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Timing d’une rumeur ou comment optimiser son ROI sur un coup de fil

Quel est le bon moment pour déclencher une rumeur ? Naturellement, la réponse sera quand on a besoin. Certes ! Seulement, il existe des moments plus propices que d’autres. Donc, notre parfait petit rumorologue se débrouillera pour synchroniser ces moments de besoin et ceux durant lesquelles la rumeur a le plus de chance de fonctionner.

La règle est simple : ne déclenchez pas vos rumeurs quand tout va bien. Il faut garder à l’esprit que les moments les plus anxiogènes sont fortement générateurs de rumeurs. La corrélation anxiété/rumeur n’est plus à prouver. 

La rumeur a une fonction cathartique qui prend toute son ampleur dans un contexte d’anxiété, voire de certaines peurs. Les moments d’équilibre et de tranquillité sont donc à bannir pour nos déclenchements de rumeurs. Nous verrons dans un prochain article que les moments de tranquillité sont eux-mêmes largement manipulables. En fait, les moments anxiogènes sont de deux sortes : ceux qui sont prévisibles et ceux qui ne le sont pas.

1) Les moments anxiogènes prévisibles

Comme on peut les anticiper, ces moments pourront être soigneusement préparés. Nous avons tout le temps pour leur accorder le plus grand soin. Nous classerons dans cette famille toute forme d’échéances. Une échéance est synonyme de prise de décision qui est elle-même génératrice d’anxiété et donc de rumeur. Il faut souligner que la nature de l’échéance est rigoureusement sans importance. Néanmoins, le renouvèlement de dirigeants que cela soit dans le monde économique (comme une OPA) ou politique reste probablement la source d’anxiété la plus courante (avec celle de se faire virer, mais les deux sont fortement liées).

Au hit-parade des moments anxiogènes prévisibles : les élections présidentielles. Moment béni parmi tous durant lequel le pays retient son souffle pour des raisons mystérieuses. Nous avons cinq ans pour préparer nos rumeurs donc aucune erreur ne sera admise. De plus, les politiciens ont eu le bon goût de passer du septennat au quinquennat. Augmentant d’autant la fréquence de l’exercice et faisant ainsi preuve de la meilleure volonté pour nous faciliter la tâche.

Ne serait-il pas temps que quelqu’un suggère de calquer notre système électoral sur le modèle américain avec une élection tous les quatre ans ?

2) Les moments anxiogènes imprévisibles

Il faut garder à l’esprit que les raisons de l’anxiété sont sans importance et que seule l’anxiété compte. Dans ce cas de figure, il faut mitonner sa rumeur à titre préventif et attendre. L’attente n’est jamais très longue et là, nous essaierons de privilégier la très efficace famille des alertes sanitaires. Peu importe l’alerte d’ailleurs. Choisissez ! Une vache folle, un poulet ou cochon grippé, un Mediator, la consommation d’OGM (Ahh, l'impayable Monsanto *), etc. D’autres familles sont d’excellentes valeurs telles que les bruits de bottes aux frontières, les cracks financiers et toutes sortes de motifs d’écroulement de nos vies.

Et puis, il existe le moment d’exception, voire d’anthologie. Celui que le rumorologue risque de ne jamais rencontrer deux fois dans sa vie. Celui que les dieux ont choisi pour descendre sur terre. Moment qui n’appelle plus seulement à l’anxiété, mais à la tétanisation pure et simple du monde.

Moment qui eut lieu le 11 septembre 2001 à 8:19.

On devine sans effort que synchroniser une rumeur avec les moments anxiogènes prévisibles est plus facile que de la synchroniser avec les moments imprévisibles. D’ailleurs, cette synchronisation relève plus souvent de la chance que du bon management. Imaginez la somme de hasards nécessaires pour que vous ayez besoin d’une rumeur au même moment que le 11 septembre 2001. Pas évident, ce coup-là !

C’est pourtant ce qui arrivera à la fin de la première semaine du mois de juillet 2005. Une rumeur apparait dans le journal Challenges selon laquelle Danone est OPAble. Et le grand méchant PepsiCo ne voudrait faire qu’une bouchée de ce fleuron français. En fait, cette OPAbilité est largement connue de tous les marchés financiers. Le sang du 1er ministre de l’époque, de Villepin, ne fait qu’un tour et ce dernier en appelle au patriotisme économique. Les intérêts stratégiques de la France sont en danger. De fait, nous apprenions la "stratégéité" du yaourt et nous nous levions pour Danette !

À ce moment, deux évènements d’excellence vont se synchroniser.

- L’un sera source de déception : Paris perd sa candidature aux J.O.

- L’autre source de haute anxiété : auront lieu les attentats de Londres le 7 juillet à 8:50. Résultats : 256 morts et 700 blessés.

On fait difficilement mieux comme moment anxiogène imprévisible.

L’action de Danone va augmenter de 27 % en quelques jours soit une augmentation de la capitalisation boursière de 4,3 milliards d’euros. PepsiCo n’a jamais signifié à l’Autorité des marchés financiers son intention de rachat comme la loi l’y contraint. Voilà qui laisse planer une légère suspicion en terme de manipulation des marchés.

Des âmes chagrines telles que L’International Herald Tribune souligneront un lien de parenté de Christine Mital, rédactrice en chef du NouvelObs (Challenges appartient au même groupe et les pigistes des uns sont ceux des autres).

Christine Mital s‘appelait (**) Christine Riboud de son nom de jeune fille. Fille d’Antoine Riboud, fondateur de Danone et sœur de Franck Riboud, PDG de Danone…

Conclusion : à la question "peut-on chiffrer les conséquences d’une rumeur ? La réponse sera : oui, occasionnellement !" Plus de 4 milliards pour Danone et quelques centaines de millions pour d’autres petits joueurs qui apprennent vite. Pas mal pour un truc qui ne coûte presque rien. D’ailleurs, quel était l’investissement ? Un coup de fil d’un frère à sa sœur, peut-être…

ROI optimisé, non ? Les Anglo-saxons ont une expression charmante : "L’argent ne se perd jamais, il se trompe de poche".

 

Laurent Gaildraud

 

"Orchestrer la rumeur" -Eyrolles

(*) Si Monsanto n'existait pas, il faudrait l'inventer pour sa gestion d'image. Connue pour fournir 90 % des OGM dans le monde par des moyens dont l'orthodoxie laisse à désirer. OGM qui n'ont pas l'air de réussir aux rongeurs d'après les derniers journaux télévisés. Son produit phare, l'insecticide Round Up est fortement soupçonné d'éradiquer les abeilles de nos campagnes. L'entreprise produisait également le légendaire "agent orange" qui connut son heure de gloire pendant la guerre du Vietnam. Vient se greffer là-dessus une politique de communication essentiellement basée sur "le bras d'honneur". Pour la haine qu'elle suscite, Monsanto reste une cible "rumorale" de très belle facture.

 

(**) L’emploi de l’imparfait n’est pas fortuit. Christine Mital décédera début 2006...


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