Timides réflexions sur la démocratie
‘Si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats’. Que faire sinon ‘Substituer les braves gens à la bonne compagnie’ dans toutes les instances de décisions.
Combien d’amis ? Cela dépend de l’âge, jeune un peu moins d’une dizaine, retraité environ quatre, en moyenne générale six. Quant aux meilleurs amis dans lesquelles nous avons pleine confiance, ils seraient moins de quatre. Ces chiffres sont à rapprocher du nombre de partenaires sexuels durant une vie, environ 10, légèrement moins pour les femmes que pour les hommes. Durant les 35 ans que va durer sa vie professionnelle, le Français va avoir infiniment plus de relations mais peu, voire aucunes, ne deviendront une personne sur laquelle on pourra se fier sans aucune réticence. En d’autres termes, l’amitié ou son idéal l’Amour, n’est pas la relation ‘normale’ entre deux êtres, et encore moins dans une collectivité qui n’aurait que faire des lois si la fraternité régnait. Tout au contraire, les autres sentiments, de l’intérêt à la perversion, sont tellement fréquents quils sont qualifiés eux de ‘naturels’.
Personne n’est capable de définir l’Amour, qui peut être vu comme quelque chose d’abstrait, de naïf, d’idéaliste, d’innocent… de godiche. Pourtant, il ne traduit seulement que des relations au delà des intérêts réciproques, des échanges régis par une forme de transcendance difficile à définir même au niveau individuel.
Mais une société, une civilisation, implique une collectivisation sans concession rendue nécessaire par la répartition des tâches, gage d’efficacité, gage de productivité, gage aussi d’innovations. En conséquence, une obéissance aveugle à des lois, des règlements, des directives, des recommandations doit être instituée. L’amour de ces lois peut suffire, mais souvent il ne suffit pas. L’écriture des préceptes fut confiée à des petites minorités seules aptes à le faire, mais elles aussi plongées dans le monde de l’intérêt imméfiat.
Pouvoir croire qu’un groupe d’individus puisse faire abstraction de ses intérêts personnels est aussi naïf que de croire en l’amour, les élites devaient faillir à cet égard, elles ont failli. Lorsque vous occupez une quelconque place dite de responsabilité vous regrettez que les ‘autres’ ne vous ressemblent pas, et soit que vous essayez de leur procurer ce qu’ils leur manquent pour qu’ils s’identifient à vous, soit que vous faites en sorte qu’ils ne le puissent jamais se le procurer. Ce cheminement est inévitable et ne dépend ni d’un type d’élection ni d’une sorte de gouvernement. Même dans une démocratie idéale, le mode de sélection du responsable va dépendre de son aptitude à paraître, à se battre contre ses innombrables rivaux, à posséder un art oratoire ou un bagou d’exception mais il ne dépendra que marginalement de son aptitude à trouver des solutions optimales afin de satisfaire l’intérêt commun. Le mode électif même universel n’a jamais favorisé l’émergence de gens simplement braves et honnêtes, même durant les temps révolutionnaires, pour la simple raison que ces traits sont encombrants pour terrasser adversaires ou ennemis.
Une expérience célèbre exposée au Palais de la découverte démontre sans ambiguïté qu’il est strictement impossible de faire abstraction de son vécu ou de son milieu social lorsqu’une décision est prise. Les idéologies religieuses ou politiques s’efforcèrent pourtant d’y parvenir, mais sans succès. Pour représenter une population, il est indispensable qu’un échantillonnage représentatif de toutes les classes et sous-classes de cette population soit consulté indépendamment de sa culture, de son rang social, ou de son brio oratoire, universitaire, littéraire ou scientifique.
L’humanité se divise selon les usages en ‘battants’ : ceux qui combattent, en ‘savants’ : ceux qui essaient de s’élever par la connaissance, en ‘indécis’ la grande majorité. Les futurs dirigeants tentent par tous les moyens de convaincre ces derniers pour arriver à leurs fins.
