• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Thomas Piketty : un extravagant plaidoyer pour la finance internationalisée...

Thomas Piketty : un extravagant plaidoyer pour la finance internationalisée...

Nous avions laissé Thomas Piketty au moment où il constatait que le rattrapage obtenu, sur les pays les plus développés, par différents pays asiatiques (Japon, Corée, Taïwan en leur temps, et Chine aujourd’hui) ne devait rien aux investisseurs étrangers. Voici la suite :

JPEG

« Inversement, les pays possédés par d’autres, que l’on considère le cas de l’époque coloniale ou de l’Afrique actuelle, ont connu moins de succès, en particulier du fait de spécialisations parfois peu porteuses et d’une instabilité politique chronique. » (Idem, page 121.)

Cette inflexion soudaine de la pensée de l’économiste Thomas Piketty vers la problématique politique ne paraît pas être qu’accidentelle. En tout cas, dans l’immédiat, nous le voyons s’y avancer avec une certaine prudence :
« Il n’est pas interdit de penser que cette instabilité s’explique en partie par la raison suivante : quand un pays est pour une large part possédé par des propriétaires étrangers, la demande sociale d’expropriation est récurrente et presque irrépressible. » (Idem, page 121.)

C’est-à-dire qu’il y a une résistance à l’impérialisme, résistance qui peut aller jusqu’à mettre en cause, de façon plus générale, la notion même d’appropriation privée des moyens de production. Ce qui est la voie typiquement révolutionnaire qu’énonce la pensée marxiste. Gare !

En face de quoi, que trouve-t-on ? Dans le langage de Thomas Piketty, voici ce que cela donne :
« D’autres acteurs de la scène politique répondent que seule la protection inconditionnelle des droits de propriété initiaux permet l’investissement et le développement. » (Idem, page 121.)

"Protection inconditionnelle", en termes politiques, cela pourrait vouloir signifier : par la force, et, éventuellement, de façon dictatoriale.

S’agissant de la confrontation des deux camps précédemment déterminés, nous en arrivons à ceci :
« Le pays se retrouve ainsi pris dans une interminable alternance de gouvernements révolutionnaires (au succès souvent limité pour ce qui est de l’amélioration réelle des conditions de vie de leur population) et de gouvernements protégeant les propriétaires en place et préparant la révolution ou le coup d’État suivant. » (Idem, pages 121-122.)

Or, l’essentiel est dans la parenthèse : la révolution ne peut que nuire aux conditions de vie de la population des pays "pauvres". Il est donc parfaitement inutile pour elle de mettre en cause l’appropriation privée des moyens de production…

Cependant, le problème reste entier :
« L’inégalité de la propriété du capital est déjà une chose difficile à accepter et à organiser de façon apaisée dans le cadre d’une communauté nationale. À l’échelle internationale, c’est chose presque impossible (sauf à imaginer un rapport de domination politique de type colonial). » (Idem, page 122.)

À nouveau, c’est la parenthèse qui vaut… Irak, Libye, Syrie, et tout ce que la France fait très régulièrement en Afrique depuis un temps immémorial, sans compter ce qu’elle fera encore demain.

Mais y a-t-il une tierce solution ?

Après avoir indiqué que la Chine, le Japon, la Corée ou Taïwan ne se sont pas développés à partir de leur insertion dans la rotation des capitaux d’origine étrangère, mais plutôt en raison de leur ouverture au commerce international, Thomas utilise une nouvelle fois l’argument d’autorité :
« Les études disponibles montrent également que l’immense majorité des gains apportés par l’ouverture des échanges commerciaux provient de la diffusion des connaissances et des gains de productivité dynamique entraînés par l’ouverture, et non des gains statiques liés à la spécialisation, qui apparaissent relativement modestes. » (Idem, page 122.)

Ensuite, il peut dévaler cette pente quasiment en roue libre :
« Pour résumer, l’expérience historique suggère que le principal mécanisme permettant la convergence entre pays est la diffusion des connaissances, au niveau international comme au niveau domestique. Autrement dit, les plus pauvres rattrapent les plus riches dans la mesure où ils parviennent à atteindre le même niveau de savoir technologique, de qualifications, d’éducation. » (Idem, pages 122-123.)

L’appropriation privée des moyens de production n’est donc pas mise en cause directement, mais seulement la prééminence internationale des plus riches… Sauf qu’ils se reconvertissent vers cet autre circuit que leur indique ici Thomas Piketty, et, avec lui, la communauté des porteurs du savoir idoine, car…
« Ce processus de diffusion des connaissances ne tombe pas du ciel : il est souvent accéléré par l’ouverture internationale et commerciale (l’autarcie ne facilite pas le transfert technologique), et surtout il dépend de la capacité des pays à mobiliser les financements et les institutions permettant d’investir massivement dans la formation de leur population, tout en garantissant un cadre légal prévisible pour les différents acteurs. » (Idem, page 123.)

Car la cohorte des petits Piketty sait qu’il faut une caution la plus solide possible à l’intérieur des pays visés :
« Il est donc intimement lié au processus de construction d’une puissance publique légitime et efficace. » (Idem, page 123.)

Ce qu’en langage bidouillé d’aujourd’hui on appelle : l’État de droit… Arrivé à la fin de ce chapitre intitulé "revenu et production" dont il n’aura, en réalité, retenu que le premier terme, notre économiste, fer de lance de celles et de ceux qui, dans le monde, se prennent pour les vrais détenteurs des meilleures articulations symboliques adaptées au temps présent, ne manque pas d’affirmer que la conclusion à laquelle il vient de nous conduire est décidément imparable :
« Tels sont les principaux enseignements, rapidement résumés, qui ressortent de l’examen de l’évolution historique de la croissance mondiale et des inégalités entre pays. » (Idem, page 123.)

Michel J. Cuny


Moyenne des avis sur cet article :  1/5   (9 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité




Palmarès



Publicité