Thomas, ingénieur et SDF
De reconversion en reconversion, les rencontres se suivent.
En ce moment, ce sont de jeunes ingénieurs en chimie, physique, etc, bref des bac + 5 en matières scientifiques qui sont venus se reconvertir en informatique dans l'espoir de trouver du travail. La plupart n'a jamais travaillé, à part deux qui ont travaillé un an.
Dans le discours du gouvernement, le chômage des jeunes est dû au manque de diplôme. Dans la pratique, je côtoie des jeunes diplômés sans travail.
Thomas a l'esprit vif et des capacités. Il veut travailler. Ses remarques sont pertinentes et toujours positives.
Il a des soucis de logement. En clair, il en a pris un à la semaine qui vaut au bas mot le double d'un loyer normal, et bientôt il n'aura plus assez de ressources pour assurer.
Nous ne sommes pas à Paris, mais dans une métropole de province, et lui vient d'une autre métropole de province.
Il avait mis son CV sur un site de recrutement et avait été approché par une société de services en informatique (SSII) qui lui a proposé de le former et de le placer comme prestataire chez un client.
Il a donc quitté son domicile et sa copine, ayant compris que c'était temporaire et qu'il reviendrait trouver du travail dans sa ville.
Mais le marché de l'emploi n'est pas si prospère. Il n'a pour perspective qu'un emploi dans la ville où il est venu se former.
Il lui faut se loger le temps de la formation et ensuite quand il sera employé.
Les difficultés de logement s'ajoutent aux difficultés de travail.
Les propriétaires réclament un cautionnement, de peur des lois officiellement inventées pour protéger les locataires et qui en fait font craindre les mauvais payeurs, de bonne ou de mauvaise foi, et contre lesquelles ils ne peuvent en pratique se retourner.
Thomas n'a pas de ressources suffisantes.
La SSII veut bien se porter garante, mais elle mentionne que la garantie n'est valable que le temps qu'il est salarié chez elle.
Les propriétaires sont refroidis. La garantie est trop aléatoire et ne les protège en rien.
D'habitude, ce sont les proches qui se portent garants.
Mais dans sa famille, entre les décédés et les retraités à faible pension, personne ne peut lui être utile.
Du côté de sa copine, il a le beau-père. Il est chef d'entreprise. Ou plutôt il était chef d'entreprise.
Celle-ci marchait bien... jusqu'au jour où …
… jusqu'au jour où il a accepté la commande d'un client. Toutes les informations recueillies étaient rassurantes. Mais le client avait lui-même un client qui a mis la clé sous la porte. Lessivé, le client a lui aussi mis la clé sous la porte.
Le beau-père de Thomas avait émis des factures pour les travaux effectués, en indiquant bien sûr les taxes dont la TVA.
Le fisc a réclamé l'argent qui lui était dû. Si la facture est émise, qu'elle soit payée ou non, il faut régler.
Le beau-père a donc payé les taxes et impôts sur les sommes qu'il n'avait pas touchées et qui se sont ajouté aux frais qu'il avait engagés pour honorer la commande.
Étranglé de toutes parts, il a mis la clé sous la porte.
Thomas ne m'a pas dit si des fournisseurs de son beau-père avaient été fragilisés et par un effet de dominos avaient aussi déposé le bilan.
Mais il lui demandé de se porter garant. Sans trop d'illusion. Il faudra qu'il trouve un propriétaire qui accepte la garantie.
S'il ne peut pas se loger ici, il pourrait retourner dans sa ville. Mais il lui faudra rembourser à la SSII un dédit pour la formation qu'il a reçue. Près de 10.000 euros. Où va-t-il trouver cette somme ?
Et pourtant il existe des locataires heureux, comme Julie.
Son père habite en province et a changé d'employeur et de région pour devenir directeur dans une ville où sa fille a elle aussi trouvé du travail. Son nouveau poste le pousse à passer le plus clair de son temps en déplacement.
Il a choisi un gentil pied à terre qu'il pensait prendre en son nom et laisser à sa fille.
Il s'est aperçu que c'était plus avantageux de le prendre au nom de sa fille et de se porter garant. Son salaire est élevé, et sa fille est jeune et sans diplôme. Elle commence de travailler. Elle a droit à des aides de l'Etat.
Pour lui, c'est tout bénéfice. Il avait grandement les moyens de payer. Il se fait rembourser une partie du loyer.
Je suis trop vieux pour comprendre comment la société veut fonctionner. Je vois partout que ça empire.
Quand je suis venu à Paris, il y avait des clochards.
Un été je suis allé en Inde et j'ai été surpris à new Delhi d'enjamber des SDF couchés dans la rue.
Les années ont passé. Il n'y a plus de clochards à Paris, mais des SDF couchés dans la rue.
Comprenne qui pourra, et bien malin celui qui pourra me l'expliquer.
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