Tony Blair, ou les limites de la séduction...

Ses fausses certitudes : penser qu’il pense « juste » pour l’Europe. Son Royaume est-il un modèle ? Il a dû réparer les « dégâts Thatcher » provoqués par contrecoup aux « dégats Wilson ». Et ses réussites intérieures sont plus quantitatives que qualitatives. Ce n’est pas un hasard si les Britanniques fortunés investissent autant en France, en Toscane et ailleurs... Londres, ville chère et pauvre ! Les statistiques sur l’emploi, avancées en « exemple à suivre », ne masquent ni la poussée de la précarité, ni la montée des inégalités, ni la fragilité des « réussites ». Il le sait d’ailleurs : c’est bien pour cela qu’il redonne la priorité aux investissements dans des « services publics » qui font défaut, à force d’avoir été sacrifiés...

Ses vilaines promesses : sur l’Europe, il reste plus proche de Maggie Thatcher que de Edouard Heath. De Gaulle avait vu juste, sur ce point au moins... Visionnaire et prémonitoire, le « grand Charles »... Soit on faisait une Europe-espace, avec les Anglais, soit on tentait une Europe-puissance, donc européenne, sans les Britanniques... Il faut relire l’Histoire des premières heures du Conseil de l’Europe, et les histoires de la construction européenne, pour se rendre compte à quel point la France de Pompidou a été inconsciente (sur ce plan). Edouard Heath n’était qu’une exception qui confirme la règle : l’Angleterre reste une île qui regarde vers le grand large, se méfie du continent et ne se remet pas (comme le disait Kissinger) de la chute de son empire. Le lion sans griffes et sans crinière n’est en rien constructif pour l’Europe. Par rapport à Maggie, Tony qu’a que trois vraies qualités : il a réappris aux Anglais un certain amour-propre ; il a vu que l’avenir « compétitif » se joue aussi par des stimulations d’État (qu’il condamne ailleurs) ; il sait les vertus de la séduction dans cette ère médiatique.

Or, sur quoi repose l’art de la séduction ? Sur l’art de gommer ce qui est antipathique...

Règle n°1 : on évite ce qui peut fâcher, on met entre parenthèses les divergences, on pratique « une positive attitude » illusoire. Tout le sommet « informel » des 25 d’aujourd’hui est là...Un sommet pour rien ? Non. On sauve les apparences et un bilan catastrophique de la présidence anglaise : l’Union n’a pas eu de pilote dans l’avion...

Règle n°2 : on donne des leçons à partir de données faussées... L’Angleterre posée en « modèle » ? Elle a ruiné son agriculture, son industrie automobile, sa puissance éducative, son rayonnement international, et généré l’une des sociétés les plus inégalitaires d’ Europe...

Règle n°3 : on fait des discours qui ne correspondent que très partiellement aux réalités. Pour Londres, aujourd’hui, l’Europe ne sert à rien, ou presque. Elle est même néfaste. Le Royaume-Uni n’y est entré que par nécessité, et pour mieux « la casser de l’intérieur », comme le disait de Gaulle. Pour reprendre une formule d’un confrère belge : le dépanneur est lui-même en panne, parce qu’il ne veut surtout pas dépanner.

Le grand vainqueur du NON français et néerlandais au référendum, c’est lui, parce que ces NON ont été des OUI à une "NON-EUROPE".

Pour conforter sa victoire, il n’a qu’une chose à faire : ne rien faire, en faisant semblant de faire... C’est ce qu’il a fait au Parlement européen. Très bien. C’est ce qu’il tente de refaire aujourd’hui, dans ce Palais Royal de Hampton Court, là où le roi Henry VIII vécut avec ses six femmes, dont deux furent décapitées. Drôle d’Histoire... L’Europe cocufiée ?