Le mode de représentation permet aux ‘battants’ de participer très majoritairement à l’organisation de la Cité. Il s’en suit non pas un débat démocratique mais un spectacle où tous les coups sont permis, coups de théâtre bien sûr, mais aussi coups bas. La majorité fait tout son possible pour démontrer qu’elle représente la vérité absolue et entérine sans barguigner les décisions gouvernementales, sa réélection en dépend. L’opposition recherche toutes les failles possibles qui permettront d’abattre la majorité. Des propositions peuvent être faites pour modifier cet état de choses.
L’élection du Président de la République au suffrage universel direct est sans doute préférable aux autres modes de désignation si l’on veut obtenir un arbitre qui statue en dernier ressort à l’abri des éclats du quotidien. Il n’a par contre rien à faire dans les médias où seuls le Premier ministre et les membres du gouvernement devraient paraître.
Le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) devrait être modifié afin que ses membres soient désignés par tirage au sort afin de constituer un panel représentatif de toutes les catégories de la population déterminées par les revenus et le patrimoine, en excluant toute segmentation basée sur le sexe, la religion, l’ethnie ou toute autre considération. La consultation du CESE se ferait par Internet ce qui permettrait d’obtenir l’avis de 50 000 citoyens restant anonymes. Les lois seraient discutées et rédigées par l’Assemblée des Maires de France sous sa forme actuelle après que l’orientation de la loi ait été soumise au CESE pour accord préalable.
L’Assemblée des maires de France (AMF) remplace l’actuelle Assemblée nationale de fait dissoute. Le Sénat sous sa forme actuelle examine comme à présent les textes de loi en deuxième lecture.
La loi élaborée et votée par l’AMF et le Sénat est finalement validée ou repoussée par le CESE.
Il y a lieu de s’interroger si le bon sens des gens ordinaires peut remplacer la compétence auto-proclamée d’une minorité.
Le caractère attracteur d’une théorie, d’une vision ou d’une proposition connaît plusieurs phases successives. Après les dieux sorciers, il émergea, dans le réel ou l’imaginaire, un Dieu bienfaisant facile à comprendre, mais si difficile à imiter que personne n’essaya vraiment. Des lettrés s’emparèrent du sujet et mirent sur pied un Bien, un Mal pour canaliser les élans dans la direction qu’ils jugeaient souhaitable. Les textes se complexifièrent et devinrent interprétables par les seuls initiés qui prirent en conséquence le pouvoir à la place du divin. Un problème est rarement compliqué mais toujours rendu complexe par ceux qui y ont intérêt. Le ‘bon sens’ n’est pas aussi rudimentaire qu’on pourrait le prétendre mais il ne tient en compte que l’essence, le suc des choses en laissant de côté les rapports de force, les aspects culturels, les innombrables ruses de l’esprit. L’homme ordinaire est capable de se déterminer en fonction de son vécu quotidien et d’un futur clairement exposé. N’ayant pas de contradicteurs il n’a pas à assumer les côtés guerriers nécessaires à la prise de décision. Des panels de personnes tirées au sort sont parfaitement aptes à assumer des fonctions décisionnaire si les questions sont bien posées et les objectifs clairement ciblés. Quels sont-ils ?
"Nous voulons une patrie qui procure du travail à tous les citoyens ou les moyens de vivre à ceux qui sont hors d’état de travailler.
Nous voulons une cité où les transactions seront la circulation de la richesse et non pas les moyens pour quelques uns d’une opulence fondée sur la détresse des autres,
Nous voulons une organisation humaine où les mauvaises passions : l’égoïsme, la cupidité, la méchanceté, seront enchainées.
Nous voulons substituer la droiture aux bienséances, substituer le mépris du vice au dédain du malheur, substituer les braves gens à la bonne compagnie.
Nous voulons une demeure des Hommes où toutes les âmes s’agrandiront."
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