudre. Profondément désillusionnée par Emma, accablée par le chagrin de leur rupture, Thérèse se retrouve seule. C'est précisément cette solitude qui la pousse à s'engager dans la lutte pour la justice. L'avènement d'Hitler rend le parti communiste illégal, ce qui l'oblige à s'organiser dans la clandestinité. Emma, quant à elle, donne naissance à trois enfants entre 1935 et 1940. La femme enseigne à Comar jusqu'à ce que l'Alsace soit annexée au Reich. Elle cesse d'enseigner et reprend bien des années plus tard, en 1952, à la fin de la guerre. En Alsace, où les Allemands ont pris possession des lieux, il est interdit par le gouvernement allemand de parler français. Marcel, grâce à sa protection, n'aura pas à quitter l'Alsace simplement parce qu'il a épousé une Française. Emma ne devra pas être entendue parler français, même dans le jardin, et devra communiquer en alsacien avec les enfants et les domestiques. Par ailleurs, chef d'entreprise, Marcel était membre du parti national-socialiste et portait le symbole de la croix gammée sur sa veste.
Thérèse, elle, se lance corps et âme dans la résistance antinazie. A Carhaix, au début de l'année 1942, elle rencontre un officier de la Résistance du Finistère, le futur lieutenant-colonel Pascal. Thérèse Pierre a alors 34 ans et est militante communiste. Elle s'installe à Fougères en 1942 et devient chef de quartier, sous le nom de Madeleine. Elle participe à l'organisation des groupes Francs-Tireurs et Partisans et à leur armement. Elle avait un charisme incroyable et une grande capacité à se faire écouter et obéir, autant de qualités qui la rendaient capable d'encadrer plus d'une centaine d'hommes de toutes conditions et de tous âges. C'est ce qu'a déclaré Germaine Guénée, résistante et amie intime de Thérèse Pierre, lors de l'inauguration d'une plaque commémorative au lycée Thérèse Pierre de Fougères, le 27 octobre 1979.
La lettre d'une amie parvint à Emma lorsque Thérèse fut faite prisonnière par la Gestapo le 23 octobre 1943.
Le corps de Thérèse Pierre est inhumé au cimetière de l'Est à Rennes, puis transféré au cimetière du Nord à Épernay (Marne) en 1946. En 1945, elle reçoit à titre posthume la Croix de guerre avec étoile d'argent et est citée à l'ordre de la division. Elle reçoit le titre d'Internée de la Résistance, ainsi que la Médaille de la Résistance avec Rosette par décret du 10 janvier 1947, publié au Journal Officiel le 11 janvier 1947.
Des plaques commémoratives en sa mémoire ont été apposées dans les écoles de la Marne, de Fougères et de Reims. Il figure également sur la liste des internés du Monument aux Martyrs de la Résistance à Épernay.
Emma est décédée en 1987.
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