Tourisme : l’avenir de l’assurance kidnapping ?

L’actualité dramatique nous rappelle malheureusement la nécessité de développer l’assurance kidnapping et rançon (K&R pour Kidnap and Ransom) à destination des particuliers.
En effet, à l’heure de la mondialisation, les échanges se sont accélérés, les inégalités se sont creusées, les espaces géographiques plus réduits entraînent une augmentation des zones dites à risque. Des populations aisées côtoient des populations misérables. Les écarts de richesse créent des situations de violence où le besoin de protection est croissant. Selon le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), il y aurait entre 20 000 et 30 000 personnes enlevées chaque année. Les formes de rapt sont variées.
Le développement du tourisme de masse ces dernières décennies avec la recherche de nouvelles destinations insolites, vierges ou moins fréquentées par le public, crée des risques plus accrus d'enlèvement pour les voyageurs individuels. L’Organisation Mondiale du Tourisme[1] évalue dans son rapport annuel de 2016[2], à 1,2 milliard le nombre d’arrivées touristiques internationales. En outre, les croissances les plus fortes ont été enregistrées en Afrique et en Asie, continents comportant des régions instables (Sahel, Philippines, …). Pour répondre aux besoins de sécurité des touristes, les assurances de voyages affichent leurs limites. Cependant, est-ce le rôle de l'Etat d'intervenir pour libérer ses ressortissants qui pour des raisons purement privées séjournent dans des zones dangereuses et s'exposent parfois en toute connaissance de cause à un risque de kidnapping probable ? Il est aisé de faire un parallèle avec l'assurance automobile. En présence d'une faute inexcusable de la victime d'un accident de la circulation, celle-ci peut voir son droit à indemnisation réduit voire exclu selon l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 dite loi Badinter. Doit-on en cas de faute inexcusable telle que définie par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 juillet 1987, comme étant une "faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience", refuser de porter secours à des citoyens en détresse ? On entre là dans des considérations de philosophie politique et de la place de l'Etat dans les rapports vis-à-vis des citoyens. Etat providentiel assurant une protection à tous ses ressortissants en toutes circonstances ou Etat régulateur laissant la liberté de déplacement en tout point à ses administrés à leurs risques et périls ?
Le refus d'intervention de l'Etat du moins officiellement permettrait d’afficher une fermeté face aux ravisseurs mais aussi de ne pas encourager l’imprudence de certains ressortissants. Dans le même ordre d'idée, le recours à des solutions d'assurance se fait aujourd'hui avec la plus grande confidentialité, caractéristique spécifique de l'assurance Kidnapping et Rançon (K&R) et ce, pour "ne pas tenter le diable". Toutefois, ce produit reste relativement méconnu et s'adresse le plus souvent à des expatriés de multinationales.
L'assurance rime avec la responsabilité individuelle. Le comportement de l'individu ne peut être exonéré de toute conséquence surtout lorsqu'il constitue a minima une faute par imprudence. Aussi, faudra-t-il peut-être un jour, à l'instar de ce qui existe avec les sauvetages de skieurs aventureux sur certaines zones de montagne, envisager la participation des victimes aux coûts des opérations[3]. Pour le coût humain, c'est une autre histoire...
[1] L’Organisation Mondiale du Tourisme est une agence spécialisée des Nations Unies chargée de développer le tourisme
[2] https://www.e-unwto.org/doi/book/10.18111/9789284418725
[3] Article 96 bis de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne modifiée par la loi du 28 décembre 2016 dite Loi Montagne 2
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